Les croyances non religieuses
La superstition
Elle consiste à imputer à des faits inattendus des phénomènes qui en sont, en toute logique, totalement indépendants. Il paraît absurde, par exemple, de penser qu’être passé sous une échelle est la cause d’un accident de voiture survenu quelques jours plus tard. Voir un chat noir, casser une glace, être treize à table, n’ont évidemment pas le moindre effet sur quoi que ce soit. Les croyances superstitieuses restent vivaces : certaines compagnies aériennes occidentales suppriment la rangée de sièges numérotés 13 et les Japonais en font autant pour le chiffre 4 qui, par homophonie, symbolise la mort.
L’astrologie
Certaines personnes croient aux horoscopes de façon superstitieuse. Soyons clairs : rien n’interdit de penser que différents phénomènes qui n’ont rien à voir avec le patrimoine génétique contribuent à certains aspects de la personnalité. Peut-être que de naître dans une atmosphère humide ou chargée d’électricité favorise ou handicape tel mécanisme extrêmement sensible et encore mal connu de notre cerveau. Peut-être
les périodes d’éruptions solaires ou des phénomènes magnétiques ont-ils des effets ignorés. Peut-être aussi l’hiver modifie-t-il de façon imperceptible certains facteurs chimiques du sperme ou de l’ovule. On peut tout imaginer tant qu’on n’a rien constaté. Les partisans de l’astrologie croient constater des dispositions de caractère liées à la conjonction des astres et des planètes au moment de la naissance. Peut-être et pourquoi pas. Il n’en reste pas moins que, si cet effet existe, il n’est qu’un élément et apparemment très mineur – parmi tous ceux qui for-ment la personnalité comme l’hérédité, l’éducation, les épreuves subies au cours de la vie, etc. Autant il peut être amusant de retrouver chez des personnes de même signe quelques traits de caractère communs, autant il est parfaitement ridicule d’ajouter foi à des horoscopes de journaux qui ont l’audace de prédire à tous les lecteurs de même signe astrologique des dispositions également favorables ou défavorables pour l’argent et l’amour… Même s’il faut bien donner du travail aux jeunes journalistes stagiaires chargés de ces rubriques, force est de constater que ce type de bourrage de crâne n’est pas meilleur que la publicité mensongère et qu’il contribue à faire confondre chez les gens les plus naïfs ce qui est mystérieux et mérite réflexion avec ce qui est supercherie.
Il serait pourtant simple, avec les moyens dont dispose la science aujourd’hui, de comparer le déroulement de la vie de personnes ayant exactement le même thème astral. On peut penser que si cela ne s’est pas fait, c’est qu’il n’y a apparemment rien à trouver.
Les lignes de la main (ou chiromancie)
Une autre croyance populaire très vivace concerne la lecture du destin dans les lignes de la main. Là aussi, il est facile de distinguer ce qui est peut-être sérieux de ce qui ne l’est sûrement pas. Ce qui n’est pas impossible, c’est qu’il existe chez certains sujets des capacités exceptionnelles et non systématiques de voyance. Ces personnes disent toutes qu’elles ont besoin, pour exercer leur don, de se concentrer grâce à un support qui peut être un jeu de cartes, une boule de cristal, du marc de café ou les lignes de la main. Si l’on se place dans l’hypothèse où de tels dons ne sont pas une simple supercherie, les lignes de la main ne sont qu’un support de la voyance. Il est en revanche absurde de déduire d’une façon automatique et, pourrait-on dire, scientifique, une relation entre la forme de ces lignes et le destin de l’intéressé. Rien ne serait plus facile en effet que de photographier les lignes de la main d’un nombre important de sujets, si ce n’est une population toute entière, et de comparer au moment du décès ce que disent les « experts » en lignes de la main avec ce qu’a réellement vécu le défunt. Si, par exemple, toutes les personnes mortes jeunes d’un et au palpable… Ce n’est qu’une interprétation mais elle en vaut une autre.
En fait, il est troublant de constater à quel point sont convaincues et convaincantes les personnes qui ont ce don de voyance et qui ne sont pas des « professionnels », toujours quelque peu suspects. Les femmes sont apparemment plus favorisées que les hommes pour ce genre de don.
La prémonition
C’est un phénomène apparemment beaucoup plus fréquent que la voyance : il s’agit de l’intuition, plus ou moins floue, d’un événement qui ne s’éclaire ou ne s’interprète qu’après la réalisation des faits. C’est, en quelque sorte, une voyance imparfaite : par exemple une personne refuse au dernier moment de prendre un avion qui s’écrasera quelques heures plus tard ; une autre ressent une douleur précise qui correspond à la maladie d’un tiers et la douleur disparaît dès que cette maladie est diagnostiquée ; parfois une épouse a la certitude de la mort prochaine de son mari dans un accident et le drame se produit effectivement… On peut tout aussi valablement récuser l’ensemble de ces phénomènes qu’en admettre la réalité. Dans le premier cas, cela évite de chercher une explication : il n’y a pas de surnaturel, il n’y a que des cinglés à l’imagination dérangée. Dans le second cas, on peut dire que rien n’est sûr, que c’est peut- être imagination ou supercherie, mais on reste ouvert à des explications naturelles ou surnaturelles sans rien perdre de son sérieux.
Le spiritisme et l’occultisme
Les religions affirment qu’il y a une vie après la mort mais ont la prudence de considérer que l’au-delà nous est inaccessible.
Le spiritisme, quant à lui, a l’ambition de communiquer avec l’esprit des morts. Le domaine de l’occultisme, qui englobe le spiritisme, est encore plus vaste : il concerne toutes les connaissances « cachées » qu’une initiation ou des pratiques particulières permettent d’acquérir. Il s’apparente à tous les courants « gnostiques » ‘, qu’on trouve à toutes les époques et en marge de toutes les religions. Dans les chapitres précédents, nous en avons décelé des traces à propos de la religion druze, du caodaïsme ou des rosicruciens.
Il existe une abondante littérature sur ces sujets qui excitent l’imagination : les tables tournantes, les pouvoirs des médiums qui interprètent les transes de leurs sujets, l’existence d’une « aura » qui rayonne de notre corps comme un halo, les phénomènes d’écriture automatique, sans compter les messages des extraterrestres sont parmi les thèmes favoris des spécialistes du surnaturel non religieux.
Plus les phénomènes sont mystérieux, plus le vocabulaire est her-métique1, plus nombreux sont ceux qui se laissent prendre par l’attrait d’une « recherche » et d’une initiation. Comme ces domaines se prêtent mal, par définition, à la rigueur d’une expérimentation scientifique, il ne peut s’agir que de croyances subjectives où l’on côtoie à chaque instant le risque de la manipulation mentale. Certaines sectes ou organisations aux finalités mal définies se complaisent dans l’exploitation de ces croyances. Le dosage entre l’imaginaire sans fondement et d’éventuels phénomènes paranormaux paraît difficile à déterminer.
L’intérêt porté au surnaturel par le spiritisme et l’occultisme ne doit pas masquer ce qui les distingue profondément des religions : les premiers prétendent disposer de techniques pour accéder à des connaissances cachées et s’apparentent en cela à la magie, tandis que les religions – tout au moins les plus importantes d’entre elles – visent avant tout l’élévation des hommes vers Dieu par une transformation de leur comportement qui repose d’abord sur l’effort et la volonté.