L'attente du Messie: La royauté au quotidien
A Jérusalem, la cérémonie du sacre du roi est à peine terminée ; maintenant, le voilà au pied du mur. Qu’en sera-t-il des belles promesses et des bonnes résolutions ? On voit bien, par exemple, qu’un roi comme Salomon était habité par des sentiments très partagés ; d’une part, il était très fier d’avoir enfin conquis ce trône dont il rêvait, visiblement, mais qui ne lui était nullement destiné ; et il lui avait fallu batailler ferme pour l’obtenir ; d’autre part, il devait se sentir bien petit devant l’ampleur de la tâche. Car une chose est d’arriver au pouvoir, quitte à commanditer quelques meurtres au passage, autre chose est de gouverner, surtout là-bas où les prophètes gardent un droit de regard qui semble être celui de Dieu lui- même. Et tout le monde sait que lorsque le roi Saül, le premier roi d’Israël, a trahi sa mission, il a été désavoué par Dieu lui-même ; à bon entendeur salut ! La disgrâce de Saül pourrait bien se reproduire.
Chaque roi, dûment chapitré par les prophètes, sait très bien tout cela. Et l’on connaît, par exemple, un passage biblique superbe qui relate la prière du même Salomon tout jeune roi, demandant à Dieu de l’éclairer pour la lourde tâche qui l’attend : être un berger, comme on dit là-bas, uniquement préoccupé de la sécurité et de la bonne santé de ses brebis.
Bien sûr, si le roi est de bonne foi, il sait très bien que la fameuse onction d’huile qui lui vaut le titre si convoité de « messie » est le signe que Dieu lui- même ne cesse de souffler à ses oreilles la conduite à suivre en toutes circonstances, pour apporter le bonheur à son peuple.
Seulement voilà, Dieu ne souffle jamais très fort à nos oreilles ; l’inspiration divine ne se veut surtout pas contraignante ; ce sont les risques de la liberté que Dieu s’obstine apparemment à nous confier ; et les rois, les uns après les autres, ont amplement usé et abusé de leur liberté ; inspirés, ils l’étaient sûrement, puisque Dieu avait promis, mais peut-être étaient-ils sourds ? Les uns après les autres, à quelques exceptions près, les rois ont affreusement déçu l’attente qui pesait sur eux. Et le peuple n’a eu que trop d’occasions de se mordre les doigts d’avoir réclamé un roi à cor et à cris ; plus d’une fois, on s’est lamenté en se rappelant le vieux prophète Samuel qui s’était montré si réticent à choisir un roi. Les rêves de paix, de justice, de bonheur, de sécurité, alors, ne seraient-ils que des rêves ?
Car il ne suffit pas de porter le titre de messie pour que ces rêves que l’on peut appeler « messianiques » (au sens où ils seront l’œuvre du roi-messie) se réalisent comme par un coup de baguette magique ! Or, c’est pour cela qu’on voulait un roi, c’est cela qu’on attendait de lui et rien d’autre.