Les Deva
Les Deva sont les divinités ordinaires, mineures, qui peuplent les étages célestes du monde et sont, pour la plupart, empruntées au panthéon brahmanique indien8. Les régions qui adoptèrent le bouddhisme choisirent dans ce vaste ensemble de divinités celles qui correspondaient le plus à leur tempérament ou à leurs besoins. Le bouddhisme des écoles anciennes, nous l’avons vu, n’avait pas renié formellement les divinités brahmaniques, mais au lieu de leur rendre un culte, il les considérait comme des divinités mineures au service du Bouddha et du bouddhisme. C’est ainsi que dans les textes les plus anciens, nous voyons les dieux du panthéon indien assister à tous les évènements majeurs de la vie du Bouddha, plus en serviteurs attentifs d’ailleurs que comme fidèles. Le Tibet, puis la Chine, la Corée et le Japon bouddhiques firent un choix parmi toutes les représentations qui leur étaient ainsi offertes et développèrent, chacun selon leurs préférences, certaines formes divines, laissant d’autres dans l’ombre. Ces formes divines furent dotées d’une coloration bouddhique. Il semble que leur culte ne s’épanouit véritablement qu’à partir du moment où les sectes ésotériques (ou tantriques) se développèrent, d’abord en Chine et au Tibet, puis plus tard au Japon. De nombreuses divinités ainsi adoptées prirent des caractéristiques syncrétiques. Par la suite, nombre de ces Deva furent confondus, dans l’esprit populaire, avec des divinités du folklore, et les attributs et pouvoirs de ces dernières s’ajoutèrent à ceux des divinités importées. Ce fut le cas notamment au Japon, où dès le début du IXe siècle furent créés plusieurs mouvements syncrétiques shintô- bouddhiques. Beaucoup de Deva ne furent jamais représentés en dehors des mandala et ne firent par conséquent l’objet d’aucun culte populaire. D’autres ne furent vénérés que par des sectes ésotériques ou dans des cas très particuliers. D’autres encore ne furent adoptés que localement. Enfin certains de ces Deva se virent rendre un culte collectif par le peuple qui, tout en préservant l’individualité de chacun d’eux, leur rendit néanmoins un culte global. Les autres Deva n’appartenant pas à ces groupes (surtout, au Japon, le groupe des Jûni-ten ou douze Deva) furent également vénérés en certaines occasions et, parmi ceux-ci, certains le sont encore actuellement qu’on appelle « donneurs d’enfants » (jap. Koyasu). Certains de ces derniers sont désignés par le peuple comme étant des Bodhisattva, ce qui indique en quelle estime on les tient, mais on ne les prie que pour leur demander les mêmes faveurs qu’aux autres Deva : ils ne sont alors que des formes des Bodhisattva ou bien des divinisations de personnages des légendes bouddhiques, souvent démoniaques à l’origine, comme Hârîtî.
Parmi toutes ces divinités mineures, nous avons choisi de ne décrire ici que les plus importantes et, au premier chef, celles qui firent ou font encore l’objet d’un culte ou de représentations dans le bouddhisme des écoles du Nord. Dans le bouddhisme des écoles anciennes, les Deva du brahmanisme sont en effet généralement représentés comme les Hindous avaient coutume de les concevoir, mais toujours cependant comme des personnages accessoires accompagnant les représentations du Bouddha, ou plus simplement comme des êtres célestes.
Les Deva forment la première des huit classes d’êtres surnaturels (jap. Hachibushû) mentionnés dans le Sûtra du Lotus de la Bonne Loi comme étant protecteurs du Bouddha et de la Loi, et combattant victorieusement les forces adverses. Les sept autres classes ont été traitées dans le chapitre précédent, des Défenseurs et gardiens.