L’histoire du peuple juif ou de Jérusalem à Jérusalem
Le judaïsme est, pour le croyant, une histoire simple, c’est celle grandiose, définitive, relatée dans la Torah. Elle commence avec
Abraham qui, sous l’injonction divine, quitte Our en Chaldée pour aboutir, après un très long périple, en Terre promise de Canaan. Ses descendants, chassés par la famine, se réfugient en Egypte où ils se multiplient et prospèrent avant d’être bientôt asservis.
C’est Moïse qui, à travers les multiples épreuves, libérera le peuple élu et s’élancera à la conquête du pays de Canaan après avoir reçu la Révélation sur le mont Sinaï. Bientôt les douze tribus se partagent la Terre sainte et se disputent en luttes incessantes jusqu’au moment où, notamment sous la pression des ennemis extérieurs, Israël se dotera d’un roi. Mais celui-ci ne sera pas divinisé comme en Egypte : tenant son pouvoir de Dieu, il lui restera totalement soumis. Après divers règnes plus ou moins heureux, David, vers l’an 1000 avant J.-C., soumet toutes les tribus à son autorité et se rend maître de la place forte de Jérusalem qu’il embellit et transforme pour en faire sa capitale. Son fils Salomon achèvera son œuvre en construisant le Temple, centre spirituel et politique d’Israël et sanctuaire national.
Mais cette glorieuse période est éphémère : dès la mort de Salomon, le pays se divise entre les royaumes de Juda et d’Israël qui se désintègre sous les rivalités tribales et retrouve même des pratiques polythéistes. En 586, la destruction du Temple par Nabuchodonosor marque le début d’une ère nouvelle marquée par une dualité devenue permanente dans le monde juif : d’une part un centre symbolisé par Jérusalem et d’autre part une périphérie constituée par la diaspora qui, suivant les vagues de l’histoire, atteindra pratiquement tous les rivages du monde.
Dès 516 avant J.-C., un nouveau temple est inauguré. C’est l’époque où le texte de la Torah est définitivement fixé et où le pays connaît un nouveau développement social et religieux qui aboutira en 140 avant J.-C. à la création d’un Etat juif puissant et indépendant. Rome y mettra fin en y nommant d’abord des rois vassaux puis, en 70, en détruisant une nouvelle fois le Temple : Israël est vaincu, anéanti, effacé de la carte des Etats pour près de dix neuf siècles ! Mais c’est de ce désastre que va naître la profonde originalité du peuple juif : privé de sa propre terre, privé de toute légitimité politique, ce peuple durement éprouvé va se réfugier dans sa religion. La nouvelle autorité sera le texte sacré lui-même, la Torah, commenté, expliqué, protégé par de nouveaux Sages : c’est la naissance de ce judaïsme rabbinique qui maintiendra la spécificité du peuple élu à travers les siècles et cela malgré sa totale dispersion.
Commence alors, sous la direction des Rabbis, les nouveaux chefs spirituels, une éclosion d’Ecoles qui formeront les docteurs de la Loi pour les futures générations. De ces centres va lentement mûrir une abondante floraison de commentaires de la Torah, de
textes édifiants, de légendes et de contes relevant, à l’origine, d’une tradition exclusivement orale. Ces siècles d’analyse, de discussion et de réflexion accoucheront du Talmud de Jérusalem, vers l’an 425, et du Talmud de Babylone, vers l’an 500. Ce livre constitue la référence par excellence des communautés juives de par le monde. Grâce à lui, durant tout le Moyen Age, malgré – ou peut-être grâce à – un monde hostile, les multiples foyers juifs de la diaspora garderont une étonnante unité de vie spirituelle. Et même les faux messies (Sabbataï Tsevi, Jacob Frank…) du XVIIe et XVIIIe siècle ne constituèrent jamais une menace pour cette unité. Aujourd’hui, où le peuple d’Israël a retrouvé sa terre, le judaïsme est confronté à un ennemi sans doute autrement redoutable que tous ceux nombreux qu’il a rencontrés au cours de son histoire séculaire : c’est celui de la modernité.
Quelles solutions le génie juif a-t-il apportées à ce nouveau défi ? La réponse ou plutôt les réponses sont variées suivant les sensibilités différentes des communautés et des hommes. Mais globalement on retrouve dans le judaïsme moderne les oppositions existant dans toutes les religions : les novateurs s’opposent aux conserva teins. Entre l’intégration, l’assimilation, la conversion et le repli sur la tradition la plus rigoureuse, une élite a recherché une voie médiane réconciliant Torah et modernité. En Allemagne, c’est l’érudit Moses Mendelssohn qui au XVIIIe siècle prit l’initiative d’adapter la tradition juive à la vie moderne. Mais, malgré ces efforts d’intégration, la situation des Juifs d’Allemagne resta précaire et se termina par le désastre de l’Holocauste.
Aux Etats-Unis se développe, au XIXe siècle, sous la férule d’Isaac Meyer Wise, un puissant mouvement réformé qui englobera pratiquement l’ensemble de la communauté juive américaine. Ce mouvement simplifie considérablement le culte et renonce à l’aspect national du judaïsme lié au retour à la Terre sainte. Cette école suscita évidemment une réaction des « conservateurs » qui voulurent coller davantage à la tradition tout en acceptant certaines réformes.
Parmi les Juifs restés en Europe, la peur de perdre leur identité et les mouvements antisémites donnèrent naissance à un nouveau courant politique préconisant le retour à Sion, ancien nom d’Israël. Ce mouvement, le Sionisme, fut incarné par Théodor Herzl, décédé en 1904, qui, après l’affaire Dreyfus, fut convaincu que les Juifs seraient toujours considérés comme de mauvais citoyens et qu’il était nécessaire de leur donner – ou de leur rendre une terre où ils pourraient vivre entre eux suivant leurs propres lois. Dès lors commença vers la Palestine une forte immigration qui se développa lorsque les nazis entreprirent la « solution finale ». L’horreur de