Le Maghreb : une histoire mouvementé
Comme celle de l’Espagne, l’histoire du Maghreb sur le plan politique se déroule hors de la mouvance de l’Orient ; mais contrairement à Al Andalus, le Maghreb passe d’un émiettement excessif aux grandes tentatives unificatrices des Almoravides et des Almohades.
La révolte Kharijite
Le morcellement du Maghreb à l’Ouest
La conquête du Maghreb s’acheva vers 709. Les tribus berbères avaient été peu à peu soumises et le Maghreb, devenu province du monde arabe, devait fournir des soldats et payer tribut au calife de Damas. Or, en 740, une révolte éclata dans le Maghreb extrême et gagna ensuite l’ensemble du pays. Dirigée par un porteur d’eau, Maisara, elle mit en branle les tribus berbères qui s’emparèrent de Tanger et du Souss. L’ensemble du Maghreb se souleva ; des armées calfates furent battues et en 744 un arrière-petit-fils d’Oqba ibn Nafi, Abderrahman ibn Habib, se proclama indépendant à Tunis. Cette révolte, qui se situe pendant la dernière décennie du califat omayyade de Damas, a plusieurs causes : faiblesse de l’administration, rivalités entre soldats qaisites et kalbites provoquant l’indiscipline des garnisons, excès de la fiscalité et revendication de l’égalité devant l’impôt pour tous les musulmans, arabes et nouveaux convertis, enfin exactions de certains gouverneurs qui faisaient des saisies de terres, des réquisitions de laine et réduisaient des femmes en esclavage pour les harems de l’Orient.
Cette révolte se fit sous le couvert d’une hérésie, le kharijisme, au nom de l’égalité politique, ethnique et sociale, et du choix démocratique du calife. Les kharijites, maîtres de tout le Maghreb, s’emparèrent de Kairouan en 758. La ville, reprise par les troupes du gouverneur d’Égypte en 761, retomba aux mains des kharijites en 771. Les Abbassides envoyèrent alors des Khurasaniens aguerris sous la direction d’un gouverneur à poigne, Yazid ibn Hatim. Celui-ci écrasa les kharijites en Tripolitaine (772), et extirpa l’hérésie de l’Ifriqiya.
Plusieurs principautés kharijites se formèrent alors au Maghreb central et occidental.
- La principauté ibadite des Rustemides de Tahert (près de Tiaret), qui dura de 776 à 909. Ibn Rustem, d’origine persane, fut proclamé imam suprême des kharijites ibadites et, ce qui est paradoxal pour un système électif, ses descendants lui succédèrent.
- La principauté sufrite d’Abuqurra, fondée à Tlem-cen en 768, ne se maintint qu’une vingtaine d’années.
- La principauté sufrite des Midrarides de Sijilmassa, fondée en 757, dura deux siècles et semble avoir été très prospère, car la ville constituait la porte commerciale vers le monde saharien et noir.
- La confédération des Berghouatas, située dans les plaines atlantiques du Maghreb extrême, fut fondée par un ancien compagnon de Maisara, Salih, qui composa un Coran en berbère, se proclama prophète et imposa une morale rigoureuse. Elle résista jusqu’aux Almoravides aux pressions des États voisins.
La principauté idrisside de Fès
Idris ben Abdallah, descendant d’Hasan, fils d’Ali échappa à un massacre d’Alides vers 780 et : accueilli par le chef de la tribu berbère des Aouraba Oulila (Volubilis). Il mourut empoisonné en 793, m; son jeune fils lui succéda après une régence et régna sur une partie du nord du Maroc, de 803 à 829.Ce dernier est surtout connu pour la fondation de Fès. La tradition, solidement ancrée, le donnait comme fondateur, à une année d’intervalle (808 et 809) des de villes de Fès : une ville peuplée de Berbères à l’E une ville peuplée d’Arabes à l’Ouest. Mais depuis q Levi-Provençal a étudié des monnaies et quelques t tes, il est établi que Fès fut fondée en plusieurs étapes : Madinat Fès, la ville berbère, fut créée p Idris Ier en 789, alors que la seconde, l’arabe, surnommée Al Aliya, fut bien fondée par Idris II en 8 Enfin, en 818, les Cordouans, exilés après l’écrasent de la révolte du faubourg de Cordoue, s’installèrent dans le quartier berbère de l’Est. Idris II, avec s aristocratie arabe formée en grande partie de Kairo nais, s’installa à l’Ouest. Fès dut son essor à sa bonne situation dans la riche plaine du Sais au débouché couloir de Taza, à sa richesse en eaux courantes e l’arrivée de citadins cordouans et kairouanais. 1 sera, comme le dit Jean-Louis Miège, « au milieu d Maroc berbère rural, le récepteur et le diffuseur i influences orientales et ibériques. » Dès 857, la mosquée karaouyine (« des Kairouanais »), promise à intense rayonnement, fut édifiée.