L'hindouisme : Le miracle du Kérala
La population du Kérala surprend. La démographie ne s’emballe pas comme dans les autres Etats. Toutes les femmes savent lire et écrire, le niveau de santé est satisfaisant et il y régnerait une certaine prospérité. Celle-ci serait le résultat d’un meilleur partage des ressources qui, globalement, ne sont pas plus élevées ici que dans les autres Etats de l’Inde. Par ailleurs, les fondamentalistes y sont à peine présents. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Cet Etat compte 255 lits d’hôpitaux pour 100000 habitants contre 77 pour l’ensemble de l’Inde. Par ailleurs, 58 % des couples y pratiquent la contraception contre 31 %. Le taux d’alphabétisation est de 90 % contre 52. L’augmentation annuelle de la population n’est que de 1,3 contre 2,1 % et la mortalité infantile de 1,7 contre 8 % ! Ces ratios situent cet Etat entre le tiers-monde et les pays industrialisés. Il est utile de rappeler que les facteurs classiques de la baisse de la natalité sont le progrès économique, un statut de la femme comparable à celui de l’homme (et particulièrement son éducation), l’accès aux méthodes contraceptives et la baisse de la mortalité infantile (qui évite la surcompensation et qui s’obtient généralement par une certaine qualité des soins primaires). Le mécanisme ne porte ses fruits qu’après une longue période de transition, qui se compte évidemment en générations et qui fut de 150 ans pour l’Europe. La stabilité démographique du Kérala serait donc expliquée et l’explication montrerait que l’éducation des femmes, la santé et le bien-être matériel devrait qualifier le Kérala depuis longtemps. Mais quelle serait la base de ces qualités ? Selon la descendante du dernier maharadjah, la princesse Gauri Lakshim Bai, ce serait la clairvoyance de sa famille qui aurait porté le Kérala à ce niveau : son ancêtre aurait introduit la vaccination dès la fin du XIXe siècle ! Les souverains ont créé et entretenu depuis longtemps un réseau de dispensaires et d’hôpitaux. Des souverains éclairés et une société matriarcale seraient donc responsables du développement.
Cette explication n’est pas celle de l’évêque de Kottayam. Selon lui, Saint Thomas lui-même aurait évangélisé la région et aurait réussi : actuellement près d’un tiers des habitants de cet Etat sont chrétiens et la chrétienté, accompagnée de la communauté juive de Cochin, aurait répandu le principe d’égalité et une infrastructure de collèges, d’écoles et d’universités. Cela a permis aux habitants d’échapper à la hiérarchie des castes et d’être aujourd’hui presque totalement alphabétisés. Les premiers journaux de l’Inde ont d’ailleurs été créés au début du XIXe siècle par les chrétiens du Kérala. Egalité et éducation seraient les deux pieds du progrès, à moins que ce ne soit la chrétienté !… ou encore le fondateur du parti communiste : Namboodiripad se prétend le véritable successeur de la dynastie qui fut si populaire.
Par lui, le communisme a rétabli l’égalité des temps ancien à laquelle aspiraient tous les habitants du Kérala. Effectivement, quand il était au pouvoir, il a largement développé les écoles et les dispensaires. Il avait d’ailleurs préalablement redistribué les terres des grands propriétaires. Sa théorie est singulière : la nation doit d’abord se dégager du féodalisme pour entrer dans le capitalisme bourg et enfin, enfin seulement, accéder au paradis socialiste ! C’est p que les Russes ont sauté l’étape intermédiaire qu’ils ont échoué La faucille et le marteau sont présents un peu partout au Kérala à côté des emblèmes chrétiens, musulmans et hindous. Quoi qu’il en soit, les mouvements qui se sont succédé ont toujours s depuis les rois, la même ligne : privilégier le social et non l’économique. Et cela est de plus en plus difficile. En effet, l’économie forcément de l’aile et si l’on voit au Kérala des magasins de vidéo des voitures de luxe, c’est grâce à ses habitants qui travaille) vivent à l’étranger. Le pays n’a jamais eu de ressources à leur c et de tous temps, l’émigration a permis la survie. Le mouvement centrifuge est facilité par le haut niveau d’éducation et connaît tôt l’accélération : la majorité des infirmières des hôpitaux britanniques sont des chrétiennes du Kérala, constate Guy Sorman État reçoit des dépôts bancaires plus élevés d’un tiers que la moyenne du pays. Mais derrière les boutiques rutilantes, l’État n’a plus les moyens d’entretenir les écoles et les hôpitaux et l’on d sérieusement de la poursuite du développement social.
Finalement, quelle est la recette du bonheur ? On peut dans le désordre : un statut des femmes comparable à celui des hommes, un niveau d’éducation élevé, l’égalité, la primauté du gramme social – éducation et santé – sur le programme économique, la frugalité, le renoncement au développement indu effréné, faire à tout prix une grande nation ! Ces ingrédients partie de tous les mouvements qui se sont succédés au Kéral : les maharadjahs, la chrétienté, le communisme, le gandhisme… I manque cependant la base économique qui permettrait de succéder à l’agriculture des débuts et à l’immigration qui a suivi : une production suffisante, bien partagée, et dépensée judicieusement le développement social. La communauté peut ainsi vivre assez prés de ses racines et éviter le spectre du fondamentalisme.