Hindouisme et développement
Naipaul, indien, hindou et brahmane, a passé toute sa jeunesse aux Antilles où son père s’était installé. Il vit dans la communauté indienne locale dans la tradition hindoue. Il s’installera ensuite en Angleterre pour y faire ses études et puis pour travailler. A l’âge mûr, il décide d’aller visiter « son pays ». Le choc est terrible. Il y retournera pour plusieurs séjours et écrira trois livres : L’Inde sans espoir, L’illusion des ténèbres et L’Inde brisée. Les titres parlent d’eux- mêmes et effectivement, le ton est très vite donné.
« Une autoroute d’environ sept cents kilomètres traverse le plateau du Deccan et relie Bangalore à Poona, ville industrielle située aux confins du plateau est de Bombay. Il n’y a presque aucune voiture sur cette autoroute mais beaucoup de chars à bœufs et de camions. Ces derniers sont abominablement surchargés ; leurs pneus sont usés jusqu’à la corde ; les remorques se renversent souvent. Cependant, tandis que défile toute la souffrance ancienne de l’Inde rurale, le trafic industriel ne tarit pas. Le changement a atteint (certaines personnes) ; leur monde ne saurait à nouveau se rapetisser. »
«… les cabanes des sans-terre le long de la route Poona-Bombay, les enfants ouvriers de Bihar parmi les nattes blondes de jute, les chawls et les bidonvilles au centre de Bombay, les squatters affamés aux tenues de coton lumineuses dormant devant ou à l’intérieur des ruines de Vijayanagar, les corps rongés par la famine juste devant la ville de Jaipur. Cela ressemblait à un désastre que personne ne pouvait maîtriser. »
« …un refus de la civilisation et de la créativité, de la renaissance et de la croissance au profit de la magie et de l’incantation, c’est une régression en direction d’une nuit presque africaine, l’éternel primitivisme de lieux comme le Congo, où, après le passage des Belges et des Arabes qui se livraient au trafic d’esclaves, on se languit du passé présenté comme le bon vieux temps de nos ancêtres. C’est la mort d’une civilisation, l’ultime corruption de l’hindouisme. »
La société des castes
Le cadastrage de la société est, comme la mythologie, une réaction au chaos. Il plaque son ordre rigoureux et impeccable sur le désordre qui, sans cesse, menace. Chacun fait partie d’une caste et en affiche les signes. Chacun s’y identifie, jouissant de ses privilèges et acceptant ses servitudes. « Fais ton devoir, si modeste qu’il soit, dit la Gîta, plutôt que celui d’un autre, si grand soit-il. Mourir en accomplissant sa tâche, c’est la vie. Vivre en accomplissant celle
d’un autre, c’est la mort. » Les implications de cette conception la vie seront analysées plus loin.
Ambedkar, intouchable, ministre de la justice au milieu siècle, participa à l’abolition de l’intouchabilité dans la nouvelle constitution. Puis il se rendit compte que l’hindouisme ne pou fonctionner sans cette hiérarchie. C’est l’aspiration à devenir brahmane et la crainte de se réincarner en intouchable qui motive fidèles. Il poursuivit donc son combat en se convertissant au bouddhisme qui considère tous les hommes égaux et refuse le système des castes et y invita tous les intouchables qui le suivirent par lions ! Cette hémorragie effraya d’ailleurs Gandhi. Celui-ci ne voulait pas affaiblir l’hindouisme par la perte du quart de ses fidèle craignait par ailleurs, pour le parti du Congrès auquel il était attaché, l’émergence d’un mouvement indépendantiste de la c; inférieure.
Ramaswami Naicker combattit également le système des castes l’hindouisme. « Celui qui croit en Dieu est un barbare » assura en expliquant que les dieux étaient une création des brahmanes l’instar des Egyptiens et des Grecs de l’antiquité. Il pensait qui progrès scientifique allait faire de la terre un paradis et que la notion de dieu disparaîtrait.
Ambedkar et Ramaswami Naicker avaient fait avec Jinnah futur fondateur du Pakistan, le projet de démembrer l’Inde bi manique en quatre pays : le Pakistan – pays des purs – pour musulmans, le Dalitstan – pays des opprimés – pour les intouchables, le Dravidstan pour les dravidiens – les intouchables du i – et l’Hindoustan pour les hindous.
A l’indépendance, en 1947, la Constitution abolit le statut d’intouchable. L’un d’eux, Jagjivan Râm, est devenu ministre, autre, Kocheril Narayanan, vice-président ; mais il ne s’agit (d’un os à ronger, le pouvoir central appartenant toujours aux h tes castes. C’est une révolution de papier. S’ils peuvent accéder aujourd’hui aux petits métiers de tailleurs, d’employés ou de cyclopousseurs, le système des quotas dans la bureaucratie ne fonctionnent pas. Les intouchables représentent près de trente pour cent de la population mais n’y occupent que dix pour cent des emplois cadres et quatre-vingt-cinq pour cent des postes de balayeurs ! Et delà des ces dispositions administratives, ils subissent toujours quotidiennement le mépris de l’ensemble de la population. On n’abolit pas du jour au lendemain une habitude de trois mille ans…