Le kimbanguisme
(Eglise de Jésus-Christ sur la terre par le prophète Simon Kimbangu : E.J.-C.S.K.)
Parmi les innombrables Eglises chrétiennes, le kimbanguisme mérite une mention particulière à plusieurs titres :
– C’est une religion d’origine africaine et plus précisément du Congo (RDC).
– Elle a un statut officiel dans ce pays, au même titre que le catholicisme et le protestantisme. Elle fait partie depuis 1969 de la très officielle organisation du Conseil œcuménique des Eglises.
– Enfin, c’est une religion très récente, née au XX siècle, et dont la réussite est spectaculaire puisqu’elle compte déjà au moins deux millions de fidèles et peut-être cinq.
Ce succès est d’autant plus étonnant que son fondateur, Tata Simon Kimbangu, né à N’Kamba au bas Congo en 1889, n’a pu prêcher que pendant six mois.
Son destin extraordinaire mérite d’être raconté.
Ses parents étaient animistes et son père guérissait les victimes des sorciers. C’était l’époque du début de la présence coloniale belge dans le bassin du Congo, dans ce pays qui deviendra indépendant en 1960 sous le nom de Congo-Kinshasa puis, plus tard, de Zaïre et enfin, à nouveau Congo.
Peu après la mort de la mère de Kimbangu, vers le début du siècle, un missionnaire européen prédit à sa tante un avenir exceptionnel pour cet enfant. Le nom de Kimbangu en kikongo signifie d’ailleurs à peu près « celui qui révèle la vérité ». L’enfant fut confié par sa tante à des missionnaires baptistes de la British Missionnary Society. Il apprit à lire et à écrire le kikongo, sa langue, dans la version de la Bible qui venait d’être traduite.
Après cette formation, il retourne à son village, y épouse une veuve, Mwilu, puis, après la naissance de leur premier fils, Kisolokele, Tata Kimbangu et Mwilu se font baptiser et se marient religieusement en juillet 1915. Kimbangu porte alors le nom de Simon et travaille successivement à la mission baptiste, dans une huilerie
puis dans son village natal où il vend de la pâte de manioc et du tabac.
C’est en 1921 qu’en allant au marché, une inspiration le conduit chez une malade qu’il guérit par la puissance de Dieu. La nouvelle se répand très vite et Kimbangu se met à prêcher et à multiplier les guérisons. Des milliers de fidèles le suivent et il les exhorte à une vie honnête, sans alcool, tabac, danse ni sorcellerie. Ce remue-ménage inquiète l’administration belge et les missionnaires catholiques voient en lui un hérétique. Il est arrêté en septembre 1921, condamné à mort, puis gracié et envoyé pour le reste de ses jours en prison à Elisabethville, à l’autre extrémité du pays. Il meurt en 1951.
Pendant ces 30 ans de captivité, sa femme poursuit son œuvre dans une semi-clandestinité et des quantités de fidèles s’attachent à son enseignement. L’incarcération du prophète lui donne une auréole de martyr et son église se développe rapidement.
Après sa mort, son corps est ramené en triomphe à son village, promu cité sainte de N’Kamba-Jérusalem. L’Eglise kimbanguiste est reconnue officiellement la veille de Noël 1959.
Dans les premières années de l’Eglise, Tata Simon Kimbangu était considéré comme l’envoyé de Jésus-Christ pour les Noirs d’Afrique, il était le sauveur de tous les Noirs au même titre que Moïse, Mahomet ou Bouddha pour les autres peuples. Ses fidèles tendaient à voir en Kimbangu le Saint-Esprit car, selon l’Evangile de saint Jean, Jésus- Christ avait promis de l’envoyer sur terre. Au cours des discussions ultérieures avec les représentants des autres Eglises protestantes, les kimbanguistes ont accepté que leur prophète ne soit qu’un être humain, mais un prophète quand même. Quant à l’Eglise kimbanguiste, bien qu’elle soit presque exclusivement africaine, elle se considère dorénavant comme ouverte à tous.
De fait, le caractère africain du kimbanguisme lui a permis de convertir au christianisme une quantité considérable d’hommes et de femmes vraisemblablement très supérieure à ce qu’auraient pu faire des missionnaires européens.
Aujourd’hui que le Congo est presque entièrement christianisé, 87 % des nouveaux convertis au kimbanguisme proviennent d’autres Eglises chrétiennes, plus fréquemment protestantes que catholique.
L’Eglise kimbanguiste est placée sous l’autorité d’un « chef spirituel » assisté d’un cabinet1. Le Chef ordonne les pasteurs formés
dans la faculté de théologie kimbanguiste de Kinshasa. Dans cette capitale, où l’on compte une dizaine de lieux de culte, un « pasteur principal » dispose de l’autorité administrative, mais non spirituelle sur ces collègues.
Le baptême, rite d’entrée dans l’Eglise, n’est admis qu’à partir de l’âge de 12 ans. Il est pratiqué par imposition des mains et évoque la présentation de Jésus au Temple au même âge. Les baptêmes ont lieu deux fois par an, en juin et décembre.
Le culte du dimanche dure environ une heure et demie. Des jeunes gens, en uniforme impeccable blanc et vert, couleurs de la pureté et de l’espérance, assurent un service d’ordre apparemment inutile si l’on en juge par la piété et la discipline des fidèles.
Le culte lui-même comprend une alternance de cantiques et de lectures bibliques, une prière pour les malades, la bénédiction des enfants et un sermon. Parfois les chœurs sont si nombreux que la cérémonie se prolonge. Les chants, très beaux et à plusieurs voix, sont en langue africaine, kikongo ou lingala généralement ; ils ont une solennité un peu mélancolique. Des groupes de flûtistes ou un orchestre d’instruments à vent peuvent également se produire indépendamment des chœurs.
Les fidèles sont tenus de se déchausser pour pénétrer sur le lieu du culte, même s’il s’agit d’une prairie utilisée en attendant la construction du temple. Les visiteurs non kimbanguistes ne sont pas astreints à se déchausser. De même, l’interdiction de l’alcool et du tabac pour les fidèles n’empêche pas ceux-ci d’en offrir éventuellement à leurs invités.
Outre le baptême, le mariage et l’ordination, l’Eglise kimbanguiste pratique la communion : l’eucharistie est célébrée trois fois par an, à Noël, le 12 octobre pour la mort du prophète et à Pâques qui coïncide avec l’anniversaire du début de sa prédication. La Communion consiste dans le partage de gâteaux faits de farine de maïs et de bananes ; un mélange non fermenté de miel et d’eau remplace le vin. Contrairement à de nombreuses Eglises protestantes, le kimbanguisme reconnaît la présence réelle de Jésus- Christ dans l’eucharistie. Le caractère sacré du corps du Christ est tel que si un morceau du gâteau tombe au sol, seul un pasteur peut le ramasser en pratiquant un rite spécial.
En ce qui concerne la doctrine, le kimbanguisme insiste particulièrement sur la communion des saints, à vrai dire particulièrement adaptée au caractère communautaire de la société africaine.
Les progrès rapides et spectaculaires du kimbanguisme ne permettent pas de connaître avec précision le nombre de ses fidèles. On parle de 6,5 millions de fidèles dont 5 au Congo (RDC) un million dans les pays frontaliers (Congo, Angola, Zambie, Centrafrique). La réalité n’est peut-être pas loin de ces chiffres.
Les cérémonies religieuses attirent régulièrement des foules importantes et recueillies ; il n’est pas rare qu’un office dominical attire plusieurs milliers de fidèles. Le grand temple de N’Kamba, à près de 200 km à l’ouest de Kinshasa, dispose de 37 000 places.
Rappelons que, contrairement à une opinion couramment répandue, les kimbanguistes ne sont pas tous des Noirs africains.
Comme tout mouvement qui réussit, le kimbanguisme subit des imitations et des déviations nombreuses. Certaines de ces « hérésies » ont pris naissance dans l’ethnie des Balubas, dans la province zaïroise du Kasaï, en réaction contre l’importance prépondérante dans l’Eglise kimbanguiste de l’ethnie rivale des Bakongos. Désignées sous le nom général de Nzambi wa Malemba (« Dieu de la paix »), ces déviations sont très hétérogènes.
En 2004, la conférence épiscopale du Congo a déclaré que le kimbanguisme n’était plus une religion chrétienne, car les trois fils du prophète Simon Kimbangu ont été assimilés aux trois Personnes de la Sainte Trinité.