Les divinités féminines : Màrichi
Cette divinité est, dans la mythologie brâhmanique, un Rishi, chef des Marut, démons de la tempête. En Chine, il prend une forme féminine et est considéré comme la mère de l’Etoile polaire. Introduite au Japon en même temps que les doctrines ésotériques du Shingon et du Tendai, cette divinité devint celle de la guerre et de la victoire, et prit parfois une forme masculine. Considéré comme vassal de Taishaku-ten, le protecteur des guerriers et divinité des incendies, Marishi-ten est également protecteur des quatre mondes bouddhiques.
Au Tibet et au Népal, elle est identifiée à Vajravarâhî et est représentée avec une tête de truie (ou de laie), peut-être une mauvaise interprétation d’anciennes représentations indiennes de cette divinité de l’aurore dont le char était tiré par sept animaux ressemblant soit à des ours, soit à des sangliers, ce qui donna peut-être naissance à la légende affirmant que ces sept animaux sont les étoiles de la constellation de la Petite Ourse, la huitième étant Mârîchî-Varâhî.
Au Tibet, Mârîchî est souvent montrée accompagnant la Târâ verte. Dans ce cas elle est assise sur un lotus supporté par un sanglier, ou directement sur celui-ci, et tient une branche d’arbre ashoka à la main (ou a les mains en Varada-Vitarka-mudrâ, ou encore tient un vajra et un chasse-mouches).
Elle a plusieurs formes tibétaines. La forme jaune possède plusieurs têtes (dont une de laie) et de nombreux bras tenant des attributs tantriques (vajra, crochet, flèche, arc, branche d’ashoka, etc.). La rouge a également trois têtes et dix bras. Elle est alors considérée comme étant la Shakti d’Hayagrîva (une tête de cheval est généralement posée sur sa coiffure). La forme blanche a également dix bras et quatre jambes qui reposent sur des divinités brahmaniques.
Sous sa forme de Vajravarâhî, elle est considérée comme la Shakti du dieu tutélaire Samvara : elle est alors représentée dansant sur un corps inerte et tenant dans ses mains un bol, un couperet, et un bâton orné de têtes de morts. Une tête de laie apparaît derrière son oreille droite. Son mandala se compose de deux triangles inversés et superposés au centre desquels elle est montrée dans une attitude de danse, entourée de quatre Dâkinî : Dâkinî, Lâmâ, Khandarohâ et Rûpinî. Sa coiffure est ornée de crânes et son corps est nu.
Elle est aussi appelée « la mère du Boisseau du Sud » (constellation du Sagittaire) , « Celle qui porte (les noms) au registre de la vie »,« la Resplendissante », « la Raie de lumière », « la Laie de Diamant » (Vajravarâhî). Selon Waddell, elle tirerait son origine de la divinité védique Ushas, déesse de l’aurore (métamorphose du Soleil). Mârîchî est parfois identifiée à Chundî, une des formes de Durgâ en tant qu’épouse de Shiva. Elle est également décrite comme étant de la famille de Brahmâ et de Sûrya.
Cette divinité, particulièrement vénérée pendant le Moyen Âge au Japon parmi les guerriers et surtout les archers qui portaient souvent sur eux son image, était censée protéger ceux qui récitaient des invocations à son nom et les rendre invisibles en cas de danger. Elle fut également vénérée par les sectateurs zen et de Nichiren. Les hommes ne peuvent ni la voir ni lui causer de dommage. Le peuple japonais l’a maintenant quelque peu oubliée et elle n’est plus que rarement vénérée (de même d’ailieurs que dans les autres contrées). On la représentait sous de nombreuses formes :
- Habillée en dame chinoise de l’époque des Tang : avec trois têtes dont une de laie. Elle porte une petite effigie de Dainichi Nyorai (Mahâvairochana) dans la coiffure de sa tête principale, laquelle est nimbée d’une auréole à huit rayons. Elle est assise sur un lotus posé sur un sanglier (parfois sur sept), ses pieds reposant sur un croissant de lune ou un lotus. Elle possède alors six ou huit bras et tient du fil, une aiguille, un vajra, un crochet ou une corde, un arc et des flèches .
- Tête inclinée à droite avec un diadème ; elle a quatre visages dont une hure de laie, et seulement deux bras : la main droite allongée en Varada-mudrâ (ou tenant un petit stûpa), la main gauche tenant un éventail non pliant (jap. uchiiva) orné d’une svastika (jap. manji).
- Assise sur un lotus, avec une tête et deux bras : la main droite en Varada-mudrâ sur le genou, la main gauche avec un éventail orné d’une svastikâ.
- En peinture, Mârîchî est théoriquement de couleur or (ou jaune) avec une robe bleue. Elle porte un petit stûpa dans sa coiffure. Elle a alors huit bras : mains droites avec flèche, aiguille, vajra et lance ; mains gauches tenant un arc, une corde, un lacet (jap. kensaku) et une branche d’arbre Ashoka. Lorsqu’elle possède trois têtes, celle de gauche a une expression furieuse et montre des crocs, celle du milieu est sereine, celle de droite est une hure de laie.
- Egalement en peinture, Mârîchî peut être représentée debout sur un sanglier courant, avec trois têtes à trois yeux, deux jambes, six bras, le corps entouré de flammes. Elle (ou il) tire à l’arc une flèche terminée par un vajra à trois pointes. Elle est en attitude dynamique et brandit un glaive, un éventail, un bâton et une lance. Ses cheveux sont alors hérissés comme ceux d’un Vidyârâja.
- Mârîchî est parfois assise comme un personnage du shintô, avec un stûpa sur la tête. Elle est alors souvent confondue avec Uhô Dôji.
- Une forme particulière de Mârîchî, avec trois têtes à trois yeux, trois têtes placées dans sa chevelure ornée d’une tête de mort, avec six bras et six jambes, brandissant un bâton, un glaive, une lance, un chakra, et tirant à l’arc une flèche terminée par un vajra à trois pointes, est parfois montrée galopant sur une antilope (laquelle, on le sait, est un des attributs de Shiva, d’Avalokiteshvara dans ses représentations tantriques, et de Chandra, la Lune).