Les divinités féminines : Prajnàpàramità
Cette déesse est la divinisation de la Prajnâpâramitâ-sûtra, texte que la légende attribue au Bouddha Lui-même qui l’aurait confié aux Nâga en attendant que les temps soient mûrs pour qu’il soit révélé aux fidèles, et qui fut « restitué » par Nâgârjuna. Cette divinité représente donc le Verbe divin incarné. Elle ne fut pas divinisée en Inde même, bien que le texte de la Prajnâpâramitâ y ait été vénéré.
C’est au Cambodge que l’on trouve le plus fréquemment ses images, ainsi d’ailleurs qu’à Java. Dans les pays du Sud-Est asiatique cette divinité était considérée comme la contrepartie féminine de Lokeshvara, ou bien sa manifestation. Elle figure en effet souvent aux côtés de ce grand Bodhisattva. Elle y revêt deux aspects, l’un, normal, avec une tête et deux bras, et l’autre, tantrique, avec onze têtes et vingt-deux bras. Elle tient à la main droite le livre de la Prajnâpâramitâ et à la main gauche un bouton de lotus. Ses aspects normaux sont cependant plus communs que ses aspects tantriques. Elle est représentée la poitrine nue, avec un long sarong retenu par une ceinture ornée, et porte une mukuta (couronne) autour d’un haut chignon. Lorsque sa couronne est triple, son chignon peut porter une petite effigie d’Amitâbha.
Dans son aspect tantrique, elle arbore également une effigie d’Amitâbha dans sa couronne.
Au Tibet, elle est de couleur blanche ou jaune et a, dans son aspect normal, une tête et deux bras. Sa main droite tient un lotus blanc (ou un lotus bleu), et elle a un lotus bleu dans la main gauche (ou le livre de la Prajnâpâramitâ ). Elle est vêtue comme un Bodhisattva.
Dans sa forme à quatre bras, elle porte, en plus du lotus bleu et du livre, un rosaire (mâlâ) et réalise une Dharmachakra-mudrâ. Elle peut avoir sur sa couronne une petite image d’Akshobhya.
Au Japon, cette « perfection de Sagesse » est également appelée Hannya Bosatsu, Dai Hannya et Haramitsu (forme japonisée du sanskrit Pâramitâ). Elle fut plus souvent représentée en peinture qu’en sculpture.
En peinture et dans l’iconographie orthodoxe, elle est représentée assise sur un lotus, avec deux ou six bras, la main principale droite en Abhaya-mudrâ, la main principale gauche tenant le sûtra (jap. Hannya-kyô), les autres mains portant un livre (pushtaka), un lotus bleu, un rosaire, ou réalisant des mudrâ. On ne connaît au Japon que très peu de représentations de cette divinité qui y est considérée comme un Bodhisattva, en dehors, bien entendu, des mandala. Il faut signaler ici également l’existence, très populaire au Japon, d’un masque de démon cornu, connu également sous le nom de Hannya. L’iconographie populaire s’en est emparée, on ne sait pour quelle raison, afin de symboliser la nature jalouse de la femme. Ce masque a un aspect féminin, féroce, le front orné de deux courtes cornes, de gros yeux globuleux, et une grande bouche avec des crocs. Les masques de Hannya sont verts ou rouges. Ils sont fréquemment utilisés lors des fêtes rituelles du shintô (matsuri) ainsi que dans les spectacles de Nô.
Dans quelle mesure ce masque peut-il être rattaché à Hannya Bosatsu ?
C’est difficile à déterminer. Nous ne le citons ici que pour la similitude des noms. En Chine, il ne semble pas que Prajnâpâramitâ ait été vénérée.