Les attentes des hommes de la Bible: Au centre du système, le peuple et non le roi
Au centre du système, le peuple et non le roi
Car, en définitive, c’est le peuple qui est au centre : c’est lui dont Dieu veut assurer le bonheur, selon cette fameuse promesse faite à Abraham et à ses descendants pour la suite des temps. Quand Dieu avait donné au prophète Samuel l’ordre de consacrer le premier roi, Saül, il lui avait répété la phrase qu’il avait déjà dite à Moïse lorsqu’il lui était apparu dans le feu du buisson ardent : « J’ai vu la misère de mon peuple et son cri est arrivé jusqu’à moi » (1 Samuel 9, 16).
Et c’est pour cela, précisément, que chaque fois que meurt un roi en Israël, son règne est jugé sans complaisance à l’aune du service véritablement rendu au peuple.
Bien sûr, d’autres royaumes ont eu le même idéal d’un roi serviteur du bien commun ; mais ce qui est particulier ici, c’est que le véritable allié de Dieu, protégé de Dieu, ce n’est pas le roi, fût-il le meilleur, c’est le peuple lui-même. La devise de l’Alliance du Sinaï le disait bien : « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu. »
Et, dès le début de la royauté, quand il avait consacré le premier roi, Saül, le prophète Samuel avait été très clair : il avait bien précisé à l’heureux élu que son titre était synonyme de responsabilité : le roi n’avait été choisi que pour sauver le peuple de la main de ses ennemis, les Philistins. Juste avant de mourir, au moment de faire ses adieux à Saül, Samuel avait dit : « Le Seigneur ne délaissera pas son peuple, à cause de son grand Nom, puisque le Seigneur a voulu faire de vous son peuple » (1 Samuel 12, 22). Saül était donc bien prévenu : sa
mission était une mission de salut ; et l’on savait une fois pour toutes que, si Dieu protège le roi, c’est au bénéfice du peuple. Et d’ailleurs, par la suite, la Bible insiste volontiers sur la disgrâce de Saül : si Dieu a choisi bien avant sa mort celui qui devait le supplanter et lui succéder, David, c’est parce que Saül avait failli à sa mission.
Au passage, on devine tout le poids des prophètes sur les cours royales en Israël : à partir du moment où le prophète est celui qui désigne les rois au nom de I )ieu, il a aussi un rôle de critique, voire de redresseur de torts ; chacun à son tour, ils ne se sont pas privés île rappeler aux rois quels qu’ils soient que leur seule raison d’être était d’assurer la sécurité et la prospérité de leurs sujets. Rappel souvent bien utile, on s’en doute ; et certains prophètes se sont montrés particulièrement audacieux.
Une leçon bien apprise
David avait fort bien compris la leçon ; Natan à peine sorti du palais, le roi s’était rendu à la tente qui abritait l’Arche de l’Alliance et avait fait une longue prière de «reconnaissance» dans tous les sens du terme : reconnaissance de sa petitesse et du soutien permanent de Dieu, reconnaissance pour les promesses de Dieu, et aussi, bien sûr, prière pour ses descendants. Car si elle était flatteuse, la mission était quand même rude, il le savait bien ; il avait fort bien compris, là encore, le message du prophète : c’est le peuple qui compte d’abord, aux yeux de Dieu ; le roi n’est qu’un serviteur du projet de Dieu. Il se doit d’être comme Dieu, de voir et entendre la souffrance, les cris, les aspirations de son peuple.