Le prodige de la vie
Ce qu’il y a de plus extraordinaire dans l’homme, c’est son existence même. Évidemment, nous y sommes habitués et nous ne nous étonnons plus de notre présence sur terre.
A vrai dire, depuis le temps que des hommes naissent, vivent et meurent, rien ne nous semble plus naturel que de côtoyer ces bipèdes pensants qui posent généralement bien d’autres problèmes que celui de leur existence.
La vie elle-même, sous sa forme végétale ou animale la plus simple, est déjà un prodige qui tient à un concours de circonstances exceptionnelles.
Aucune vie n’existe sans molécules complexes, c’est-à-dire associant d’une façon rigoureuse un nombre considérable d’atomes d’espèces différentes. Ces arrangements d’atomes ne peuvent se constituer et rester stables que si la température environnante n’est ni trop froide ni trop chaude.
Première chance, la Terre est juste à bonne distance du Soleil, ni trop près, ni trop loin, pour qu’ont puisse avoir de telles températures. Ceci exige que la Terre tourne autour du Soleil à une vitesse bien précise : plus vite, elle s’éloignerait et tout gèlerait, plus lentement, nous nous rapprocherions du Soleil et serions brûlés.
Seconde chance, la Terre tourne sur elle-même. Si, comme c’est le cas de la Lune qui présente toujours la même face à la Terre, la Terre montrait toujours la même face au Soleil, un côté serait brûlant et l’autre glacé. En outre, l’inclinaison de l’axe de la Terre permet les saisons et donc des cycles qui coïncident avec ceux du développement des plantes.
La vie dépend donc d’un mécanisme d’horlogerie d’une précision tout à fait comparable à celle que nécessitent les lancements de satellites. Mais ce que la science la plus moderne vient tout juste de réussir à petite échelle n’est qu’une imitation de l’incroyable ballet des planètes autour du Soleil.
Autre constatation qui va à l’encontre de notre expérience sensible : la science nous apprend que l’univers est une immensité de vide où la
matière est une exception. Ceci est également vrai pour un atome de matière qui est une sorte de petit système solaire avec son noyau-soleil et ses électronssatellites : dans l’atome, la matière n’occupe qu’une infime partie du volume de l’ensemble.
Dans ces conditions, n’est-il pas prodigieux qu’aient pu se constituer ces molécules complexes rassemblant dans un ordre précis autant d’atomes relativement peu fréquents ? Que la matière ait pu s’organiser dans des espaces aussi vides est également une cause de stupéfaction.
Et, par-dessus tout, comment ces incroyables molécules complexes ont- elles pu s’assembler pour constituer des ensembles vivants, des espèces différentiées, susceptibles de se reproduire et de se perfectionner ?
Du point de vue des probabilités, chacun des phénomènes de la nature que nous venons de survoler n’avait que d’infimes chances de se produire, mais que l’ensemble de ces phénomènes ait pu apparaître est infiniment plus étonnant et improbable. Par comparaison, tirer un carré d’as en prenant 4 cartes au hasard dans un jeu de 52 ne se produit qu’environ une fois sur 250 000, mais réussir ce tirage deux fois de suite n’arrive qu’une fois sur 62 milliards. Il est plus que troublant de constater la quantité de hasards favorables qui ont dû s’accumuler le long des siècles pour que puissent se réaliser les conditions d’apparition de la vie.
Quant à la vie elle-même, nous ne savons pas encore très bien ce qu’elle est !
Enfin, à l’extrémité de cette chaîne d’invraisemblances, on trouve l’Homme qui, invraisemblance suprême, a la faculté supplémentaire de penser.
D’autres planètes semblables à la nôtre en ce qui concerne les conditions d’apparition de la vie peuvent-elles exister dans l’univers ? Bien sûr, et vraisemblablement un grand nombre : notre Soleil n’est que l’une des étoiles parmi les milliards que comporte notre galaxie et cet énorme amas d’étoiles n’est que l’un parmi quantité d’autres que nous arrivons à repérer dans l’univers. Même si, comme on l’a vu, les conditions dont nous bénéficions sont exceptionnelles, il y a un tel nombre d’étoiles de tous types, à toutes les phases de leur vie, que la probabilité d’un autre miracle analogue au nôtre est loin d’être négligeable.
Malheureusement, cette constatation ne nous sert pas à grand-chose. En effet, si nous pouvons voir les étoiles éloignées, il est très difficile de distinguer les éventuelles planètes qui tournent autour. Nous sommes pour de longues années encore incapables de recevoir des signaux de telles planètes.
Bien plus grave est l’obstacle du temps : les distances en cause sont telles que le message que nous serions susceptibles de recevoir remonterait à des temps très lointains.
Pour une étoile moyennement « proche » de notre galaxie située,disons, à 1 000 années-lumière, la lumière reçue aujourd’hui a été, par définition, émise il y a 1 000 ans. Ceci exclut toute conversation avec d’éventuels habitants d’une planète tournant autour de cette étoile puisque notre réponse arriverait encore 1 000 ans plus tard2.
Le problème serait le même si nous envisagions de nous rendre sur place. Même en voyageant à la vitesse de la lumière, ce que nous ne savons pas faire et ce qui est un maximum absolu indépassable, il faudrait 1 000 ans pour le voyage aller et autant pour le retour. C’est dire que ces mondes sont définitivement hors de notre portée. On peut donc imaginer tout ce qu’on veut : des mondes parfaitement différents de ce qui existe sur terre aussi bien que des planètes peuplées d’hommes semblables à nous ; ce qui est sûr, c’est que, même si nous avons un jour la preuve de leur existence, nous n’aurons aucune possibilité de communication utile avec eux.
A cela s’ajoute un phénomène auquel on ne pense généralement pas : la science nous apprend que l’ensemble de l’univers provient d’une explosion originelle unique qui a eu lieu il y a environ 15 milliards d’années3.
Que les étoiles soient vieilles ou jeunes, toutes procèdent du même feu d’artifice initial. Le temps d’évolution nécessaire pour l’apparition de la vie et son perfectionnement ultime n’est donc pas d’un ordre de grandeur très différent d’une planète à l’autre. Il est ainsi peu
vraisemblable que la vie ait pu, sur d’autres planètes, disposer d’un temps significativement plus long que sur la Terre pour atteindre des stades d’évolution beaucoup plus avancés… à moins que, par un miracle supplémentaire, les hésitations de l’évolution des espèces aient été remplacées ailleurs par un chemin tout droit et sans aspérités, ce que nous n’avons aucune chance de savoir.
1. Rappelons que le diamètre de notre galaxie est d’environ 100 000 années- lumière, c’est-à-dire qu’à raison de 300 000 km par seconde, elle mettrait 100 000 ans pour le parcourir. Il y a environ 200 milliards d’étoiles dans notre galaxie et l’on a recensé plus de 200 000 galaxies dans l’univers. Les plus proches galaxies, le Sagittaire et la Vierge, sont à 500 000 et 6 millions d’années-lumière.
2. Il est évidemment exclu de trouver une vie élaborée dans le système solaire ailleurs que sur la Terre pour les raisons de température évoquées plus haut.
3. C’est la théorie du « big bang » qui ne fait pas encore l’unanimité chez les savants.