Le bouddhisme et le développement
La pagode de Shwe Dagon à Rangoon, capitale de la Birmanie, st revêtue de l’or offert par les fidèles, ils acquièrent ainsi le mérite qui leur promet une réincarnation meilleure. La construction des temples et l’entretien des communautés religieuses, très nombreuses, représentent un coût élevé pour une société agricole. Le fait est cité pour le Tibet par Tséwang Pemba (1975). Les cérémonies d’initiation des jeunes gens sont extrêmement coûteuses en cadeaux, en vêtements, en repas et demandent de longs mois, voire es années d’économie aux familles modestes.
Pour le développement, une démographie galopante est un poids difficile à tirer. Or le bouddhisme a plutôt tendance à contrer les facteurs qui abaisse la natalité. Ceux-ci sont bien connus, ce mt le progrès économique, l’éducation des filles, les pratiques contraceptives et la baisse de la mortalité infantile (qui entraîne une »compensation). Si le bouddhisme propose aux filles une éducation comparable à celle des garçons (quoique Bouddha lui-même était pas très favorable à l’entrée des femmes en religion) et si le célibat des nombreux moines et nonnes est positif sous ce point de e, l’éloignement du matérialisme, l’indifférence au planning familial dans un contexte où l’individu est dépassé par l’univers, la condamnation de l’avortement et le manque d’intérêt pour les soins de santé primaires encouragent finalement la croissance démographique. En comparant les différents pays bouddhistes on constate que la fécondité est élevée, sauf pour les plus riches d’entre eux : la Thaïlande et le Sri Lanka ; ils présentent en effet des indices de fécondité très bas : 2,1 et 2,5, qui correspondent à un sin renouvellement de leur population. Les autres doivent subir valeurs dramatiques : de 3,9 à 6,7 naissances par femme !
L’acceptation de la souffrance, de la vieillesse, de la maladie de la mort est radicalement opposée à la tradition européenne L’homme y refuse ces contraintes et aménage son milieu pour réduire au maximum. C’est son objectif permanent. L’occidental transforme le monde plus qu’il ne travaille sur lui-même et appelle « développement » cette transformation. En général, l’activisme sociopolitique est contraire au bouddhisme, centré sur l’acceptation d’un monde de souffrance et sur son dépassement par sa se spiritualité. Les actions sont citées comme des exceptions : manifestation des moines tibétains contre l’annexion de leur pays par la Chine, fondations d’écoles, d’hospices et d’hôpitaux au japon Effectivement la doctrine du Bouddha ne semble pas incite l’action, à la possession, au développement : elle affirme que 1’origine de la souffrance provient du désir, de tous les désirs qui peuvent jamais être satisfaits que momentanément et qui ont pi origine la conviction d’une existence personnelle, du moi. Dès 1 la solution s’impose : supprimer les désirs pour se libérer du karma et finalement atteindre le nirvana. La seule action utile porte sur même et vise à dissoudre le moi.
Comme on l’a vu dans l’exemple thaïlandais, la liberté, la tolérance, l’ouverture, la paix qui résulte de l’esprit bouddhiste sont des éléments positifs pour le développement, dans le sens où nous l’entendons. Par contre, le manque de modèle de hiérarchie l’absence d’esprit économique porterait les fidèles aux antipodes de la croissance matérielle.
Il faut faire ici la distinction entre la hiérarchie fonctionnelle« d’une entreprise et la hiérarchie religieuse qui pèse sur la culture sur les esprits, sur les mentalités. Si le bouddhisme ne propose de modèle de hiérarchie fonctionnelle, il ne présente non p aucune hiérarchie contraignante, aucun pape, aucun clergé i émettrait des lois et en surveillerait l’exécution, au moyen de cours de justice, de sacrement de confession ou de complexe culpabilité. Il apparaît donc que cette religion ne soutient pas développement dans le sens où elle ne lui apporte pas de structure sociale mais qu’elle ne l’empêche pas non plus par des freins dicta
toriaux. De ce point de vue, le bouddhisme se tient en dehors de la production.
Enfin, l’opposition à la marchandise est totale. En renonçant au signe, cette religion dit non aux plaisirs culturalisés, donc à la consommation. En anéantissant le moi et l’image narcissique, elle refuse les objets dans lesquels l’homme occidental se retrouve, miroirs par lesquels il constitue son moi.
Par ailleurs, un certain immobilisme est aujourd’hui constaté dans ces pays : le message de l’éveil ou « principe de conscience » de Bouddha est oublié de nos jours. « Nous sommes pris dans un système compliqué de rites et de rituels, d’idoles et de dieux, de traditions et de dogmes », constate Tséwang Pemba au Tibet. Ces populations s’éloignent du bouddhisme des origines, au profit d’us et de coutumes qui perdent progressivement leur sens. D’autres éléments, principalement asiatiques, s’affirment comme moteurs de l’action. C’est grâce à ces derniers et à l’effilochement du marxisme que les pays bouddhistes connaissent aujourd’hui l’amorce d’un développement.
En conclusion, on peut dire que, si le bouddhisme contient peu de facteurs bloquant le développement ou s’y opposant, il ne le stimule certainement pas. L’argument initial de l’opposition de cette religion à la consommation, donc à la production, peut être retenu. Les éléments de la croissance dans les pays bouddhiques proviennent dans leur grande majorité d’autres domaines, asiatiques ou occidentaux.