Représentations bouddhiques en Asie du Sud-Est
Les missionnaires bouddhistes ont très tôt apporté leurs doctrines et leurs canons esthétiques dans les pays du Sud-Est asiatique, avec plus ou moins de succès. Dès les premiers siècles de notre ère, des statues en bois du Bouddha debout apparurent en Cochinchine (Go-oc-éo) et dans le Funan (sud du Cambodge). Les missionnaires ayant également pénétré dans la basse vallée de l’Irawady et dans celle du Menam Chao Phraya, des Etats bouddhistes se créent (Dvâravatî), qui élèvent de grands monuments (stupa, monastères), décorés de sculptures de facture indienne obéissant plus ou moins aux canons des écoles Gupta et post- Gupta. Cependant, les effigies représentant le Bouddha prennent une allure locale, les visages des divinités étant influencés par les types ethniques et les canons esthétiques de ces régions. Les attitudes sont encore raides. On utilise surtout la pierre, parfois la brique sculptée. Sur la côte orientale de l’Indochine, le bouddhisme se développe concurremment avec le brahmanisme, mais ce n’est qu’au IX siècle que l’on voit apparaître au Champâ de grandes œuvres bouddhiques avec le monastère de Dông-du’o’ng. Ces œuvres, des sculptures et des bas- reliefs, appartiennent non plus aux sectes du Petit Véhicule comme en Basse-Birmanie et dans le royaume de Dvâravatî, mais au Mahâyâna. Les personnages représentés ne sont plus seulement la personne du Bouddha historique, mais d’autres divinités appartenant aux panthéons du Mahâyâna. Les silhouettes des personnages sont trapues et leur type ethnique est accusé : lèvres épaisses, moustaches, arcades sourcilières continues, peut-être sous l’influence de l’art bouddhique de Java. Vers la même époque le Champâ produit quelques images de bronze, représentant principalement Avalokiteshvara.
En Indonésie, où il semble que le bouddhisme soit arrivé très tôt (on a retrouvé des statues en bronze de facture indienne, sur les côtes occidentales de Bornéo, datant du V siècle), le bouddhisme du Mahâyâna se développe considérablement au VIIIe siècle, principalement à Java, avec les ensembles monumentaux du Borobudur. L’art du bas-relief atteint ici son apogée pour représenter, à côté des images des Jina (de facture influencée par les styles Gupta), d’innombrables divinités sur des bas-reliefs historiés. Les grandes statues sont rares (Bouddha assis du Borobudur, statues du Chandi Mendut), mais d’excellentes proportions. Elles sont en pierre. Le bronze ne fut, semble-t-il, utilisé que pour de très petites statuettes. Après le IX siècle, l’art bouddhique semble décroître pour faire place à l’art brâhmanique.
Au Cambodge, après un certain déclin, l’art bouddhique connaît un renouveau avec l’arrivée au pouvoir de rois bouddhistes. Le plus célèbre de ceux-ci, Jayavarman (1180-vers 1218), couvre le pays de monuments, d’images bouddhiques. C’est alors le triomphe des représentations de Lokeshvara et de divinités mineures du Mahâyâna, ainsi que des Apsarâs dont les danses décorent la plupart des monuments.
En Birmanie, après une brève apparition des doctrines du Mahâyâna venues du Bengale, ce sont les sectes du Petit Véhicule qui s’imposent, surtout à Pagan, où des apports de Ceylan viennent quelque peu modifier l’ancien style créé dans la basse vallée de l’Irawady : c’est alors la brique sculptée qui prédomine, la pierre étant relativement rare. Les statues sont alors réalisées en brique, en terre cuite ou en bois. Nombre de celles-ci sont d’ailleurs influencées par les styles indiens du Bengale. Par la suite, ce style continuera, mais en se dégradant. Le gigantisme sera de règle pour représenter le Bouddha assis ou couché. Les corps en brique seront recouverts d’enduit et peints, souvent de brillantes couleurs.
En Thaïlande, le bouddhisme des écoles de Dvâravatî se perpétue dans le Nord et se transforme petit à petit, d’une part sous l’influence des Khmers, qui occupent un temps la vallée du Chao Phraya, et de l’autre par une sorte de « siamisation » des attitudes, qui suivent à la lettre certains textes appartenant aux doctrines du Hînayâna. Les têtes des Bouddha s’allongent, les nez se recourbent en « bec de perroquet », les attitudes se font très souples, presque fluides. Nombre d’écoles se créent, et l’art du bronze est florissant. Par la suite, cet art devient plus hiératique et perd la plupart de ses caractéristiques : les poses deviennent raides, les doigts sont tous de la même longueur, les ornements surchargent les silhouettes. L’art laotien suit la tendance siamoise, avec cependant des différences locales… Là aussi le bronze est utilisé de préférence, ainsi que le bois. Apparaissent dans ces styles le type du « Bouddha marchant », et les frises de soubassement des stûpas formés de protomés d’éléphant (comme à Ceylan et au Siam) ou de processions de disciples. De nombreuses statues du Bouddha assis ou debout ornent les faces et les étages des stûpa.