L'amérique latine : Une « anarchie mentale »
Vianna Moog (1963) voit dans les difficultés que rencontre l’Amérique latine, le résultat des contradictions entre le catholicisme, préconisant la coopération, l’amour du prochain et le capitalisme, entraînant la victoire du plus fort. « Les conséquences seront une effarante anarchie mentale et des types humains pleins de contradictions, déchirés intérieurement et en complet désaccord avec le monde ; une prévalence marquée du type dionysiaque sur l’apollinien chez les caudillos dont la succession constitue l’histoire agitée des pays latino-américains ». Il est surprenant de constater combien ces écrits, datant des années cinquante, restent actuels. Deux faits en témoignent.
Celso Queiroz, évêque au Brésil, rappelle dans une interview donnée à Bruxelles (L.B. du 19 mars 1997) « l’option préférentielle pour les pauvres » de l’Église. Pour lui « les grandes fortunes sont toujours tachetées de sang, soit de sang frais, soit de sang coagulé, versé il y a très longtemps ». Et il est vrai qu’en Amérique latine catholique… Quant au marché financier il doit « être de plus en plus comparé à un immense casino où les spéculations ont des retombées négatives sur des nations et sur les groupes sociaux les plus vulnérables ». Et de rappeler que « rien n’est plus éloigné l’un de l’autre que Dieu et l’argent ». Aussi « l’Église se doit de dénoncer tous les abus nés de Y avidité de l’argent et collaborer à toute recherche d’alternatives plus humaines qui puissent répondre réellement aux besoins des plus pauvres ». Gageons que ce Monseigneur à la vue si aiguë sur le monde des affaires, cherchera encore longtemps l’alternative permettant de répondre à ces besoins mais, bien sûr, sans argent abhorré, qui pour lui n’est pas temps mais sang.
Le second fait, lui, témoigne de la toujours actuelle propension des peuples latino-américains à porter au pouvoir des caudillos dionysiaques. En juillet 1996, les équatoriens eurent l’occasion d’élire, d’une façon parfaitement démocratique, un nouveau président. Leur choix se porta sur un riche avocat de 44 ans, fantasque à souhait, se proclamant « président des pauvres » et s’appelant lui- même el loco, le fou. Malheureusement les équatoriens durent se rendre à l’évidence : leur président était vraiment fou. Il s’illustra par d’invraisemblables frasques et mena une politique provocante et incohérente sauf sur un point : il s’avéra encore plus cupide que son prédécesseur. Alors les pauvres équatoriens descendirent massivement dans les rues de Quito pour exiger – et obtenir- la démission du président triomphalement élu six mois plus tôt.
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