Le diable
L’invention la plus diabolique est sans doute l’image que le diable a réussi à donner de lui-même : cet être velu et cornu qui pousse à coups de fourche les malheureux pécheurs dans les flammes de l’enfer. Seuls des esprits simples et primitifs peuvent croire à de tels phantasmes, ce qui .Pour effet que l’on croit de moins en moins au diable.
Il peut ainsi, s’il existe vraiment, travailler dans l’ombre en toute quiétude et contribuer, beaucoup plus subtilement, à éloigner les hommes du bonheur que Dieu propose à leur liberté et à leur amour.
Cette volonté de dissimulation rend encore plus difficile de prouver l’existence du diable que celle de Dieu, ce qui n’est pas peu dire.
Si le diable s’efforce de se faire oublier pour mieux surprendre ses victimes, rares sont cependant les croyants qui ont une expérience personnelle de Dieu qui n’ont pas aussi une certaine perception de l’existence de cet adversaire, de ce Malin, dont l’arme principale est la tentation. C’est peut-être une simple interprétation de la part de ces croyants mais il faut constater que toutes les grandes religions révélées admettent l’existence du diable et des démons .
Cette croyance est sûrement très ancienne, car toutes les formes d’animisme comportent des esprits du Mal qui luttent contre ceux du Bien. Dans l’hindouisme également, les textes sacrés relatent le combat des bons devras contre les méchants ashuras2.
Quant aux zoroastriens, ils ont longtemps placé à égalité le dieu du bien Ahura Mazda3 et celui du mal Ahriman.
S’il est normal qu’une religion animiste personnifie le Mal comme les autres forces de la nature, on peut se demander pourquoi les religions monothéistes révélées affirment encore l’existence du diable.
Ce qui est indéniable, c’est la réalité du mal et de la tentation. Est-ce suffisant pour avoir la certitude que c’est l’œuvre d’un chef d’orchestre diabolique acharné à notre perte ? C’est affaire de croyance personnelle. Nous nous contenterons de rappeler ce que les grandes religions révélées laissent entendre à ce sujet.
Le judaïsme, première religion monothéiste, a été confronté dès ses débuts avec les dieux, bons ou mauvais, des religions païennes. Assez naturellement, les « faux dieux » des peuples voisins ont été considérés comme des démons. Ce fut le cas notamment de Beelzeboul, dieu guérisseur cananéen, déclaré prince des démons.
La tentative d’explication du mal par l’intervention d’anges déchus n’est apparue que tardivement. Les croyances populaires selon lesquelles les maladies sont provoquées par des démons était largement répandue à l’époque de Jésus-Christ. Celui-ci a effectué ses guérisons miraculeuses sans réfuter cette interprétation, mais sans pratiquer non plus les rites des exorcistes officiels.
Le Coran reprend à son compte la croyance aux démons, en y ajoutant celle des djinns, mystérieuses créatures spirituelles. Le diable, appelé Iblis, aurait refusé d’adorer Adam puis, par jalousie, aurait conduit nos premiers parents à leur perte. Iblis introduit la discorde entre les hommes par le vin et le jeu, il prêche l’immoralité et ce qu’il promet est supercherie. Iblis n’est pas le seul démon : il est dit que celui qui se montre aveugle à la loi divine, Dieu lui suscite un démon.
De nos jours, les avis sont partagés sur l’existence du démon. L’Islam s’en tient évidemment au Coran mais ne tire pas de conséquences comme, par exemple, des rites d’exorcisme.
L’Eglise catholique en revanche ne s’estjamais lancée, malgré son penchant pour les dogmes, dans une affirmation doctrinale de l’existence personnelle du Malin. Pourtant nombreux sont ses saints qui ont été véritablement torturés par des interventions sataniques tout à fait matérielles ; le curé d’Ars, pour ne citer que lui, a reçu des coups, a été jeté à terre et a été fréquemment réveillé par le démon. De nombreux croyants pensent être les victimes de sorts ou d’envoûtements diaboliques. Théoriquement, il existe dans les diocèses un prêtre exorciste chargé de ces cas étranges. Italie où ce type de croyance est vivace, on a compté, entre 1981 et 1983,
350 demandes d’exorcisme pour le seul diocèse de Turin. Les prêtres Pecialistes, souvent diplômés de médecine ou de psychologie, considèrent s’agit de maladies mentales dans l’écrasante majorité des cas mais resperplexes devant certaines autres manifestations.
P J-es cas de possession, fréquents dans les cultes animistes, sont bien souvent interprétés par l’Eglise comme étant de nature diabolique. Il en est de même des activités de sorcellerie, de spiritisme ou d’ésotérisme.
Peut-être exprimera-t-on la pensée de- l’Eglise catholique en disant qu’elle ne nie pas l’existence de Satan et des démons mais qu’elle hésite à l’affirmer, faute de données inattaquables.
Le plus important reste de s’armer contre le Mal, qu’il soit une tentation interne de l’esprit ou le résultat partiel d’une intervention maligne extérieure.