Les fêtes
Les fêtes religieuses illustrent bien les interférences du sacré et du profane dans toutes les sociétés. Il nous a paru intéressant de décrire avec Un certain détail les fêtes des plus grandes religions.
En ce qui concerne les fêtes chrétiennes, nous nous sommes contentés d’un rapide rappel qui n’est guère plus qu’une énumération.
Les fêtes juives
Le judaïsme a inventé le repos hebdomadaire le sabbat, mais, à côté de ce jour férié par excellence, l’année est jalonnée d’une dizaine d’autres fêtes. Outre leur sens religieux, souvent symbolique, ces fêtes évoquent généralement aussi des événements de l’Histoire sainte.
Le sabbat
Le sabbat1 est l’institution la plus importante du judaïsme. Puisque Dieu a créé le ciel et la terre en six jours et s’est reposé le septième jour, tout juif doit s’abstenir de tout labeur un jour sur sept, le samedi, compté depuis le coucher du soleil du vendredi soir jusqu’à celui du samedi soir. En fait Dieu n’a rien créé de matériel le septième jour, mais il a créé l’âme, aboutissement de la création. Le sabbat est donc consacré à la vie de l’âme. C’est pourquoi s’arrête toute activité économique, avec une rigueur pointilleuse que les rabbins ont précisée au cours des siècles.
Les interdictions partent du principe qu’est illicite toute activité sus¬ceptible d’être utilisée dans le processus de production ou d’échange. Par exemple, il est interdit de porter un objet de chez soi vers l’extérieur ou vice-versa, car cela pourrait constituer l’amorce d’un troc. On ne peut pas non plus mettre en œuvre une source d’énergie, même à des fins domestiques, car cela entraîne le travail des autres ; il est donc illicite de tourner un bouton électrique. En revanche, rien n’interdit de laisser la lumière ou la télévision allumée depuis la veille ou d’employer une minuterie. La manipulation de l’argent est aussi interdite, au point qu’on ne peut conclure un accord commercial, même verbalement. Cependant, on a le devoir de transgresser le sabbat dès que la vie est en danger.
La journée du sabbat se partage entre la prière, l’étude et la vie fami- liale. La maison doit être nettoyée et embellie. Le soir, on récite une
Rosh Hashanah
C’est le nouvel an juif, anniversaire de la créadon du monde par Dieu, le 7 octobre 3761 avant notre ère, selon la tradition. Le rite principal consiste en cent sonneries de chofar par le rabbin, lors de l’office à la synagogue. Le chofar est une trompe faite d’une corne de bélier sans défaut.
Cette cérémonie est un bon exemple du riche contenu symbolique de tous les actes religieux juifs. On pourrait écrire des pages entières sur ce sujet : le bélier évoque l’animal qu’Abraham sacrifia à son Dieu à la place de son fils Isaac. On se souvient que Dieu avait mis à l’épreuve l’obéissance d’Abraham en lui demandant de lui sacrifier son fils et qu’il avait arrêté son bras au dernier instant. Cette fidélité totale d’Abraham, le père des croyants, marque le début de l’alliance de Dieu et de son peuple ; il est donc normal de l’évoquer au début de l’année.
Les sons du chofar sont eux-mêmes symboliques : ils sont un signal d’alerte qui avertit de l’imminence ou du caractère inéluctable du Jugement dernier, ils évoquent aussi les cris d’une femme qui accouche, autre symbole du commencement de la vie.
L’année qui vient apparaît donc comme l’occasion d’un renouvellement spirituel qui implique un examen de conscience et une conversion intérieure.
En famille, le repas du Rosh Hashanah comporte une pomme trempée dans du miel, symbole de la douceur que l’on attend de la vie ainsi que des aliments dont le nom rappelle, par jeu de mots, l’idée d’un accroissement spirituel ou d’une bénédiction, par exemple des carottes, car leur nom se prononce comme « plus » en yiddish.
Yom Kippour
Cette fête, dont le nom signifie littéralement «jour des expiations »-st pluS connue sous le nom de « Grand Pardon ». Elle célèbre le retour e Moïse du mont Sinaï, où il était allé pour demander à Dieu pardon Pour son peuple, dévoyé dans l’adoration de l’idole du Veau d’or. Yom
Kippour clôt la période des dix «jours terribles » qui suivent le Rosh Hashanah et sont consacrés au repentir. Yom Kippour apporte une joie spirituelle mais ne comporte aucune festivité : pour mériter le pardon, le juif pratique au contraire un jeûne strict de 24 heures, sans boisson ni nourriture, il lui est interdit de se laver, de s’enduire d’huile, de porter des chaussures en cuir et de cohabiter avec son conjoint. Ces interdictions s’ajoutent à celles du sabbat : c’est le sabbat des sabbats.
Pour pouvoir supporter cette journée, le juif a l’obligation de faire la veille au soir un repas de fête qui symbolise la joie du pardon à recevoir Parfois on y mange du pain en forme d’ailes, symbole des anges auxquels on souhaite ressembler et on s’habille de blanc en signe de pureté.
Le jour de Kippour comporte quatre services à la synagogue où l’on récite diverses prières, dont une confession des péchés prononcée debout. C’est la confession de la communauté à laquelle chacun s’associe en signe de solidarité, même s’il n’a pas commis certains des péchés avoués. Le rabbin marque la fin du jeûne en soufflant dans la corne de bélier, le chofar.
La fête des Tabernacles
Pour commémorer la protection divine du peuple juif dans le désert à sa sortie d’Egypte, les fidèles sont tenus, si le temps le permet, de passer sept jours dans une cabane au toit de chaume, quelque part en plein air. Cette fête se situe à la mioctobre. C’est aussi une fête de la récolte. Les deux premiers jours de la fête sont légalement chômés en Israël. A la fin de cette semaine, on célèbre la fête de la «joie de la Torah ».
Simhat Torah
Cette fête, dont le nom signifie «joie de la Torah », marque la fin de l’année liturgique, c’est-à-dire la fin du cycle annuel de lecture de la loi. A chaque sabbat en effet, on lit l’un des 52 tronçons qui composent la Bible, depuis la création du monde jusqu’à la mort de Moïse. Le dernier sabbat est l’occasion de cette fête durant laquelle les juifs dansent en portant dans leurs bras le rouleau de la Torah, comme « un époux danse avec son épouse ». Aussitôt après, la lecture recommence, pour qu’il n’y ait pas d’arrêt dans l’étude de la loi divine.
La Pâque
La pâque juive, dite Pessah1 en hébreu, célèbre la libération des juifs de l’esclavage d’Egypte. Elle a lieu vers avril ; c’est donc aussi, par association symbolique, la fête du printemps et de la renaissance de la nature.
Le moment central de la fête est un repas familial solennel appelé seder au cours duquel le père lit dans la Haggada le récit de la sortie des juifs d’Egypte. On y consomme six aliments qui ont tous un sens symbolique parmi lesquels des herbes amères, souvenir de l’amertume de l’esclavage, une pâte de figues et de noix pilées qui rappellent les briques d’Egypte et surtout du pain sans levain2, dit matsah, et de l’agneau. En effet, pour obtenir du pharaon que les juifs quittent le pays, Dieu les aida en frappant les Egyptiens de dix catastrophes, les dix plaies d’Egypte. La dernière, qui fut décisive, fut la mort subite de tous les aînés des familles égyptiennes ; seules furent épargnées les maisons sur la porte desquelles les juifs avaient répandu le sang d’un agneau. Le pharaon se débarrassa alors rapidement des ces dangereux gêneurs et, dans la hâte du départ, la pâte du pain des juifs n’eut pas le temps de lever.
La Pentecôte juive
Cette fête, dite Chavouoth, c’est-à-dire « les semaines », célèbre la remise des Tables de la Loi à Moïse sur le mont Sinaï. Celle-ci eut lieu sept semaines après la sortie d’Egypte, soit cinquante jours, d’où le nom de Pentecôte que lui donnent les chrétiens, par analogie avec la descente de l’Esprit-Saint sur les apôtres, cinquante jours après la Pâques chrétienne.
Les petites fêtes
Il existe aussi des demi-fêtes qui ne sont pas obligatoirement chômées : Hanoukah, la fête des lumières, commémore la dédicace du temple dejéru- salem par le général Judas Macchabée qui vainquit les Gréco-Syriens au il’ siècle avant notre ère et obtint la liberté religieuse pour lesjuifs. On découvrit alors une fiole d’huile extraordinaire destinée au grand chandelier du temple et qui brûla huitjours durant, au lieu d’un jour habituellement. Ce miracle est devenu le symbole de la lumière spirituelle qui ne s’éteint paj La fête s’accompagne de consommation de beignets, à l’huile naturelle ment. Pourim (« sorts » ou « destins » en hébreu), un mois avant Pâqye commémore l’histoire d’Esther dont Racine a tiré sa tragédie. Cette sédui santé juive réussit à éviter le massacre de son peuple grâce à son influence sur le roi des Perses, Assuérus (Xerxès selon une autre orthographe). C’est aussi une fête où les enfants se déguisent en personnages de l’époque.
Le jeûne du « 9 av», vers le mois d’août, est un deuil qui commémore entre autres événements funestes, les deux destructions du Temple de Jérusalem, en 587 avant notre ère par Nabuchodonosor et en 70 après J.-C. par les Romains.
Les fêtes musulmantes
L’Islam n’est pas une religion très exubérante. Sa morale, née dans le désert, est marquée par le rigorisme. Il ne faut donc pas s’étonner que les fêtes musulmanes soient peu nombreuses et peu spectaculaires, empreintes de modération et de sérénité.
Les deux principales fêtes ont été instituées dès le début de l’Islam : l’Aïd-es-seghir, littéralement la « petite fête », marque la fin du jeûne du Ramadan. C’est pourquoi c’est la plus populaire et la plus appréciée. Elle se situe le premier du mois lunaire de shawal. On s’efforce de mettre de nouveaux habits, on participe à un office solennel à la mosquée et on échange des vœux1.
L’Aïd-el-kebir, la « grande fête », marque la fin du pèlerinage à La Mecque. Elle a lieu 98 jours après la fin du ramadan. En souvenir du sacrifice d’Abraham, on y sacrifie un mouton ou un chameau par famille et on le partage avec les pauvres. A noter que, selon l’Islam, le fils qu’Abraham était prêt à sacrifier sur l’ordre de Dieu était Ismaël, l’ancêtre des Arabes, et non Jacob, comme le dit la tradition juive ou chrétienne2.
Les autres grandes fêtes sont les suivantes :
– La « Nuit du destin », en arabe Laïla al Qadir, c’est-à-dire plus précisément la « nuit du pouvoir », tombe le 27e jour du mois de ramadan. Elle lèvre de façon essentiellement spirituelle la révélation du Coran au orophète Mahomet.
Le Mouloud, fête de la naissance du prophète, n’est célébré officiellement que depuis le XIV siècle.
]jAchoura1 est l’équivalent du Yom Kippour juif. Le jeûne facultatif que flslam recommande à cette occasion se pratique à la mode juive, d’un coucher de soleil à l’autre et non de l’aube au coucher du soleil comme endant le ramadan. Les coutumes de l’Achoura varient selon les régions : visites aux cimetières, quêtes des enfants des écoles coraniques au profit de leurs maîtres et même, au Maroc, rite du feu au cours duquel les jeunes gens sautent au-dessus d’un feu de branchages.
L’Achoura a aussi une signification historique : ce serait le jour où Noé quitta son arche après le déluge, mais c’est surtout l’anniversaire de la mort de Hussein, fils d’Ali, petit-fils du prophète et imam des chiites, tue à Kerbela par les sunnites. Pour cette raison, le « 10 de muharram » est un jour de deuil profond dans les pays chiites comme l’Iran ; les hommes parcourent les rues en procession en se flagellant de chaînes jusqu’au sang et en scandant les noms des héros du chiisme.
Les pays musulmans célèbrent également le premier jour du calendrier lunaire, qui n’est pas une fête religieuse, pas plus que certaines fêtes régionales quelque peu folkloriques dont l’origine est souvent antérieure à l’Islam.