Les théologiens
La parole de Dieu, que les religions révélées disent avoir reçue n’apporte pas toutes les réponses aux questions de la vie quotidienne et ne peut encore moins résoudre les problèmes à notre place. La révélation laisse donc une part considérable à l’initiative humaine.
Le travail intellectuel des théologiens consiste à tirer de la révélation reçue par leur religion des réponses aux interrogations les plus diverses. On mesure la difficulté de l’entreprise : si Dieu n’a pas voulu tout dire, il avait sûrement de bonnes raisons pour cela et il y a peu de chances pour qu’on puisse le forcer à s’exprimer. Les théologiens s’exposent donc au risque majeur de solliciter les textes jusqu’à en tirer parfois des conclusions contradictoires.
Le mot grec « théologie » peut d’ailleurs prêter à confusion : littéralement c’est l’étude de Dieu, un vaste sujet qui se réduit bien souvent à étudier ce que les hommes pensent de Dieu, ce qui n’est pas précisément la même chose.
A vrai dire, seul le christianisme peut revendiquer la possibilité d’une théologie dans la mesure où, selon cette religion, Dieu s’est fait Homme, facilitant ainsi incontestablement son étude. Certes la révélation du « mystère » de la Trinité permet d’aller plus loin dans les spéculations sur la nature de Dieu mais toute théologie reste inéluctablement limitée aux rapports de Dieu et de l’homme. C’est en ce sens que la théologie chrétienne parle de christologie et même de mariologie, de théologie de la grâce ou de théologie de la libération.
Dans l’Islam, on ne pratique guère l’étude intellectuelle de Dieu puisqu’il est l’inconnaissable ; les personnages qui s’approchent le plus des théologiens sont les ulema sunnites ou les ayatollahs chiites ; leur rôle est plutôt de nature juridique, ils tirent du Coran les règles de droit et de jurisprudence dont la société musulmane a besoin.
Plus généralement, dans toutes les religions qui disposent de textes sacrés, il existe des savants (c’est le sens du mot ulema) qui non seulement maîtrisent ces textes mais ont aussi l’autorité morale pour les interpréter : c’est, par exemple, le rôle des rabbins dans le judaïsme. On voit que la fonction intellectuelle de ces érudits est nettement distincte de la fonction « sacrée » du prêtre, chargé du culte rendu à Dieu, ce qu’on appelle en grec la liturgie.
Le christianisme est ainsi l’une des seules religions où les deux fonctions coexistent et où les prêtres reçoivent une formation de théologiens. Ni dans l’Islam, ni dans le judaïsme il n’existe de prêtres à proprement parler, tandis que dans l’hindouisme les fonctions de prêtre n’impliquent pas de faire des études théologiques au sens strict, les textes sacrés étant surtout une mythologie. Quant au bouddhisme où la notion de Dieu est secondaire, il n’a, à proprement parler, ni prêtres ni théologiens, mais plutôt ces sages qui donnent un exemple de vie en conformité avec l’enseignement de Bouddha.
Le terme chrétien de clergé s’applique donc fort mal à l’ensemble de ceux qui, dans les diverses religions, se consacrent à répandre leurs croyances ou à servir Dieu. Seule la description des situations particulières nous permettra de nous faire une idée de ces « professions religieuses ».