La médecine
La médecine arabe continua la médecine grecque. Tout ce qu’on connaissait sur le fonctionnement du corps humain venait des Grecs. Les Arabes ne firent pas de découvertes extraordinaires, mais il y eut de notables progrès dans l’examen, dans le diagnostic et dans la notation minutieuse du cas clinique. Il leur manqua de bonnes connaissances anatomiques. Pour des raisons religieuses, on ne pratiquait pas la dissection, mais on fit de la petite chirurgie. Les hôpitaux, en même temps écoles de médecine, virent le jour dans toutes les grandes villes musulmanes. Ils aidèrent à la formation des médecins et permirent la diffusion de l’information médicale. La médecine eut un caractère très interconfessionnel et elle se pratiqua dans un esprit de grande liberté. Au début, la plupart des médecins étaient chrétiens, comme les Banu Bakh-tishu qui furent médecins des califes.
Hunain ibn Ishaq al Ibadi (809-873), qui devint médecin de la cour sous Al Muttawakkil, fit avec son équipe d’élèves un énorme travail de traduction des œuvres grecques et hellénistiques, en particulier de celles d’Hippocrate et de Galien.
Abu Bakr al Razi (850-923), le philosophe déjà étudié, fut un très grand médecin. Il dirigea un hôpital à Bagdad et écrivit un ouvrage monumental. Il fait cette remarque étonnante pour l’époque : « La vérité, en médecine, est une moyenne qu’on ne peut atteindre : tout ce que l’on peut lire dans les livres a beaucoup moins de valeur que l’expérience d’un médecin qui pense et raisonne […] La lecture ne fait pas le médecin, mais bien l’esprit critique et le talent d’appliquer à des cas particuliers les vérités dont il a connaissance » (cité dans M. Bergé, Les Arabes, p. 363). Il écrivit un livre sur la peste, un traité sur la variole et les rougeoles, et étudia la « pierre de la vessie et des reins », la goutte et les rhumatismes.
Ali Abbas écrivit au IXe siècle un livre intitulé Le royal qui est un condensé de toutes les connaissances en médecine. Les médecins arabes tiennent compte de l’état psychique du patient ; ainsi Ibn Butlan conseille la musique pour relever le moral du malade. Il insiste, comme condition pour garder la santé, sur la pureté de l’air, la modération dans la nourriture et les bois¬sons, l’équilibre entre repos et travail.
L’ophtalmologie, spécialité très prisée, fit de grands progrès avec Hunayn ibn Ishaq, Ali ibn Isa et Ammar ibn Ali al Mawsil. Hunayn écrivit des traités où il étudia l’anatomie de l’œil, des nerfs optiques et du cerveau ; il en décrivit les maladies et les traitements. Ali ibn Isa, dans son livre Un trésor pour les ophtalmologues, reprit toutes les connaissances acquises dans ce domaine. Al Mawsil mit au point une technique d’opération de la cataracte à l’aide d’une aiguille creuse.
Le « prince de la médecine » fut incontestablement Ibn Sina (Avicenne, 980-1037) à qui on doit deux ouvrages capitaux : Le livre de la guérison, en dix-huit volumes, et Le Canon, qui devait constituer la base des études médicales européennes pendant des siècles.La médecine arabe devait encore connaître des heures de gloire dans l’Espagne musulmane.
Il est toujours impossible de faire un bilan complet, car toutes les œuvres ne sont pas dépouillées et étudiées. Comme le souligne R. Arnaldez : « Toutes les questions : quels progrès les Arabes ont-ils fait faire à la science ? Sont-ils des découvreurs, des inventeurs ou des transmetteurs ? ne peuvent être tranchées dans leur ampleur », mais on peut déjà souscrire au juge¬ment de Montgomery Watt : « Quand on se rend compte de toute l’étendue des domaines que les Arabes embrassèrent dans leurs expérimentations scientifiques, leurs pensées et leurs écrits, on voit que, sans les Arabes, la science et la philosophie européennes ne se seraient pas développées à l’époque comme elles l’ont fait. Les Arabes ne se contentèrent pas de trans¬mettre simplement la pensée grecque. Ils en furent les authentiques continuateurs […] Lorsque vers 1100, les Européens s’intéressèrent à la science et à la philosophie de leurs ennemis sarrazins, ces disciplines avaient atteint leur apogée. Les Européens durent apprendre tout ce qu’on pouvait alors apprendre, avant de pouvoir à leur tour progresser eux-mêmes. »