Les quasi-religions
Les plus vigoureux détracteurs des religions n’en sont pas moins souvent fascinés par le pouvoir qu’elles exercent sur les esprits. Un agnostique ou un athée qui cherche à répandre ses idées se trouve ainsi paradoxalement conduit à employer certaines techniques de communication qui ont fait leur preuve dans l’expansion des religions. Les nazis et les soviétiques, par exemple, ont adopté d’enthousiasme le mot et la notion de
1. Le chondogyo s’est appelé à ses débuts Tong-hak, « science de l’Est », par opposition à Sohak, « science de l’Ouest », qui désignait le christianisme. Il ne prit le nom de chondogyo qu’au XX siècle, quand son caractère religieux s’accentua aux dépens de son rôle politique. Le nom de chondogyo signifie littéralement « ciel-voie- enseignement ». Do, la « voie » est la prononciation coréenne du mot chinois Tao ; il y a donc une référence explicite au taoïsme.
propagande dont l’origine est la très catholique congrégation de propaganda fi.de, c’est-à-dire de la propagation de la foi.
L’ambition des religions de faire partager une croyance, une morale et une conception du monde trouve son reflet chez tous ceux qui s’efforcent d’imposer au plus grand nombre leur dessein ou leur idéal. Dans la mesure où de tels objectifs ont assez d’ampleur, il se constitue alors des quasi- religions, c’est-à-dire des courants de pensée qui n’ont pas Dieu pour propos, mais empruntent aux religions certaines de leurs méthodes ou de leurs rites et modèlent ainsi profondément l’esprit humain. Ce n’est pas pour rien qu’on parle d’idoles des foules à propos de joueurs de football ou d’artistes. C’est aussi pourquoi on parle de culte de la personnalité.
A priori, cette analogie de formulation ne suffirait pas à justifier d’en parler dans un livre sur les religions. Cependant, la place que prennent ces préoccupations dans l’esprit de beaucoup en font des concurrents objectifs des religions dont il faut bien tenir compte. Ces centres d’intérêt, envahissants au point qu’ils repoussent fréquemment Dieu au rayon des accessoires, sont les compagnons de notre vie quotidienne : la politique, le sport, le culte du corps, les différentes formes de mode, intellectuelles ou artistiques, l’argent et le travail lui-même peuvent ainsi nous accaparer aux dépens de notre vie spirituelle.
En outre, certains mouvements philosophiques, qu’ils admettent Dieu ou non, se veulent de véritables substituts de la religion, tout en refusant pour eux-mêmes d’être considérés comme religions. Ce sont quelques exemples de ces mouvements, appelés faute de mieux quasi-religions, que nous présentons à présent.