Représentations bouddhiques au Japon
On peut décomposer l’art bouddhique japonais en périodes correspondant approximativement aux périodes historiques. Cet art présente une évolution continue, presque jusqu’à nos jours. À l’époque de Nara (710-794), les sculptures, jusqu’alors importées de Corée et de Chine, ou réalisées au Japon suivant le style particulier qui caractérise les oeuvres de la période précédente (Asuka, 538-710), prennent au début une allure plus spécifiquement japonaise. À cette époque, les arts de la Chine des Tang sont, dans une certaine mesure, influencés par les œuvres de la statuaire bouddhique de l’Inde, des religieux-voyageurs comme Xuanzang ayant rapporté de ce pays écritures sacrées et images des monastères bouddhiques alors florissants du Cachemire et de Nâlandâ. Les artistes japonais (pour la plupart des religieux), qui se sont rendus en Chine et en ont à leur tour rapporté des images, suivent la même ligne d’inspiration, et leurs œuvres portent tout naturellement la marque de l’influence Gupta. Un certain réalisme, déjà discernable dans les statues de l’époque d’Asuka (la plupart d’origine coréenne), semble s’accentuer, et le sourire archaïsant typique de cette période disparaît de presque tous les visages. Le traitement des plis du vêtement a tendance à se simplifier. Les peintures (fresques du Kondô du Hôryû-ji) montrent un traitement qui n’est pas sans analogie avec celui des peintures des grottes d’Ajantâ en Inde. À la fin de l’époque de Nara, l’art bouddhique japonais semble se détacher quelque peu de l’influence de l’art des Tang. Le bronze est de moins en moins utilisé, au profit de matériaux plus souples, tels que le bois, la laque sèche, la terre. Bien que les corps deviennent plus raides, les images acquièrent plus de puissance. Les visages sont plus réalistes et expressifs, les auréoles prennent l’allure de véritables travaux d’orfèvrerie. De grandes statues de bronze sont encore réalisées (Daibutsu du Tôdai-ji, 749), mais elles sont rares. On préfère maintenant tailler en plein bois. Quant à la peinture religieuse, confiée aux peintres des bureaux officiels (qui comptaient des artistes chinois dans leurs rangs), elle se limite à l’illustration de sûtra et à la confection d’images tracées à l’encre de Chine et brillamment colorées, à l’imitation des œuvres chinoises ou d’Asie centrale. L’époque suivante, celle de Heian (794-1185), voit, avec l’apparition des doctrines ésotériques et leur cortège de divinités, l’apogée de l’art bouddhique au Japon. Cette période marque la transition entre l’art d’influence Tang de l’époque de Nara et l’art de style proprement japonais qui s’imposera à partir de l’époque des régents Fujiwara, au Xe siècle. Les moines ont rapporté de Chine de nombreuses images, peintes et sculptées, des divinités du panthéon ésotérique. Les textes, mieux connus, inspirent les artistes qui vont s’efforcer de produire d’innombrables images des divinités conformes à ceux-ci mais également à leur génie propre. L’heure n’est plus à la servile imitation des modèles coréens ou chinois, mais à une véritable recréation. Le bois est désormais presque uniquement utilisé, parfois laissé nu (bois odoriférants), mais le plus souvent laqué et doré. Trois styles se partagent alors la faveur des artistes : ceux qui sont directement dérivés de la période précédente, ceux qui sont influencés par les styles chinois de la fin de la période des Tang, enfin les styles provinciaux… Vers la fin de la période, les sculptures en plein bois font progressivement place à des œuvres composites, en morceaux assemblés, ce qui permet de fabriquer des séries. Les peintures consistent surtout en mandala et en bannières, puis, à partir du XIIe siècle, la peinture est presque exclusivement vouée aux représentations caractéristiques des cultes d’Amida.
L’époque de Kamakura (1185-1333) voit le triomphe de la sculpture réaliste, en bois coloré, avec incrustations d’yeux en verre. De véritables portraits de moines sont réalisés, et l’anatomie est mieux rendue. Les peintures deviennent de véritables tableaux, et d’innombrables rouleaux sont peints, parfois avec un sens caricatural très incisif, sur des sujets bouddhiques.
Après cette période, l’art de la sculpture décline et disparaît presque complètement au profit des images peintes. L’iconographie populaire tend à remplacer l’iconographie bouddhique traditionnelle qui, depuis le XIV siècle, ne s’est pratiquement pas renouvelée. Cette iconographie populaire, extrêmement riche, formera l’essentiel des représentations bouddhiques japonaises jusqu’à l’époque moderne.