L'hindouisme : La modernisation
L’industrialisation lourde a commencé au XIXesiècle avec la communauté parsie et la caste marchande. Si l’on pouvait compter sur la première pour la qualité des produits et la stratégie à long terme, la seconde, fondée sur l’animisme hindou et sa tradition orale – dont les textes sacrés n’étaient que la fixation sur le papier – était portée par la parole aux activités du commerce. Car qu’est- ce commercer sinon parler ? La répétition, chère à cette tradition, bloquait l’innovation et donc la recherche. La conséquence de cette double caractéristique fut souvent une industrie d’imitation, de malfaçon et d’improvisation. La planification et l’étatisation de 1965, centrées sur l’industrie lourde et les infrastructures à l’instar de l’URSS où elles avaient donné des résultats impressionnants, n’améliorèrent pas l’économie indienne. Les deux guerres, avec la Chine en 1962 et le Pakistan en 1965, absorbèrent une grande partie des ressources encore disponibles. Enfin, la population se multiplia tellement que le morcellement des terres empêcha une véri
table réforme agraire. Le coup de grâce fut donné par les deux sécheresses de 1965 et 1966 !
C’était beaucoup pour un pays, si grand fut-il. Malgré tout réagit et lança alors la révolution verte. Trois éléments autorisaient ce nouvel espoir : de nouvelles espèces de blé et de riz à haut rendement, l’irrigation et l’usage systématique d’engrais et de pesticides. Ce mode intensif devait multiplier par huit les rende Malheureusement, quelques Etats seulement réussirent ce c Pendjab, l’Haryana, l’Ouest de l’Uttar Pradesh et les deltas c Est. Parallèlement, l’échec de la grande industrie versa toi espérances dans la petite, mais le choc pétrolier de 1974 et la corruption mirent le pays à genou et, en 1975, Indira Gandhi déclarait l’état d’urgence. Une nette remontée se fit sentir : de 1976 ; la production industrielle crut de dix pour cent et les exportations de vingt. Par ailleurs, l’exploitation d’un gisement au large de bombay améliora nettement la situation pétrolière du pays.
A partir de 1977, le projet national se reporta sur le développement villageois : micro-entreprises, santé, éducation, écoles, for work », travaux d’intérêt public, routes, canaux d’irrigation devinrent dans toutes les bouches les clés de la réussite, compter sans l’écrasante bureaucratie indienne, ses licence paralysantes, ses contrôles kafkaïens, ses crédits impossibles, ses strangulatoires…
Les données qui suivent proviennent de L’Inde contemporaine 1950 à nos jours, ouvrage extrêmement documenté établi groupe pluridisciplinaire sous la conduite de Christophe Je (1996).
« Dans les transports et l’électricité, les goulots d’étranglement ne cessent de se resserrer. Et pourtant, les progrès sont spectaculaires. L’Inde rurale ne connaissait que la bougie et la lampe en 1952. Même de petites villes étaient plongées dans le noir 1993, 85 % des villages sont électrifiés, de même que 10 milli pompes d’irrigation. Le réseau routier s’est étendu de m considérable. Toutefois, dans les deux cas, la croissance a été privilégiée au détriment des dépenses d’entretien, de fonctionnement de renouvellement du matériel. Le mauvais état des routes, a1différences sensibles selon les régions, accentue l’usure de cules et ralentit le trafic, d’où des pertes estimées à deux m de dollars par an ; celles-ci sont beaucoup plus lourdes dans le secteur électrique. En moyenne, les centrales tournent à 54 % de leur capacité. En 1994-1995, le manque d’électricité n’est pas 1 20 % de la demande aux heures de pointe. Les pertes des défauts des réseaux de transmission et de distribution, ainsi qu’aux vols de courant s’élèvent à 23 %. Suite aux pannes et coupures de
courant, l’industrie subit des dommages estimés à huit milliards de dollars par an. De leur côté, les paysans ne peuvent faire marcher leurs pompes d’irrigation, ce qui affecte les récoltes. Quant aux chemins de fer, dont le réseau, élevé au départ, n’a pas beaucoup augmenté, ils souffrent des mêmes défauts. »
La mortalité a, semble-t-il, toujours été élevée : 4,5 % par an aussi loin que les statistiques puissent remonter. A partir des années vingt, elle a commencé son déclin, sous l’impulsion du modernisme : chemin de fer, irrigation, stockage des céréales, subvention des prix, distribution de grains en période de vaches maigres, politique de santé primaire, conditions d’hygiène, nutrition. Auparavant en effet, les maladies et la malnutrition des enfants n’autorisaient qu’une croissance extrêmement faible de la population. Parallèlement, l’espérance de vie a cru considérablement, mais seulement à partir des années cinquante. L’incidence de notre siècle est particulièrement frappante sur la mortalité infantile. En 1978, elle était encore deux fois plus élevée à la campagne, proche de la vie ancestrale, qu’en ville ! De même, ce taux est double chez les femmes illettrées par rapport aux femmes scolarisées, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain.
Jusqu’aux années cinquante et même soixante-dix, la natalité est restée au beau fixe, à 4 % et plus. La population a donc augmenté à grande vitesse. Il semble cependant que cette vitesse ait atteint son maximum il y a quelques années. Le tableau ci-après fait ressortir ce sommet en 1980, mais, selon certains auteurs, il conviendrait de corriger les recensements et de le replacer dans les années soixante à la hauteur de 2,3 % par an. On voit donc que, si la population continue d’augmenter aujourd’hui, elle augmente de moins en moins vite. On peut même espérer que la fin de la transition se montre un jour et que la démographie se stabilise… En effet, si la santé se maintient, la fécondité des femmes diminue de moitié lorsqu’elles passent de l’état non-alphabétisé au diplôme supérieur ! Ceci, encore une fois, se vérifie scrupuleusement en ville et à la campagne.
L’évolution de la quantité de grains, toutes céréales et légumineuses confondues, peut sembler favorable : comme l’indique le tableau, elle est supérieure à la croissance démographique. C’est l’effet de la révolution verte des années cinquante. Malheureusement, la quantité de légumineuses a, pour sa part, diminué : si elle atteignait le niveau d’une alimentation équilibrée à l’indépendance, soit 25 kilos par habitant et par an, elle est descendue à 14 ces dernières années !
Le tableau ci-dessous tente de rassembler les chiffres-clefs autour des années décennales, au prix quelquefois de légères distorsions. Les valeurs reproduites en italique sont estimées.