Les trente – trois formes de Shô Kannon
En Chine et au Japon on dit que Guanyin (Kannon) possède trente-îtois formes. En réalité, il en a beaucoup plus si l’on compte les images qni ont reçu des noms particuliers, soit en raison de leur provenance au de leur origine, soit selon les qualités spécifiques que le populaire fcnr prête, soit encore selon les différents aspects qu’Avalokiteshvara « susceptible de prendre dans des cas déterminés. Nous les étudierons plus loin.
Les trente-trois formes qu’Avalokiteshvara-Kannon peut prendre, particulièrement, au Japon, sont des émanations ou correspondances fjap. Sanjûsan Ùgeshin) qui seraient des « corps de métamorphose »marnes se rapportant à des légendes japonaises ou chinoises (légende deMiaoshan ), et sont très souvent associées aux images des principales iicrr.es d’Avalokiteshvara ayant donné lieu aux pèlerinages consacrés ma – trente-trois sanctuaires des provinces de l’Ouest » (Sanjûsan Shô) de Japon . Une croyance veut que le fidèle ayant accompli le pèlerinage complet à ces sanctuaires soit à tout jamais délivré de la crainte de l’enfer. À cet effet, les temples distribuent des effigies imprimées de Shô Kannon sur lesquelles sont réservées des cases où, pour preuve A son pèlerinage, le fidèle doit faire apposer le cachet des autorités de Cüque temple visité. Au Japon, les diverses formes de ces trente-trois Kannon sont plus ou moins tardives et, pour la plupart, n’apparurent après l’époque de Kamakura (1333). Certaines furent souvent reprétées, le plus souvent en peinture, d’autres au contraire n’inspirèrent artiste. Leurs noms varient également selon les auteurs et les . Certaines tirent leur nom des légendes, d’autres de divinités hindoues. Selon le Butsuzô-zu-i, ces trente-trois formes de Shô Kannon cosatsu sont :
- Yôryû Kannon (Yaku-ô Kannon). C’est Kannon « roi de la médecine Kannon au saule pleureur », les feuilles et l’écorce de cet arbre pondérant l’acide salicylique qui est réputé guérir de nombreux maux et anénuer la fièvre, propriétés médicinales connues en Asie depuis la plus te Antiquité et qu’en Europe nous ne redécouvrîmes qu’avec l’aspirine… C’est une forme de Yakushi-Nyorai (Bhaishajyaguru), avec lequel le populaire le confond d’ailleurs. Il est acolyte, avec Yakujô Bosatsu, FukûjôjuNyorai. En sculpture il est représenté debout, la bouche ouverte, les sourcils froncés, avec un haut chignon . On le montre aussi (peinture) assis en Râjalîlâsana, la main droite tenant une branche de saule, le bras gauche accoudé, main pendante (cette dernière peut être à hauteur de la poitrine et, dans ce cas, Yôryû Kannon assumerait une formel féminine ( ?). Cette forme de Guanyin fut souvent représentée en Chine.
- Ryûzu Kannon. Il est représenté comme une femme (?) assise sur un dragon (jap. Ryû) ou sur le dos d’une tortue marine, son voile rabattu son haut chignon (cachant en partie l’image d’Amitâbha dans sa coiffure), tenant à la main un lotus épanoui ou réalisant une Dhyâna-mudrâ avec les mains cachées sous sa robe. En Chine, cette forme tient parfois un enfant dans les bras, et est confondue avec une « donneuse d’enfants ».
- Jikyô Kannon. Il est représenté comme une femme ( ?), tenant à lu main droite un rouleau des Ecritures…
- Enkô Kannon. Il est représenté comme une femme ( ?) de laquelle émanent des rayons de lumière, ou bien assise sur un arc-en-ciel. Elle a les mains jointes.
- Yûge Kannon. C’est peut-être le Bodhisattva de la joie. Assis en aisd royale sur un nuage rayonnant. Forme féminine ( ?).
- Byakue Kannon. C’est « Kannon en robe blanche » correspondant il Pândaravâsinî. Cette forme féminine (?) qui connaît de nombreuses repréntations est généralement assise en Padmâsana sur un lotus51 avec la main droite un rouleau de sûtra de la Prajnâpâramitâ pressé sur la poitrine (ou parfois un chintâmani), la main gauche posée sur le siège er tenant un rosaire ou une corde. Elle est souvent figurée avec un pan de robe recouvrant sa chevelure, comme Ryûzu Kannon avec laquelle elle est souvent confondue. Elle est aussi parfois assise sur un rocher, sans aucun attribut (peinture d’origine chinoise), ou encore debout sur deux lotus (un pour chaque pied), au bord de la mer, tenant ou non une fleur de lotus à la main, ou bien avec les mains en Dhyâna-mudrâ. Ce serait peut-être une forme appelée Guohai Guanyin en Chine .Elle tient I généralement un rosaire dans la main droite, mais dans certaines formel tantriques elle se tient le poignet droit avec la main gauche. Ce dernier type de Kannon que l’on retrouve sur une stèle de l’anfu (Shanxi, Chine), j aurait été à l’origine de la représentation de la Nyoirin Kannon japonaise, On la confond aussi parfois avec Byakushin Kannon (Shvetabhagavatî).
- Renga Kannon. Femme ( ?) assise sur un lotus…
- Takimi Kannon. Ce serait un Bodhisattva de vertu. Forme féminine! ( ?) regardant une cascade.
- Seyaku Kannon. Kannon « donneuse de joie » ( ?) représentée dans une attitude pensive, au bord de l’eau, regardant un lotus.
- Gyoran Kannon. Kannon sous la forme d’une femme ( ?) tenant un panier de poissons, ou bien assise ou debout sur le dos d’une grosse carpe Elle se rattacherait à une ancienne légende chinoise et serait le Bodhisattva des poissons et êtres marins. Hokusai (1760-1849) en dessina une remarquable dans ses Manga, et ce sujet fut fréquemment représenté sur des kakémono. L’apparence générale de Gyoran Kannon est la même que celle de Byakue Kannon, avec un voile recouvrant en partie sa coiffure.
- Toku-ô Kannon. C’est Kannon « roi de vertu ». Il tient à la main une branche de saule et est souvent confondu avec Yôryû Kannon.
- Suigetsu Kannon. Il est représenté assis en aise royale sur un rocher, ou debout sur une feuille de lotus posée sur l’eau, regardant le reflet de la lune dans l’eau. Parfois (mais rarement) avec trois têtes et six bra.
- Ichiyô Kannon. « Kannon à la feuille ». Parfois assis ou debout sur une feuille de lotus flottant sur l’Océan. Cette forme chinoise est également appelée Guohai Guanyin .
- Shôkyô Kannon (Seitsu Kannon). Il représente Nîlakanthî, l’« Avalokiteshvara au cou bleu », surtout représenté en peinture. Cette forme tantrique est assimilée à Shiva qui but le poison sorti de la mer de lait après son barattement et dont la gorge resta bleue par la suite. Cette forme est censée avoir le pouvoir de chasser la difficulté ou le malheur. On le montre assis sur un lotus ou un rocher. Sa peau a une teinte bleu-noir. Ses images offrent deux aspects : à deux bras (la main droite en Abhaya, la main gauche tenant un lotus) ou accoudé à un rocher, un vase posé près de lui ; à trois têtes et quatre bras tenant un bâton, un lotus, un anneau et une conque : la tête de face exprime la compassion, celle de droite est celle d’un lion, celle de gauche la hure d’un sanglier. C’est peut-être un aspect de Mârîchî.
- toku Kannon. Kannon de majesté, assis en aise royale, une tige de lotus dans la main gauche. C’est la forme la plus souvent représentée en Chine.
- Enmei (Enmyô) Kannon. Kannon protectrice de la vie des fidèles. Elle ( ?) apparaît derrière un rocher…
- Shûhô Kannon. Kannon dispensatrice ( ?) des trésors. Assise en aise royale.
- wato Kannon. « Kannon de la porte du rocher», peut-être une bouddhisation » du Kami shintô Amaterasu Ômikami. Elle est assise à jpmrrée d’une grotte.
- Nôjyô (Nôshô) Kannon. Kannon qui donne la quiétude. Elle est ? accoudée à un rocher.
- Anoku Kannon. Représenté en femme ( ?) assise sur un rocher de la mer, se tenant le genou ou ayant à la main un rouleau de sûtra »chintâmani. Elle protégerait des démons aquatiques et de la noyade fidèles tombés à l’eau.
- Amadai Kannon. Cette forme aurait été introduite de Chine au IX siècle. Elle est représentée en aise royale sur un rocher ou lion blanc. Elle a parfois une tête à trois yeux et quatre bras : les principales jouent du bokugô(petit koto, cithare d’origine coréenne): sorte de harpe chinoise ornée d’une tête de phénix, la main droite haute supportant un Haku-kichijô (faisan blanc, oiseau porte-bonheur), la main gauche haute tenant un Makatsugyo (poisson fantastique). On ne sait pas à quoi correspondent ces attributs.
- Hae (Hiyoe) Kannon. Cette forme de « Kannon qui porte de feuilles » est peut-être identifiable à Pamashavarî ou Palashambarî, « lit 1 sorcière aux feuilles » du panthéon indien. Dans le Garbhadhâtu Mandait elle a deux bras et tient dans la main droite un joyau entouré de flammel ou une corde ; sa main gauche tient un lotus. On la représente avec peau très blanche, parfois sous une apparence féminine (?) avec quairill bras : les mains droites en Varada-mudrâ et tenant un chintâmani sur lu poitrine, les mains gauches tenant une hachette et une corde. Lorsqu’elle est assise sur une natte ou sur un rocher, elle cache ses mains dans ses manches. Son nom ésotérique serait Jogyô Kongô.
- Ruri Kannon. « Kannon au joyau de béryl ». Il a à la main un objet rond et se tient debout sur une feuille posée sur l’eau.
- Tarason Kannon (Tarani Bosatsu). Ce serait une Târâ, la Shaktl d’Avalokiteshvara déjà mentionnée au VII siècle par Xuanzang. Peut« être peut-on également l’identifier à Bhrikutî ? Cette forme féminine serait « née de la lumière des yeux d’Àvalokiteshvara ». Certains sût ru l’identifient à Mâya, la mère du Bouddha Gautama : dans le Garbhadhâlll Mandata, elle est représentée comme une femme d’âge mûr. Dans le Mahâvairochana-sûtra, elle est de teinte bleue ou blanche, et tient un lotus dans ses mains jointes en Anjali-mudrâ. Elle peut revêtir deux aspects principaux : debout sur un lotus avec un visage à trois yeux, une image d’Amitâbha dans sa coiffure, de couleur vert pâle ou bleue, les mains en Abhaya-Varada-mudrâ ou bien tenant à la main droite un couteau ou j un glaive, à la main gauche un lotus bleu, un crâne ou une grenade-fruit (ou bien assise sur un lotus, les mains réunies en Anjali-mudrâ et tenant un lotus ou la main droite en Varada-mudrâ, touchant les pétales de son siège, la main gauche tenant une fleur de lotus). Kannon symboliserait lu résolution prise par ce Bodhisattva de sauver tous les êtres.
- Kôri Kannon. « Kannon au coquillage » ( ?).
- Rokuji Kannon. « Kannon des six heures de la journée » (les heures de l’ancien temps valaient environ deux de nos heures actuelles). Il tient un livre à la main.
- Fuhi Kannon. Kannon de la Compassion universelle. Ses mains sont cachées dans les manches de sa robe.
- Merôfu Kannon. Représentée comme une marchande ou une dame chinoise. La légende raconte qu’elle aurait été l’épouse d’un saint homme i chinois du nom de Ma et serait considérée, en Chine, comme une incarnation de Guanyin.
- Gasshô Kannon. « Kannon aux mains jointes ».
- chinyo Kannon. Kannon de l’Unicité (?). Assis en aise royale sur un nuage.
- Funi Kannon. « Kannon sans égale ». Debout sur une feuille de lotus, les mains croisées sur le ventre.
- Jiren Kannon. Kannon tenant une fleur de lotus entre ses deux mains jointes.
- Shasui Kannon.Kannon de l’aspersion, de l’ondoiement ( ?). Il tient une baguette dans la main droite et un bol dans la main gauche.
Cette liste et cet ordre ne sont pas immuables, et de nombreuses variantes existent. De même, nombre de ces formes ne sont pas définies, et on ne sait pas toujours très bien à quoi elles correspondent… En fait, les aspects d’Avalokiteshvara (Kannon, Guanyin ou Lokeshvara) ne se limitent pas à ces trente-trois formes. Avalokiteshvara, étant de par sa nature une divinité miséricordieuse, fut toujours très vénéré par le peuple. En conséquence, celui-ci créa à toutes les époques et dans toutes les régions des formes différentes de ce Bodhisattva, formes qui prirent bien souvent un aspect syncrétique. Les aspects d’Avalokiteshvara furent parfois multipliés afin que leur nombre puisse accroître la capacité de vision et de compassion de ce Bodhisattva. Ne citons ici pour mémoire que les « cent Kannon » du Hôjô-ji, les « mille Kannon » du Sanjûsangendô de Kyôto, les « trois mille Kannon » de Shizuokapour le Japon ; les groupes de huit et trente-deux Guanyin de Chine, les « mille Bouddha irradiants » de l’art khmer ou birman… Au Japon, où ces formes sont les plus nombreuses, il convient de citer également le Nurete Kannon (qui se tient sur l’eau) de l’Oku-no-in du Kiyomi- zu-dera (Kyôto), que les fidèles ont pris l’habitude de venir ondoyer. Comme acolyte d’Amitâbha dans sa « descente » (jap. Raigô), Avalokiteshvara peut avoir l’une des formes normales déjà décrites, mais peut aussi prendre une forme particulière, torse nu et longue jupe par exemple ; il se tient debout, le pied gauche levé, la jambe repliée, avec les mains jointes. Mahâsthâmaprapta lui fait alors pendant, symétriquement, avec les mains en Dhyâna-mudrâ. Cependant, Avalokiteshvara est plus souvent représenté, sur les images de Raigô, à genoux, présentant à deux mains une fleur de lotus (ou un plateau de fleurs de lotus) au fidèle qui arrive dans la Sukhâvatî, la Terre pure d’Amitâbha…