Les yazidis, dits "Adorateurs du diable"
Une cinquantaine de milliers de Kurdes des environs de Mossoul en Iraq et d’Alep en Syrie pratiquent encore une religion secrète qui les a fait appeler, à tort, « adorateurs du diable » par les musulmans. Ils adorent en fait Malek Taous, littéralement « l’ange-paon », créature bienfaisante à qui Dieu aurait confié la direction du monde après avoir achevé la création ‘. Les yazidis honorent aussi leur fondateur supposé, le Cheikh Adi, mort en 1160, et se rendent chaque année en pèlerinage sur sa tombe à Lalesh. L’enseignement et le culte, pour autant qu’on puisse le savoir précisément, reposent sur un livre sacré. Les yazidis, comme les druzes, croient à la métempsycose. Ils semblent avoir pris des éléments de leur culte à différentes religions environnantes : le dualisme entre le bien et le mal aux zoroastriens, le baptême et la cène aux chrétiens et les règles alimentaires aux juifs. Leur organisation est théocratique ; le prince des yazidis porte le titre de Mirza Beg.
Le caodaïsme
Le caodaïsme est un exemple original de religion syncrétiste. Son fon¬dateur est un mandarin vietnamien, Lê Van Trung, qui, comme beaucoup
1. Ce culte rend vraisemblable que le nom de Yazidi ne provient pas de celui du calife omeyade, Yazid ibn Muawiyak, mais du mot perse ized qui signifie « ange. » de ses compatriotes, s’adonnait à l’opium et pratiquait le spiritisme. A Noël 1925, lors d’une séance où l’on invoquait le dieu CaoDai ce qui signifie « le Grand Palais » en vietnamien – Lê Van Trung se sentit désigné comme chef d’une nouvelle religion. Il en organisa la première manifes¬tation dans la ville de Tây Ninh, à une centaine de kilomètres au nord- ouest de Saigon, et y fut nommé, en novembre 1926, pape de l’Eglise caodaïste.
La croyance fondamentale est que le Dieu suprême Cao-Daï, représenté dans les temples par un œil surmontant le globe terrestre, s’est manifesté au cours de l’Histoire en la personne de différents hommes : Bouddha et Laozi en Orient, Moïse et Jésus-Christ en Occident. Ainsi l’enseignement de Moïse est-il comparé au bourgeon, celui du Christ à la fleur, et le caodaïsme au fruit d’une plante qui accomplit son évolution. Le caodaïsme n’éprouve aucune difficulté à superposer des croyances du bouddhisme, du confucianisme, du taoïsme, du christianisme et du culte des esprits traditionnel au Viêt-nam. Les caodaïstes croient à la métempsycose et, qu’au moment de la mort, les âmes vont habiter un autre corps, d’homme ou d’animal. La morale est celle d’une grande fraternité et d’un respect profond de tous les êtres vivants. Le spiritisme garde sa place dans cette religion et l’on y invoque les esprits des hommes les plus remarquables des différentes cultures, plus précisément, et assez bizarrement, le poète chinois Li Po, le révolutionnaire Sun Yat-sen, Jeanne d’Arc et Victor Hugo. L’Eglise caodaïste est structurée comme l’Eglise catholique avec les mêmes titres : un pape, des cardinaux, des évêques et archevêques, et des prêtres. Les femmes, cependant, peuvent accéder à toutes ces fonctions sacerdotales. A la mort de Lê Van Trung, un concile s’est réuni pour élire un nouveau pape et cette tradition se maintient régulièrement. La Rome du caodaïsme est évidemment la ville de Tây Ninh qui a vu sa naissance. Les caodaïstes n’ont guère essaimé en dehors du Viêt-nam mais on y compte près d’un million de fidèles qui ont souventjoué un rôle politique important.
Le chondogyo
Le chondogyo a été fondé en 1860 par le fils d’un lettré coréen de province, Choe Che-U (prononcé « tchètché-ou »), en réaction contre les religions existant à cette époque dans son pays : le bouddhisme était très corrompu, le confucianisme aboutissait à un système insupportable de différentiation des classes sociales et le christianisme était perçu comme une religion étrangère trop individualiste. Le chondogyo s’est efforcé de réunir dans un syncrétisme les valeurs des trois religions orientales, bouddhisme, taoïsme et confucianisme, en éliminant les défauts de chacune d’elles. Selon la doctrine du chondogyo, chaque homme est né de Dieu et est lui-même Dieu. Une vie morale pure permet d’espérer le retour à la félicité divine. Cette morale prône la dignité, la liberté, l’égalité et la justice. Précisément cet idéal de justice rejetant la hiérarchie confucianiste fut ressenti par le pouvoir comme dangereusement révolutionnaire. Le fondateur du mouvement, son fils et successeur et de nombreux dirigeants furent persécutés et exécutés.
En 1894, la révolte Tong-hak1 provoqua l’intervention des troupes chinoises et japonaises et fut réprimée dans le sang, et la dynastie coréenne y perdit encore plus son crédit. Entre 1945 et 1950, le chondogyo comptait encore environ 3 millions de membres ; 70 % d’entre eux sont restés en Corée du Nord où leur croyance subsiste peut-être de façon clandestine ; en Corée du Sud, le chondogyo disposait de 87 temples pour plus d’un million de fidèles et 250 prêtres ; il semble toutefois que son influence ait considérablement chuté au profit de religions plus spiritualistes et moins politiques. Ses effectifs ne dépassent guère 100 000 fidèles, le temple principal du mouvement se trouve à Séoul, la capitale.