Les Yi – dam
Ce sont les dieux tutélaires du Tibet et des lamas, invoqués par les particuliers afin d’être protégés lors de certaines actions ou durant certaines périodes de leur vie. Ils sont presque toujours représentés avec leur Shakti, bien que certains d’entre eux, parmi les plus considérables, puissent être représentés seuls et même faire l’objet d’un véritable culte. Ils sont soit doux et dans ce cas représentés avec les ornements des Bodhisattva, soit colériques et alors couronnés de crânes. Ils portent des symboles tantriques et sont généralement (mais il y a des exceptions) de couleur bleue. Ils sont extrêmement nombreux, chaque divinité du panthéon lamaïque pouvant être adoptée comme Yi-dam par un particulier pour sa propre protection. Les Yi-dam (lesquels correspondraient quelque peu au sanskrit Ishta-devata) peuvent être des extrapolations des Jina et de Vajrasattva, ou bien de Manjushrî (dans ce cas appelé Manjuvajra et Yamântaka), de Vajrapâni (avec le nom de Mahâchakra) ou de Kuvera-Vaishravana (il prend alors le nom de Jam- bhala). Mais ils peuvent également être des divinités indépendantes.
Cependant, quelques-uns d’entre ces Yi-dam ont une personnalité particulière, tels Hevajra, Samvara, Mahâmayâ, Kâlachakra et Guhyapati.
Hevajra (tib. Kye-ba Rdo-rje ; mongol Kevajra)
Cette divinité, qui fut vénérée au Tibet, en Mongolie, au Cambodge et au Siam, ne semble pas avoir eu de culte en Inde, en Chine ni au Japon. Seules des sectes tantriques en Inde l’ont peut-être vénéré, mais nous n’avons aucune représentation indienne de cette divinité.
Hevajra est généralement représenté dans une attitude de danse, avec quatre jambes (souvent réunies deux par deux dans les statuettes), huit têtes et seize bras. Les huit têtes se réduisent parfois à sept. Au Cambodge (notamment à Angkor où quelques-unes de ses effigies furent retrouvées), il n’est pas toujours dans une attitude dansante. Ses seize bras portent divers attributs (tous tantriques), généralement supportés par des coupes. Il arrive que ces coupes contiennent non des attributs mais des représentations animales (pour les mains droites) et divines (pour les mains gauches). Le corps de Hevajra est bleu, et ses têtes de diverses couleurs. Les pieds qui le soutiennent sont posés sur des corps humains. Cependant, au Siam, quelques statuettes montrent Hevajra avec deux jambes seulement (mais peut-être les jambes sont- elles alors confondues deux par deux). De même, au Cambodge, l’image de Hevajra gravée sur des stèles a parfois deux jambes et cinq têtes seulement, peut-être afin de simplifier le dessin. Il est est parfois représenté seul, mais le plus souvent en embrassement (Yab-yum) avec sa Shakti, laquelle tient dans la main droite un couperet. La personnalité de Hevajra n’est pas très bien définie, et son culte, bien qu’autrefois très populaire, est demeuré quelque peu obscur.
Samvara (chin. Sanbaluo ; tib. Bde-mchog)
Cette divinité serait une hypostase d’Akshobhya, et représenterait la condensation de tous les sons producteurs (bîja) et des divinités principales. Elle fut vénérée en Chine comme étant incarnée dans la personne du chef de l’Eglise lamaïque de Pékin, et en Asie centrale (fresques du Turfân) aussi bien qu’au Tibet. Il possède cinq têtes de couleurs différentes, chacune étant couronnée de crânes. Une petite image d’Akshobhya peut se trouver dans la coiffure de sa tête centrale. Ces têtes possèdent un troisième œil et ont une expression furieuse. Il est généralement représenté debout, les pieds fermement posés sur une femme à quatre bras (à gauche) et un homme à quatre bras (à droite). Il a douze bras, dont deux tiennent la clochette et le vajra, deux sont en Vajra-hûm-kara-mudrâ, deux tiennent une peau d’éléphant, les autres une tête de Brahmâ et des symboles tantriques. Il est de couleur bleue. Sa Shakti, Vajravârâhî, qu’il tient en étroit embrassement, est nue, de couleur rouge et tient à la main un couperet et une calotte crânienne. Elle peut avoir une petite image de Vairochana dans sa coiffure.
Mahâmayâ (tib. Tsangs-pa ; chin. Dahuan jingang ; jap. Bon-ten)
Ce Yi-dam est une forme tibétaine de Brahmâ, le dieu discriminateur hindou. Il a quatre têtes (chacune avec un troisième œil), quatre bras tenant deux calottes crâniennes, un arc, une flèche. Il est représenté avec sa Shakti, Buddhadâkinî, en Yab-yum, au centre d’un lotus, et est généralement entouré, aux quatre points de l’horizon, par quatre autres Dâkinî (Vajradâkinî, Ratnadâkinî, Padmadâkinî, Vishvâdâkinî) à l’expression furieuse. Mahâmayâ est souvent représenté assis, mais parfois dans une attitude de danse, embrassant étroitement sa Shakti.
Kâlachakra(tib. Dus-khor ; mongol Chag-un Kürde)
Cette divinité est en fait la déification d’une partie du Kanjur (Bstan- djur) tibétain. Bien que cette divinité soit presque toujours représentée dans les peintures des assemblées de divinités, elle est rarement isolée, sauf sur certaines bannières de temples. Kâlachakra est alors invariablement en étroit embrassement avec sa Shakti. Il a généralement quatre têtes, et peut avoir deux ou quatre bras, sa Shakti en ayant quatre ou huit. Son corps est bleu, celui de sa Shakti orange. Cependant le corps de Kâlachakra peut également, dans certains cas, être de trois couleurs (rouge, blanc, bleu). Il porte toujours un vajra, un glaive, et parfois, dans les cas (très rares) où il a plus de quatre bras, divers symboles tantriques. Il marche sur des démons ou des êtres à quatre bras armés d’arc, flèche, trident… Ses têtes peuvent être de couleurs différentes.
Guhyapati (tib. Sang-dui ; chin. Guanzizai Bimifo)
Ce Maître des secrets est une forme tantrique de Vajradhâra. Ce serait, selon Hackin, une forme populaire tibétaine de Vajrapâni. On le représente assis, avec trois têtes couronnées du diadème à cinq feuilles. Il a six bras dont les mains tiennent un chakra (qui se trouve parfois sur la feuille centrale de sa couronne), un joyau (parfois posé sur son chignon), un vajra et une clochette. Il tient en Yab-yum sa Shakti, laquelle a également six bras et dont les mains tiennent les mêmes symboles. Elle a parfois une petite image dAmitâbha dans sa couronne. Très vénérée au Tibet, cette forme, bien que connue en Chine, ne semble pas avoir été populaire en dehors du lamaïsme des hauts-plateaux.