Les gestes symboliques ( mudrà )
De très nombreuses positions de mains furent utilisées dans la sculpture et la peinture bouddhiques, tant en Inde qu’au Tibet, en Chine, en Corée et au Japon, pour indiquer au fidèle, de manière simple, la nature et la fonction des divinités représentées. Ces mudrâ (jap. in-zô ; chin. yin) sont des « signes » ou « sceaux» qui symbolisent des forces ou des manifestations divines.
Utilisées par les moines dans leurs exercices spirituels de méditation et de concentration, elles sont censées créer des «forces » et « appeler » la Divinité. Ces mudrâ sont utilisées de façon courante par les moines dans leurs pratiques rituelles d’adoration, de conjuration ou de concentration. Toutefois, les écoles du Sud ne les utilisent pas lors de leurs pratiques (hormis peut-être la mudrâ de vénération, Anjali, pour la prière) et n’en ont gardé que quelques-unes pour leurs représentations de la personne du Bouddha, principalement celles de l’absence de crainte (Abhaya-mudrâ), réalisée avec une ou deux mains, celle de l’accueil ou de l’offrande (Varada-mudrâ), celle de la prédication de la Doctrine (Dharmachakra-mudrâ), ou de l’argumentation (Vitarkamudrâ), enfin celle de la prise à témoin de la terre par le Bouddha (Bhûmishparsha-mudrâ). Rares sont les représentations du Bouddha en Inde,à Ceylan ou dans le Sud-Est asiatique qui présentent des mudrâ différentes de celles-ci. L’Anjali (vénération) est de règle pour les représentations d’orants. Dans les écoles du Nord, en revanche, les mudrâ furent largement utilisées. Elles correspondent pour la plupart à celles qui furent pratiquées par le bouddhisme indien des sectes du Mahâyâna et qui, relativement tardivement, furent complétées par les religieux des sectes du bouddhisme lamaïque tibétain, et des sectes chinoises et japonaises. Au Japon, elles ne furent pas utilisées systématiquement avant le retour de Chine de Kûkai (Kôbô Daishi). On en rencontre donc très peu au Japon avant le début du IXe siècle, sauf peut-être sur des copies d’œuvres chinoises ou coréennes. On remarque une de ces mudrâ dans un groupe de cinq personnages ornant une plaque de cuivre repoussé montrant le Bouddha Shâkyamuni en Dharmachakra entouré de Bodhisattva et de deux « auditeurs », datant du VIII siècle (au Hôryû-ji) : c’est peut-être là l’exemple le plus ancien d’une représentation de mudrâ dans ce pays.
La classification traditionnelle reconnaît deux catégories de mudrâ : sans forme, c’est-à-dire sans attribut (jap. mugyô), et avec forme ou attribut (jap. ugyôf. Nous ne nous occuperons dans ce chapitre que des mudrâ de la première catégorie, les autres devant naturellement découler des descriptions des divinités qui utilisent dans leurs représentations des accessoires ou attributs (lakshana). Pour plus de commodité, nous diviserons ces mudrâ « sans forme » en trois classes :
- mudrâ des Grands Bouddha ;
- mudrâ utilisées principalement par les divinités mineures et les Bodhisattva ;
- mudrâ des forces terribles.
Certaines mudrâ peuvent cependant appartenir à plusieurs de ces classes à la fois.
Les mudrâ sont très nombreuses : le Mahâvairochana-sûtra, au chapitre IX, en énumère trente et une pour les Grands Bouddha, cinquante-sept pour les grandes divinités et quarante-cinq pour les autres. Dans le chapitre XIV du même sûtra, il est précisé que les neuf mudrâ ésotériques correspondent aux Cinq Bouddha de sagesse et aux quatre grands acolytes de ceux-ci. Cependant, nombre de mudrâ citées dans les sûtra et autres textes canoniques ne furent pas (ou seulement très rarement) utilisées pour les représentations de divinités. Seules nous occuperont ici les mudrâ que l’on rencontre associées à des images de divinités qui ont été ou qui sont encore vénérées en Asie. Quant aux autres mudrâ, plus ou moins rares ou théoriques, nous ne les décrirons qu’à l’occasion de la description des divinités qui les utilisent exceptionnellement.
LES MUDRÂ DES GRANDS BOUDDHA
Ce sont celles qui caractérisent les effigies du Bouddha dans les écoles du Sud, et les Cinq Jina (parfois appelés dans certaines formes du bouddhisme du nom collectif de Dhyâni-Buddha) symbolisant des « moments » de la vie du Bouddha historique. Ces mudrâ, qui concrétisent la nature et les fonctions de ces Bouddha, sont souvent réalisées avec les deux mains, soit séparées, soit réunies. Elles sont cependant parfois utilisées par des Bodhisattva ou par d’autres divinités, sauf toutefois celles qui sont particulières à Mahâvairochana et à ses diverses formes ésotériques.
Abhaya-mudrâ (chin. Shiwuwei Yin ; jap. Semui-in)
Cette mudrâ symbolise l’absence de crainte, la protection, la bienveillance, la paix. Dans les écoles du Sud, elle est généralement faite avec la main droite levée à la hauteur des épaules, le bras replié, la paume de la main en avant, les doigts levés et joints. Dans ce cas, la main gauche pend le long du corps. Cette mudrâ est associée, en Thaïlande et au Laos surtout, au mouvement du Bouddha marchant (aussi appelé Bouddha posant l’empreinte de Son pied). Elle est presque toujours utilisée par les images montrant le Bouddha debout, soit immobile et les pieds réunis, soit marchant. Dans le Sud-Est asiatique, on rencontre surtout des statues du Bouddha debout faisant cette mudrâ avec les deux mains disposées symétriquement de part et d’autre de la poitrine. Une variante de cette mudrâ, appelée alors Buddhasmarana, « du fait de fixer son attention sur le Bouddha », est parfois, quoique assez rarement, utilisée dans le Sud-Est asiatique : elle se fait avec la main droite en Abhaya, levée à la hauteur de la tête. L’Abhaya-mudrâ est très rarement réalisée par d’autres divinités que les Grands Bouddha ou les Bodhisattva.
En Chine et au Japon comme en Corée, cette mudrâ de la main droite est souvent utilisée en combinaison avec une autre mudrâ faite de la main gauche. Au Japon, selon l’opinion de quelques religieux, lorsque le majeur de la main droite en Abhaya se trouve légèrement projeté en avant, cela indiquerait que la divinité relève de la secte Shingon. Cette mudrâ, qui paraît de prime abord un geste naturel, fut probablement utilisée dès la préhistoire en signe de bonne intention : la main levée et sans arme propose l’amitié, ou tout au moins la paix. Ce fut également, depuis l’Antiquité, un geste affirmant la puissance : c’est la magna manus des empereurs romains, qui légifère et donne la paix en même temps. Ce fut, traditionnellement, le geste d’apaisement que fit le Bouddha alors qu’il était attaqué par un éléphant furieux, geste qui eut comme effet immédiat de calmer l’animal. De fait, cette mudrâ indique non seulement l’apaisement des sens, mais est aussi l’absence de crainte. Elle confère également aux autres cette absence de peur qui est libératrice. Dans l’art du Gandhâra, cette mudrâ fut parfois utilisée pour indiquer l’action de prêcher, de même qu’en Chine. En effet, elle se rencontre très communément dans ce pays pour les images du Bouddha des époques Wei et Sui principalement (IV’-VI siècles).
Dans les représentations bouddhiques des écoles du Nord, cette mudrâ est souvent réalisée par les divinités, en association avec une autre, faite de la main gauche, soit en Varada-mudrâ, soit, pour les positions assises, posée paume tournée vers le haut, sur les jambes croisées. Ces deux dernières positions de mains (Abhaya-Varada) se nomment au Japon Segan Semui-in (ou Yogan Semui-in).
Varada-mudrâ (jap. Yogan-in, Segan-in, Seyo-in ; chin. Shiyuan Yin)
Cette mudrâ symbolise l’offrande, le don, l’accueil, la charité, la compassion, la sincérité. C’est la mudrâ de l’accomplissement du vœu de se consacrer au salut des humains. Elle est presque toujours réalisée avec la main gauche. Elle peut être faite avec le bras pendant naturellement le long du corps, la paume de la main ouverte se trouvant vers l’avant (cas le plus répandu dans les statues indiennes et du Sud-Est asiatique), ou bien le bras replié, la paume offerte ou bien légèrement tournée vers le haut, ou bien encore le bras replié sur le côté du corps, la paume tournée vers le haut, les doigts allongés ou très légèrement pliés. Cette mudrâ est rarement utilisée seule, mais le plus souvent en combinaison avec une autre mudrâ faite avec la main droite (en Abhaya ou autre). Abhaya et Varada sont souvent réalisées ensemble (main droite, main gauche), mudrâ double très courante, surtout dans les représentations chinoises et japonaises (jap. Yogan Semui-in, Segan Semui-iri).
Dans les statues de l’époque Wei en Chine et de la période Asuka au Japon, les doigts sont raides, puis, petit à petit, les doigts s’assouplissent, le majeur et l’index sont séparés des autres doigts, ou bien, dans certaines statues comme celles de Yakushi dans le Kondô du Hôryû-ji, le petit doigt et l’annulaire sont seuls détachés. Finalement, à l’époque des Tang, les doigts perdent toute rigidité et s’incurvent naturellement. Alors que les textes canoniques disent que cette mudrâ peut être réalisée avec la main droite, rares sont les Bouddha ou les Bodhisattva représentés avec cette position. Certaines statues (Kichijô- ten du Hôryû-ji, Kyôto) l’utilisent, cependant que la main droite tient un attribut.
Cette mudrâ est, en Inde, caractéristique des images d’Avaloki- teshvara, depuis la période Gupta (IV’-V’ siècles). Dans le Kâranda-vyûha, il est dit qu’Avalokiteshvara, visitant le royaume des morts, laisse couler de sa main en Varada-mudrâ l’eau de vie qui ressuscite les morts.
Lorsque les mains en Abhaya-Varada-mudrâ ont les pouces qui se touchent (position principalement japonaise et appelée An-i-in), elles indiquent l’apaisement des sens . Cette mudrâ composite est souvent confondue avec la Vitarka-mudrâ, qui est celle de l’argumentation ou de la discussion de la Doctrine. Cette dernière ressemble en effet à l’An-i-in japonaise, mais alors que dans celle-ci la main gauche repose sur le genou (dans les postures assises), elle en est nettement séparée dans celle-là (voir à Vitarka-mudrâ ).
Vitarka-mudrâ (Vyâkhyâna-mudrâ ; jap. Seppô-in, An-i-in ; chin. Anwei Yin)
Cette mudrâ ressemble soit à l’Abhaya, soit à Varada, mais se fait avec les deux mains en Abhaya-Varada, les pouces touchant le bout des index. Elle est surtout utilisée pour les images des Grands Bouddha, et symbolise alors une des phases de la prédication du Bouddha, celle de la discussion (ou argumentation) de la Doctrine. C’est la mudrâ qui convainc l’auditeur, qui entraîne sa conversion en lui expliquant la Bonne Loi. On lui donne donc parfois le nom de « mudrâ de l’explication ». Lorsque la main droite est en Varada (Abhaya avec pouce et index joints) et que la main gauche tient un pan de la robe, la Vitarka-mudrâ ainsi formée est dénommée Kesa Ken-in au Japon. Cette dernière mudrâ est particulière aux effigies de Ratnaketu (jap. Hôtô Nyorai), qui la réalise loin du corps (Gai-Segan-in, main droite en Yoganin extérieur, main gauche tenant le pan de la robe devant la poitrine), et à Samkusumitarâja (jap. Kaifuke-ô Nyorai), alors appelée Nai-Segan-in (main droite en Yogan-in devant la poitrine, main gauche tenant le pan de la robe sur la cuisse). Quelques autres divinités peuvent également réaliser ce Kesa Ken-in, mais dans ce cas, la main gauche qui tient le pan de la robe est écartée du corps. Ces dernières positions sont surtout représentées sur les peintures et les mandala.
Une variante de cette Vitarka-mudrâ, particulière aux effigies chinoises et japonaises de Bhaishajyaguru (jap. Yakushi Nyorai), est appelée Yakushi-in au Japon : la main droite est en Abhaya, la gauche en Varada ou en Vitarka, tenant un pot à médecine.
Cette Vitarka-mudrâ peut présenter quelques variantes. C’est ainsi que le pouce peut ne pas toucher complètement l’index, ou qu’il peut le dépasser sur le côté. Une variante chinoise et japonaise (jap. An-i- shôshu-in ; chin. Anwei Shechu Yin), qui prend le sens de tranquilliser et de consoler, se présente comme une Vitarka-mudrâ faite de la main gauche, cependant que la droite est ouverte en Varada à la hauteur de la hanche.
Au Japon, une autre variante montre l’annulaire joint au pouce : c’est la mudrâ de Bonne Fortune (Kichijô) particulière à la déesse Kichijô-ten. Rares sont les Bouddha représentés avec cette mudrâ (Kichijô-in).
Lorsque le pouce et l’index se joignent par leur extrémité, cela forme un cercle qui représente la perfection, ce qui est étemel, notions assimilées à la Loi du Bouddha. Au Tibet, ce cercle est réalisé par les Târâ et les Bodhisattva par la jonction du pouce et de l’un ou l’autre des autres doigts (tib. Padan rtse-gsum). Dans le bouddhisme ésotérique et les cultes consacrés à Amitâbha, différentes sortes de Vitarka-mudrâ sont utilisées. Nous les étudierons à propos des représentations d’Ami- tâbha. Au Tibet, une variante utilisée surtout par les divinités en Yab- yum (embrassement), les mains croisées aux poignets, paumes vers la poitrine, doigts légèrement écartés, est appelée Prajnâlinganâbhinaya.
Dans le stûpa du Borobudur à Java, les statues des Bouddha de la cinquième balustrade, qui couronnent les étages carrés du monument-mandala, montrent toutes la main droite en Vitarka-mudrâ, la main gauche demeurant sur le giron, paume tournée vers le haut. Cette mudrâ semble alors être particulière au Bodhisattva Samantabhadra.
Dharmachakra-mudrâ(jap. Tenbôrin-in, Chikichi-jô-in, Hôshin-Seppô-in ; chin.Juanfalun Yin)
Lorsque les deux mains sont rapprochées l’une de l’autre devant la poitrine, la droite en Vitarka, paume en avant, la gauche également en Vitarka, paume tournée vers le haut ou vers la poitrine, les doigts écartés d’une des mains touchant presque ceux de l’autre main, c’est la position de la mise en branle de la roue de la Loi, caractéristique du Bouddha prêchant, et généralement réservée aux effigies du Bouddha Shâkyamuni. Cette mudrâ connut plusieurs variantes. Dans les fresques d’Ajantâ (Inde), les deux mains sont nettement séparées et les doigts ne se touchent pas. Dans les images du style indo-grec du Gandhâra, le poing fermé de la main droite semble coiffer les doigts réunis au pouce de la main gauche. Dans les fresques du Hôryû-ji au Japon, les deux mains en Dharmachakra classique sont superposées, la droite étant au-dessus. Enfin une autre variante, très différente, inconnue en dehors du Japon (où elle est également très rare), montre les mains dos à dos, doigts entrelacés se touchant du bout des phalanges.
Cette mudrâ qui fait tourner la roue de la Loi est une mudrâ solaire, symbolisant le roi Chakravartin de l’Inde classique. Le Bouddha est ainsi assimilé, lorsqu’il réalise cette mudrâ, à un Chakravartin dont l’empire est universel, et qui « fait tourner le disque du soleil », dissipant de la clarté de son enseignement les ténèbres de l’ignorance. Les deux mains, composant chacune un « cercle mystique », forment en quelque sorte les deux roues d’un chariot dont les pouces réunis seraient l’essieu commun, montrant ainsi que les deux roues symbolisant les deux aspects majeurs du monde, le matériel et le spirituel, sont indissolublement liées et perpétuellement en mouvement. Ce symbole de la roue (qui dans les premières œuvres bouddhiques indiennes représentait la personne du Bouddha) est assimilé à celui de la fleur de lotus (qui elle aussi symbolisait le Bouddha), dont les pétales seraient les huit rayons de la roue représentant le Noble Octuple Sentier de la Doctrine bouddhique. Pour le populaire, cette Dharmachakra-mudrâ symbolise un des moments les plus importants de la vie du Bouddha, celui du premier prêche de la Loi à Ses anciens compagnons dans le parc des Gazelles à Sarnâth. Seul en dehors du Bouddha Gautama, Maitreya, le Bouddha à venir, peut, en tant que dispensateur de la Loi, former cette mudrâ. En Inde, Maitreya est parfois représenté dans la position assise « à l’européenne », et réalisant cette mudrâ. Cependant, quelques figures d’Amitâbha montrant celle-ci furent représentées au Japon, avant le IX’ siècle.
Bhûmishparsha-mudrâ (jap. Gôma-in, Anzan-in, Anchi-in, Sokucbi-in ; chin. Chudi Yin)
Cette mudrâ, qui est celle du geste de la prise à témoin de la terre, symbolise le moment de la vie du Bouddha historique, où, fort de Sa résolution de demeurer assis sous l’arbre pippal à Bodh-Gâya jusqu’à ce qu’il ait résolu le problème de la suppression de la douleur, Il prit la terre à témoin des mérites qu’il avait accumulés lors de Ses précédentes incarnations. Elle est donc le symbole d’une foi et d’une résolution inébranlables. Elle est typique des représentations du Bouddha historique et de celles d’Akshobhya. Le Bouddha étant représenté assis en lotus (Padmâsana), la main droite touche la terre du bout des doigts près du genou droit, tous les doigts allongés, ou seulement du bout de l’index, tandis que la main gauche repose, paume vers le haut, sur le creux des cuisses. Quelques variantes peuvent se trouver, dans lesquelles la main droite se trouve à plat sur le sol ou étendue, paume en bas, parallèlement à celui-ci. Au Japon, ces variantes se nomment Anzan-in (pacification de la montagne) ou Anchi-in (pacification de la terre). On trouve dans les textes de nombreuses versions de la légende du Bouddha prenant la terre à témoin : tantôt II prend la terre à témoin de Sa fermeté, et celle-ci proclame que Gautama, de par Ses expériences passées, a le droit de S’asseoir sur le « trône de diamant » (vajrâsana) ; tantôt la terre envoie à la prière du Bouddha une armée de divinités qui tuent les démons de la horde de Mâra. C’est alors la mudrâ de subjugation des démons. Dans certaines représentations ésotériques, on voit Akshobhya touchant la terre de la main droite, cependant qu’il tient de la main gauche un pan de sa robe sur sa poitrine. En Corée, une confusion se produisit parfois, à haute époque, et de rares images d’Amitâbha furent représentées avec cette mudrâ.
Dhyâna-mudrâ (Samadhi-mudrà ; jap.Jô-in, Hôkai Jô-in; chin. Ding Yin)
C’est la mudrâ de concentration sur le Dharma (la Loi bouddhique), d’atteinte à la Bodhi, à la perfection. Elle est généralement réalisée à la hauteur de l’estomac ou sur les cuisses, les mains superposées, paumes tournées vers le haut, doigts allongés et pouces se touchant par leur extrémité, formant ainsi un triangle mystique, symbolique du feu spirituel. Cette mudrâ, particulière à Amitâbha, est parfois utilisée dans certaines représentations de Bhaishajyaguru en tant que Bouddha de la médecine (Yakushi Nyorai au Japon). Dans ce cas un bol à médecine est posé sur les mains. Cette mudrâ n’est utilisée que pour les représentations assises des Grands Bouddha. Elle comporte de nombreuses variantes et différents noms. Le type le plus commun, celui décrit plias haut, avec la main droite au-dessus de la gauche, se rencontre souvent en Inde où il semble avoir son origine dans le Gandhâra, et dans la Chine des Wei. Quelquefois les doigts sont entrecroisés, d’autres fois les paumes des mains sont croisées à quarante-cinq degrés. Cette mudrâ est fréquemment utilisée dans les images du Bouddha assis du Sud-Est asiatique. Cependant, les pouces joints ne forment pas de « triangle mystique » et sont accolés à la paume des mains. Un autre type, semblable mais formant avec les pouces un triangle mystique, se trouve plus fréquemment en Chine, à partir l’époque des Wei. On ne le rencontre que tout à fait exceptionnellement en Inde et dans le Sud-Est asiatique. Des variantes de ce type sont assez nombreuses. Dans l’une de celles-ci, les pouces sont légèrement écartés l’un de l’autre ; dans une autre, c’est la main gauche qui se trouve placée sur la droite (très rare). Un troisième type de Dhyâna-mudrâ, absent dans les représentations indiennes, peu fréquent en Chine mais plus souvent utilisé au Japon, surtout à partir du Xe siècle, montre les doigts des deux mains (index, majeurs ou annulaires) repliés à angle droit vers le haut, dos à dos et rejoignant les pouces. Ces positions des doigts, particulières au culte japonais d’Amitâbha (jap. Amida) et appelées Amida Jô-in, représentent la méditation, l’enseignement et l’accueil dans le paradis d’Amida (la Terre pure), et correspondent aux neuf catégories entre lesquelles se répartissent les êtres à leur entrée dans la Terre pure. Elles se font avec les deux mains réunies sur le creux formé par les jambes croisées, en Dhyâna-mudrâ normal, avec les deux mains symétriquement disposées devant la poitrine en trois variétés de Seppô-in ou avec les deux mains en Raigô-in (la main droite levée à hauteur de l’épaule en Vitarka-mudrâ, la gauche en Varada-mudrâ). Lorsque les pouces sont joints aux index, c’est la position supérieure (jap. Jô-bori) ; les pouces joints aux majeurs, c’est la position moyenne (jap. Chûbori) ; les pouces joints aux annulaires, c’est la position inférieure (jap. Gebon). Nous décrirons ces mudrâ lorsque nous étudierons le personnage d’Amitâbha dans ses représentations japonaises. Selon la tradition, la position normale de la Dhyâna-mudrâ dériverait de celle qu’avait prise le Bouddha lorsque, assis sous l’arbre pippal à Bodh-Gâya, Il s’était livré à une intense méditation pour obtenir le Samâdhi et découvrir le secret de la cessation de la douleur. C’est une position qui était naturellement déjà prise, dès avant son époque, par les yogin pendant leurs exercices de méditation et de concentration. Cette position indique aussi le parfait équilibre de la pensée, le repos des sens, la tranquillité. La position de la Dhyâna-mudrâ, avec les pouces joints formant un triangle, est symbolique du Triratna (Trois Joyaux) que constituent le Bouddha Lui-même, le Dharma (Loi bouddhique) et le Samgha (Communauté monastique). Cette forme triangulaire stable indique également la fermeté du corps (qui, dans la position du Padmâsana, est extrêmement stable) et celle de l’esprit. Les sectes ésotériques ont évidemment accordé à ce triangle mystique une multitude de significations, dont la plus importante est celle de l’identification au feu mystique qui consume toutes les impuretés. Au Japon, dans l’interprétation ésotérique des deux grands mandala complémentaires du Vajradhâtu et du Garbhadhâtu, les deux cercles formés dans la Dhyâna-mudrâ (troisième variante) représenteraient ces mandala. Et dans ce cas, elle est réalisée par Dainichi Nyorai (Mahâvairochana) dans le Garbhadhâtu. Cependant, les mudrâ qu’Amida peut prendre et qui font partie des mudrâ de concentration peuvent être assez diverses et avoir différents noms, selon qu’ils appartiennent à l’un ou l’autre des mandala des Deux Mondes.
Dainichi Ken-in (Mushofushi-in, Ritô-in ; chin. Wusobuzhi Yiri)
Cette mudrâ du glaive de la Connaissance, typique de la Corée et du Japon, est particulière aux représentations de Dainichi Nyorai (Mahâvairochana) dans le mandala du Taizô-kai où elle symbolise l’ubiquité des Trois Mystères (parole, pensée, action). Appelée également Mushofushi-in, Ritô-in (du stûpa principal) et Tô-in (du stûpa), elle est formée par les mains jointes en attitude de prière, mais avec les deux index repliés et joints par leurs extrémités, les autres doigts de la main se touchant également par leurs extrémités, mais allongés. Cette mudrâ ne se rencontre guère que dans les mandala et sur certaines peintures des sectes ésotériques. Les trois ouvertures des doigts ainsi agencés signifieraient les trois mystères de l’ésotérisme : parole, pensée et action. Selon les sectes, divers noms ont été donnés à cette mudrâ, plus théorique que pratique, tels que Biroshana-in (mudrâ de Vairocha- na) ou Mushofushi Tô-in (mudrâ de l’ubiquité du stûpa), ou encore San- mitsu-in (mudrâ des Trois Mystères).
Chiken-in (chin. Zhiquan Yin)
Cette mudrâ, elle aussi typique de Corée et du Japon, mais inconnue en Inde, est particulière à Dainichi Nyorai (Mahâvairochana) dans le mandala du Kongô-kai (Vajradhâtu). Appelée « mudrâ des six éléments » ou encore « mudrâ du poing de sagesse », elle est réalisée par l’emprisonnement de l’index dressé de la main gauche enfermée dans le poing droit. Elle représenterait également l’union mystique de la divinité avec sa Shakti (énergie féminine passive de la divinité dans les doctrines tantriques). Elle est également appelée au Japon Kakushô-in et Daichi-in (mudrâ de la grande sagesse). Peu représentée en Chine, sauf sur des mandala, elle le fut parfois au Japon et en Corée dans la sculpture. Peut-être correspond-elle aux formes sanskrites V’ajramudrâ, Bodhyangi-mudrâ ou Jnâna-mudrâ. Une variante de cette mudrâ, appelée Nyorai Ken-in (poings de sagesse de Nyorai), les deux poings fermés et superposés devant la poitrine, est rare. Parfois c’est le poing gauche qui enferme l’index droit. Cette mudrâ met l’accent sur l’importance de la Connaissance dans le monde spirituel. Les cinq doigts de la main droite représenteraient également les cinq éléments (terre, eau, air, feu, éther) protégeant le sixième, l’homme.
Une autre interprétation voudrait que l’index dressé représentât la Connaissance, laquelle se trouve cachée par le monde des apparences (le poing droit). Au Tibet, cette même mudrâ représenterait l’union parfaite entre la divinité et sa Shakti en étroite union sexuelle, Yab- yum, de même qu’en Inde le lingam de Shiva est représenté enfoncé dans la yoni. Cette mudrâ trouve donc peut-être son origine en Inde (où elle semble inconnue) à travers ce symbolisme sexuel. Elle est aussi utilisée dans l’art tibétain (Bodhyagrî-mudrâ).
Buddhapâtra-mudrâ (jap. Buppatsu-in ; chin. Fobo Y tri)
Cette mudrâ est particulière aux représentations du Bouddha historique et à celles de quelques autres personnages du panthéon bouddhique, tels certains Bodhisattva. Les deux mains placées horizontalement en opposition tiennent à hauteur de la poitrine un bol à aumônes (pâtra ; jap. hachï) par-dessus et par-dessous. Le bol est parfois (accidentellement) absent de certaines représentations. Une forme particulière de cette mudrâ, dans laquelle le bol est remplacé par un « Joyau qui exauce tous les désirs » (mani ; jap. hôshü) et est tenu très serré, prend le nom de « mudrâ du bol-trésor » (jap. Hôbuppatsu-in). Chez quelques autres divinités du bouddhisme japonais, comme par exemple Senju Kannon Bosatsu, les deux mains réunies tiennent le bol par en dessous : c’est alors la mudrâ du bol (Hachi-in). Une autre variante, utilisée principalement par Seishi Bosatsu et Shô Kannon Bosatsu, est appelée Hôkyô-in (mudrâ de la cassette-trésor) : les deux mains en opposition semblent vouloir protéger un petit objet. Cette dernière mudrâ, laquelle ressemble beaucoup à celle dite Hôbuppatsu-in, fut surtout représentée au Japon et en Corée avant l’apparition des doctrines ésotériques dans ces pays. Celles-ci sont utilisées par les divinités en position debout, alors que la Buddhapâtra-mudrâ est généralement réalisée par la divinité assise en Yogâsana. Très peu utilisée en Inde, cette mudrâ semble apparaître dans l’art du Gandhâra avec les premières images du Bouddha, représenté en moine quêtant sa nourriture.
LES MUDRÂ DES AUTRES DIVINITÉS ET DES BODHISATTVA
Les mudrâ utilisées par les Bodhisattva et divinités ordinaires sont relativement peu nombreuses, et généralement représentatives d’une catégorie bien définie de divinités. Elles servent principalement à les distinguer les unes des autres, tout en symbolisant leur nature et leurs fonctions. Nous ne décrirons dans ce paragraphe que les mudrâ les plus couramment utilisées, nous réservant de décrire les moins communes lorsque nous les rencontrerons au cours de notre étude sur les diverses divinités.
Anjali-mudrâ (jap. Gasshô-in, Renge Gasshô-in, Sashu Gasshô-in, Kimyô Gasshô-in, etc. ; chin. Hezhang Yiri)
C’est la mudrâ de l’offrande, de la vénération. Elle n’est évidemment jamais réalisée par les Grands Bouddha, lesquels se trouvent au sommet de la hiérarchie bouddhique dans le Mahâyâna, ni par le Bouddha dans les représentations de Celui-ci appartenant au Hînayâna. Elle se fait les deux mains jointes verticalement devant la poitrine, comme dans l’attitude de la prière. C’est la mudrâ réservée aux orants qui souvent accompagnent une statue du Bouddha dans l’art de l’Inde ou du Sud-Est asiatique. Elle est cependant exceptionnellement utilisée par Amitâbha lorsque ce Grand Bouddha assume la fonction d’un Bodhisattva (notamment sous sa forme japonaise de Gokôshiyui Amida).
Cette mudrâ, universellement utilisée par le commun des mortels en Inde et dans le Sud-Est asiatique pour la salutation, évoque une offrande (de bons sentiments, de sa personne, d’un art, etc.) et indique également la vénération si elle est faite à la hauteur du visage. Il existe plusieurs variantes de cette mudrâ, variantes qui ont été élaborées tardivement par les sectes ésotériques et que l’on ne rencontre jamais dans l’art bouddhique du Sud. La Vajra-Anjalikarma-mudrâ (jap. Kongô Gasshô-in ; chin. Jingang Hezhang Yin) se fait comme l’Anjali-mudrâ, mais avec les pouces croisés l’un sur l’autre et les bouts des doigts entrelacés, les bras étant légèrement projetés en avant au lieu d’être collés à la poitrine. Une variante de cette position montre les mains jointes en Anjali avec seulement les pouces croisés, elle est utilisée dans les rites d’ordination de certaines sectes ésotériques. Dans la symbolique de ces sectes, l’union des deux mains représente celle des deux parties du grand mandala des divinités, le Vajradhâtu et le Gar- bhadhâtu. Elle symbolise également l’union intime du monde des êtres (main gauche) et du monde du Bouddha (main droite). Cette position est également appelée Kimyô-Gasshô ou bien Kenjitsushi-in au Japon. Dans le cas particulier de Fukûkensaku Kannon Bosatsu, cette mudrâ (qui prend alors le nom de Jû-in) montre les deux mains face à face comme pour l’Anjali, mais très légèrement espacées et maintenant entre elles une petite boule de cristal (laquelle a souvent disparu dans les sculptures).
Ongyô-in (chin. Yinxing Yiri)
Cette mudrâ de la dissimulation des formes, utilisée uniquement au Japon et en Chine dans quelques rares occasions, appelée également Marishi-ten Hôbyô-in (du précieux réceptacle de Mârîchî), est censée conférer l’invisibilité. C’est une mudrâ magique, spécifique des sectes ésotériques. Elle se fait avec la main droite étendue, paume vers le bas, sur le poing gauche tenu fermé devant la poitrine. Nous la décrirons plus en détail dans le chapitre consacré à Mârîchî. Cette mudrâ, pour être efficace, doit être faite en même temps que sont récités les mantra correspondants, c’est-à-dire les formules rituelles d’invocation à la divinité considérée (en l’occurrence Mârîchî). Elle est utilisée non seulement pour se rendre invisible, mais également pour exorciser les démons. Dans certaines sectes ésotériques, elle sert à la concentration : le poing gauche non complètement fermé forme une cavité dans laquelle celui qui se concentre doit tenter de pénétrer par l’esprit afin de s’y lover tout entier, cependant qu’en un lent mouvement de rotation la main droite vient obturer le creux du poing gauche.
Hôshu-in
Cette mudrâ du Joyau qui exauce tous les désirs (ce joyau étant appelé mani, chintâmani en skt., hôshu, nyo-i hôshu en jap., ruyizu en chin., nor-bu en tib.) est spécifiquement japonaise et particulière à Jizô Bosastu (chin. Dizang). On la rencontre parfois en Chine sur les représentations de ce dernier. Elle est utilisée par d’autres personnages du panthéon bouddhique, surtout en peinture et dans les mandala. On la nomme également Jizô-in. Une forme exceptionnelle de cette mudrâ est réalisée par la statue de la Guze Kannon du Hôryû-ji, à Nara. Il arrive parfois que le chintâmani ait disparu et que la main soit vide.
Kichijô-in
Cette mudrâ japonaise « dispensatrice de Bonne Fortune » serait, selon la tradition, particulière à Kichijô-ten, mais on ne la trouve que rarement associée à cette divinité de la Fortune. Elle se fait avec une seule main, le pouce réuni à l’annulaire, les autres doigts restant allongés. Cette mudrâ est, théoriquement, une des trois mudrâ de Shâkyamuni prêchant Sa Loi. Ce serait alors une forme de la Vitarka-mudrâ. On la nomme aussi Chikichijô-in.
Maitreya-mudrâ (jap. Shiyui-in)
Cette mudrâ de Maitreya ou de la réflexion est surtout utilisée pour les images de Maitreya (jap. Miroku ; cor. Mi-rüg) des représentations coréennes de la période d’Asuka au Japon (VT-VIF siècle). La main gauche est posée sur la cheville droite (dans la pose dite Hanka-shiyui, « de la pensée ») tandis que la droite, l’index et le majeur allongés, touche la joue.
Abhisheka-mudrâ (jap. Kanjô-in ; chin. Guanding Yiri)
C’est la mudrâ de l’onction, caractéristique des saints personnages. Les mains sont entrelacées, paume, contre paume, index dressés l’un contre l’autre. Elle est qualifiée au Japon de Nairenge-in lorsque les doigts sont entrelacés vers l’intérieur et de Gairenge-in lorsqu’ils le sont vers l’extérieur. Ces positions se nomment également Naibaku-in et Gebaku-in. C’est une mudrâ qui est uniquement utilisée par les sectes ésotériques pour la cérémonie de l’onction, faite lors de l’entrée d’un néophyte dans la communauté bouddhique. Elle tire probablement son origine de l’ancienne habitude d’oindre la tête d’un souverain pour montrer, lors de son investiture, qu’il a été choisi. Les Veda indiens décrivent cette cérémonie. Dans le bouddhisme ésotérique, cette pratique d’ondoiement d’un néophyte lui confère, magiquement, les aptitudes nécessaires à ses études spirituelles. Cette mudrâ est alors réalisée par celui qui reçoit l’onction. Il peut être un Bodhisattva, une « force » ou bien une simple divinité, un personnage des Ecritures, ou encore un moine.
Mushti-mudrâ (jap. Ken-in)
On appelle ainsi toute une catégorie de mudrâ (dont la Dainichi-ken-in, déjà évoquée) appartenant aux poings de sagesse et utilisées par de nombreuses divinités du panthéon ésotérique. Dans les représentations appartenant au domaine du Vajradhâtu, le poing est tenu fermé, pouce à l’intérieur : elle est alors appelée l’ajramushti-mudrâ (jap. Kongô ken-in ; chin. Jingang Yin) et symbolise la fermeté de l’esprit. Dans celles qui appartiennent au domaine du Garbhadhâtu, le pouce est à l’extérieur du poing fermé : on la nomme Garbhamushti-mudrâ (jap. Taizô-ken-in). Lorsque ces poings de sagesse sont croisés aux poignets, paumes vers l’intérieur sur la poitrine, cette mudrâ se nomme Trailokyavijayarâja- mudrâ (jap. Sankaisaishô-in), c’est-à-dire « mudrâ du Vainqueur des Trois Mondes ». Lorsque les paumes sont tournées vers l’extérieur, c’est la Vajrahûmkara-mudrâ (jap. Bazara-kongô-in ; chin. Juanyuelehong Jingang Yin), mudrâ dans laquelle la main droite tient parfois un vajra (foudre), et la gauche une ghantâ (clochette). Ces mudrâ sont caractéristiques des images de Vajrasattva et, au Japon, de Kongôzô-ô.
Les Mushti-mudrâ peuvent être faites avec une seule main (généralement la main gauche), posée sur la hanche ou sur le creux de la cuisse. Mais parfois aussi la même Mushti-mudrâ, pouce à l’intérieur, paume tournée vers l’extérieur, est utilisée par la forme terrible d’une divinité. C’est une mudrâ de colère. Elle se nomme au Japon Funnu- ken-in.
Un autre aspect de ces Mushti-mudrâ, cependant quelque peu différent, est celui de la Vajrarâja-mudrâ (jap. Kongô-ô-in ; chin. J ingang Wang Yin) : les poings fermés sont croisés sur la poitrine comme pour la mudrâ du Vainqueur des Trois Mondes, mais avec les index dressés. Une autre forme, peu courante, montre les deux poings fermés avec les pouces en dedans, paumes vers l’intérieur, superposés à quelque distance l’un de l’autre, la gauche en dessous de la droite : c’est la Vajramush- ti-mudrâ (jap. Kongô-ken-in).
LES MUDRA DES FORMES TERRIBLES
Ces mudrâ (qui comprennent certaines Mushti-mudrâ) sont particulières aux formes terribles (parfois dites colériques) émanées des Grands Bouddha ou des Bodhisattva pour vaincre les désirs, les passions et les forces du mal, formes généralement appelées Vidyârâja (jap. Myô-ô), ou « des rois de Science magique », entrant dans la catégorie générale des forces menaçantes (Tarjanî ; jap. Funnu).
Tarjanî-mudrâ (jap. Funnu-in, Fudô-in)
Cette mudrâ, particulière à Achalanâtha (jap. Fudô Myô-ô), indiquant la menace, se fait parfois avec une seule main, l’auriculaire et l’index dressés, les autres doigts repliés. Il est curieux de constater que cette mudrâ, qui est censée avoir une puissance magique de malédiction, est toujours pratiquée par nombre de peuples latins lors de la jettatura, pour menacer d’une malédiction ou pour jeter un sort. Ce sont les « cornes du diable » des folklores occidentaux.
Gôzanze-in
Cette mudrâ des sectes ésotériques japonaises, aussi appelée Niwa-in (des deux ailes) ou Shisetsu-in, est caractéristique du Vidyârâja Trailo- kyavijayarâja (jap. Gôzanze Myô-ô). Les deux mains sont réunies sur la poitrine par les auriculaires entrelacés, paumes tournées vers l’extérieur, pouces réunis aux majeurs.
Gundari-in
Cette mudrâ est particulière à la forme ésotérique japonaise du Vidyârâja Gundari (Kundalî), appelé Gundari Myô-ô. Elle est réalisée avec une seule main (la droite généralement), l’index et le majeur allongés, les autres doigts repliés, la paume tournée vers le sol. Une variante de cette mudrâ, appelée Tsurugi-in (du glaive), montre la main droite enserrant les deux doigts de la main gauche en Gundari Ken-in. On la nomme également Myô-ô-in.
Batô-in
Cette mudrâ japonaise est particulière à Batô-myô-ô, une forme de Hayagrîvâ : les deux mains sont face à face avec les doigts entrelacés, doigts à l’intérieur (Nai-batô-in ou Nai-baku-iri) ou à l’extérieur (Ge- batô-in ou Ge-baku-in), sauf les majeurs et les auriculaires qui sont dressés les uns contre les autres.
Baku-in (chin. Quart Yiri)
Cette mudrâ ésotérique est formée par les doigts entrecroisés, à l’extérieur (Gai-baku-in) ou à l’intérieur (Nai-baku-in), paumes l’une contre l’autre, pouces croisés, le droit sur le gauche. Elle serait censée signifier que celui qui la réalise s’est libéré des liens du désir qui l’attachaient au monde et a atteint la perfection des dix étapes de la Connaissance. Elle n’est jamais réalisée par un Bouddha.
De nombreuses autres sortes de mudrâ, généralement dérivées des principales, existent en théorie, parfois décrites sur les mandala, mais qui ne se trouvent qu’exceptionnellement représentées par les sectes ésotériques. Cependant, indépendamment des mudrâ que nous venons d’exposer ici, il existe de nombreuses autres positions de mains, classées dans la catégorie traditionnelle des « mudrâ avec forme » (jap. ugyô-in), lesquelles sont en réalité des manières de tenir en main des objets rituels ou des attributs. Ce ne sont pas à proprement parler des mudrâ.