Le bien et le mal
Si l’homme s’accommode assez bien de sa propre méchanceté, il répugne profondément à la souffrance, surtout à la sienne. Il en vient à reprocher à Dieu de permettre le mal malgré sa toute-puissance : au pire il le traite de sadique ou en nie l’existence. Certains vont même jusqu’à vouer un culte au diable, considérant qu’il vaut mieux être du côté de celui qui est le plus dangereux.
Il n’en reste pas moins que le mal existe et qu’il est l’obstacle à notre bonheur. Nous devons donc le combattre et, pour cela, en connaître la nature.
Première constatation, le mal présente au moins trois formes différentes :
– Il y a d’abord le mal dont nous sommes responsables : notre indifférence, notre mépris, nos injures, parfois nos coups, font mal à ceux qui en sont les victimes.
– Il y a ensuite le mal dont nous sommes indirectement responsables : l’humanité dans son ensemble est responsable de la faim dans les pays de la sécheresse puisqu’il y a assez de ressources sur terre pour que chacun puisse se nourrir.
Les dépenses de l’armement ou de la sécurité publique sont la conséquence des menaces du voisin, menaces qui sont d’origine humaine. Combien de maladies pourraient être soignées ou guéries si l’on consacrait à la médecine tous les moyens de lutte ou de prévention contre le mal causé par l’homme.
– Il y a enfin le mal qui nous échappe complètement, à commencer par la mort.
Des explications de cette situation dépend, pour une large part, la crédibilité des religions. Tentons de schématiser leurs réponses.
L’hindouisme ne se préoccupe pas, à proprement parler, des notions de bien et de mal. C’est avant tout une forme de société : l’important est d’agir en conformité avec les obligations de la caste à laquelle on appartient. C’ est licite pour une caste ne l’est pas forcément pour une autre. On peut donc dire que le bien et le mal se définissent par rapport à la morale de la société alors que, dans les religions révélées, le bien et le mal sont déterminés par la loi divine et la morale en est une conséquence.
Le bouddhisme, issu de l’hindouisme, s’appuie également sur la valeur du « karma » :un qualité des réincarnations successives est fonction de la qualité des actions entreprises durant la vie. Toutefois le bouddhisme n’admet pas le système des castes, ce qui le conduit à une conception du bien et du mal très différente de celle de l’hindouisme. Ce dernier voit le mal dans la transgression des obligations rituelles et ce qui n’est pas interdit est indifférent. En revanche, pour le bouddhisme, le mal est une fatalité au point que la vie elle-même n’est que souffrance. Comme la vie recommence perpétuellement par le jeu des réincarnations après la mort, l’objectif est d’échapper à ce cycle infernal. A cet effet, il convient d’observer une morale de renoncement à tout désir. Cette philosophie pessimiste ne laisse d’espoir que dans un nirvana dont on ignore tout et qui n’est peut-être que l’anéantissement. Il n’y a pas d’explication de la nature du mal, si ce n’est qu’il est synonyme de vie. Quant au bien, il faut le faire pour échapper à ce destin.
Rien n’explique pourquoi le bien est possible puisque le mal est partout ; rien ne justifie non plus que de bonnes actions aient un effet sur le mal ambiant. Malgré ces défaillances, le bouddhisme recommande une morale qui correspond bien à l’expérience de la sagesse humaniste.
Pour 1 e judaïsme, l’homme a l’instinct du bien autant que celui du mal. Il est responsable de ses choix et de ses actes et devra en rendre compte au Créateur. Le bien consiste à respecter la Loi de Dieu et le mal à l’enfreindre.
L’Islam ne se pose pas non plus la question du pourquoi du mal. Dieu est tout-puissant, le monde est tel qu’il l’a créé, Dieu nous demande de Lui obéir et nous serons punis et récompensés en fonction de notre soumission à sa Loi. Le mal est une donnée d’ici-bas. Le bien, dans sa perfection, attend dans l’autre monde le croyant resté fidèle à son Créateur. Grâce au Coran, nous savons comment échapper au mal définitif et éternel ; notre comportement en face du mal de cette terre nous permet e témoigner de notre obéissance à Dieu.
est synonyme d’absence de Dieu. Celle-ci résulte de la liberté que Dieu donne à ses créatures de L’accepter ou non, car il n’y a pas d’amour imposé. C’est la responsabilité de chacun de mettre Dieu dans le monde par la qualité de sa vie personnelle. Cette conception chrétienne relativement moderne du bien et du mal n’exclut pas celle, plus traditionnelle du mal personnifié par le diable et les démons.