L'unité à l'ouest: Les Almoravides
L’unité à l’Ouest : Au moment même où l’unité du Maghreb oriental se les Almoravides brise sous les coups des nomades hilaliens, d’autres nomades vont réaliser pour la première fois l’unité de l’Ouest.
Le mouvement almoravide prit naissance dans la tribu Lemtouna qui appartenait à une confédération de tribus berbères sanhadja qui nomadisaient dans le Sahara, entre le Draa et le Niger, tout en contrôlant le trafic caravanier. Les Sanhadja devaient sans doute être islamisés superficiellement, lorsque le chef de la confédération, Yahya ibn Ibrahim, alla vers 1030 faire le pèlerinage de La Mecque. Au retour, il ramena pour instruire sa tribu, un savant sanhadja du Souss, Abdallah ibn Yasin qui allait se révéler homme d’action et meneur d’hommes plus que doctrinaire. Il fonda un ribat (« couvent fortifié »), d’où les Almoravides tirent leur nom : Almurabitun (« hommes du ribat »), où il mena une vie rude avec ses disciples, à qui il enseignait le droit malikite. Vers 1049-1050, ils se mettent en route vers le nord sous la conduite d’Abdallah, s’emparent de Sijilmassa, principal « port » saharien, conquièrent le Souss, le haut Atlas et les plaines atlantiques sur les hérétiques berghouatas. À la mort d’Abdallah (1059), le mouvement se divise en deux : une partie des Almoravides retourne au Sud du Sahara tandis que l’autre groupe, sous la conduite de Yusuf ibn Tachfin (1060-1106) poursuit la conquête au Nord. Un de ses premiers actes fut de donner une base militaire et administrative solide aux conquérants ; c’est bien ainsi qu’il fonda Marrakech en 1062 dans la plaine du Haouz, bien alimentée en eau par les oueds 136 descendus du haut Atlas.
Yusuf conquit ensuite Fès, soumit le Rif et s’empara de Tanger, puis il s’orienta vers l’est contre les tribus zénètes, prit Oran et arriva à Alger en 1082. Il fut ensuite appelé en Espagne par El Motamid, le roi de Séville, alors que Tolède venait de tomber (1085) aux mains du roi chrétien, Alphonse VI de Castille. Yusuf, en remportant la bataille de Zellaqa (1086), arrêta l’avancée chrétienne ; puis il se rendit maître les unes après les autres des principautés des reyes de Taïfas. Les Almoravides se trouvèrent ainsi à la tête d’un empire hétérogène constitué de trois parties : le Sahara, le Maghreb occidental et l’Espagne musulmane. La cohésion de l’ensemble reposait sur le souverain qui tirait sa puissance de l’armée et de la religion. C’est pourquoi les docteurs de la loi (fukahas) faisaient partie du conseil et étaient consultés pour toutes les affaires importantes. L’administration se révéla très vite disparate et l’armée, trop peu nombreuse. Celle-ci, formée du noyau almoravide initial, fut complétée par des troupes de Berbères Zénètes et des Espagnols, parmi lesquels des chrétiens que les Almoravides envoyaient au Maroc pour faire régner l’ordre intérieur et lever les impôts.
Les souverains, par exemple Ali ibn Yusuf (1106-1142), furent attirés par la civilisation andalouse et ils se laissèrent séduire par le luxe et le raffinement, ce qui leur valut les foudres des docteurs malikites. Les Almoravides s’étaient faits les défenseurs du malikisme, mais celui-ci devint très vite figé, hostile à toute recherche nouvelle. En conséquence, ils ne furent guère tolérants, surtout vis-à-vis des non-musulmans. Dans le domaine culturel et artistique, le Maghreb devint « une province intellectuelle de l’Espagne. Le Maghreb fournit sans relâche des contingents pour la guerre sainte. L’Espagne envoya ses ouvriers et ses formules d’art » (G. Marçais).
Issus d’un mouvement religieux, les Almoravides furent renversés par un autre mouvement de réforme religieuse, celui des Almohades qui, pour la première et unique fois, allaient unifier tout l’Occident musulman, de l’Espagne jusqu’à Gabès.