L'approfondissement de l'héritage grec : la science
Caractère de la science arabe
La science arabe est née, puis s’est développée dans le même contexte que la philosophie, mais elle ne subit pas les mêmes attaques. Un verset du Coran ne dit-il pas « Cherchez la science depuis le berceau jusqu’à la tombe, serait-ce jusqu’en Chine » ? Le mouvement lancé par les premiers Abbassides a duré plusieurs siècles et s’est étendu à l’ensemble de l’espace islamique. Les Arabes recueillaient des héritages considérables dans les pays conquis, mais de tous, le plus important fut l’héritage grec, même s’il ne faut pas sous-estimer les influences perses ou hindoues. La science arabe a fait progresser la science grecque. Les savants sont d’abord des traducteurs, mais ils dépassent la traduction en faisant intervenir leur esprit critique ; ils vérifient, commentent et finalement vont plus loin. Ils ont développé l’observation scientifique, ont classé, inventorié et multiplié les descriptions précises. L. Massignon et R. Arnaldez écrivaient à ce propos : « L’Islam a joué un rôle très important dans l’épanouissement scientifique du haut Moyen Âge […]. Les Arabes ont fait mieux que transmettre la science : ils en ont réveillé le goût et ils ont commencé à confronter les concepts grecs avec l’expérience… Ils ont mené une immense activité d’observations critiques où l’on peut voir à juste titre un prodigieux éveil de la raison scientifique. »
Les mathématiques et l’astronomie
Les Arabes ont fait faire de grands progrès aux mathématiques. Ils ont adopté, vers 770, le système décimal et les chiffres indiens que nous appelons « arabes ». Ils ont utilisé le zéro (sifr : vide) que les Indiens connais¬saient déjà. Ce zéro a énormément facilité les opérations en comparaison des chiffres romains. On doit aux Arabes la désignation de l’inconnue par la lettre x qui vient de Xay, mot espagnol, déformation du chay (« chose ») arabe. Le mot algorithme vient du grand mathématicien Al Khwarizmi (mort en 846) originaire de la région de ce nom à l’est de la mer Caspienne. Appelé à Bagdad par Al Mamun, il a publié en 825 un traité sur le calcul indien connu sous son nom latin (Algorithmi de numéro indorum) et un ouvrage, Kitab al Jabr, qui fait de lui le « père de l’algèbre ». Le mot vient du titre de l’ouvrage (jabara : réduire, forcer). Il y présente la résolution d’équations du second degré. Les Arabes sont soucieux de donner des recettes mathématiques qui trouvent des applications pratiques : « J’ai confectionné, dit Al Khwarizmi, mon ouvrage, Kitab al Jabr, dans lequel j’ai condensé dans la science du calcul, les éléments délicats et les notions les plus élevées. C’est que, dans la pratique, les gens ont besoin de ces notions, dans les opérations ayant pour but d’évaluer une surface, de relever le cours d’un fleuve, de tracer le plan d’une construction et autres procédés pratiques de tout genre et de tous les domaines » (cité dans M. Bergé, Les Arabes, p. 348). Les mêmes préoccupations ont amené le mathéma¬ticien de Bagdad Abul Wafa à multiplier les problèmes 106 de géométrie pour leur application dans l’arpentage et la cartographie. Le grand poète et astronome Omar Khayyam a fait faire un bond à l’algèbre en résolvant les équations du troisième degré. En géométrie, les Arabes n’ont guère dépassé le niveau atteint par Euclide. C’est en astronomie, vieille science persane, considérée à Bagdad comme la science la plus noble, que la méthode expérimentale arabe a fait les plus notables progrès en partant des œuvres persanes, indiennes et grecques. Elle était étudiée pour ses nom¬breuses applications pratiques : les prédictions à par¬tir des étoiles (en ce sens, l’astronomie n’était pas très distincte de l’astrologie), la navigation dans l’océan Indien, l’utilisation pour le culte (date du ramadan, heures des prières…). Le calife Al Mamun, passionné d’astronomie, s’entoura de savants et fit construire un observatoire dans le cadre de l’Académie des sciences (« Maison de la Sagesse »). Les astronomes sont légion : Al Ferghani (mort en 861), astronome de Damas, calcula les longitudes terrestres et écrivit des éléments d’astronomie. L’astronome Al Battani (mort vers 930) découvrit la précession des équinoxes et l’in¬clinaison de l’écliptique. Abd er Rahman al Soufi écrivit vers 965 un traité des étoiles fixes. Le plus grand astronome fut Ali ibn Yunus qui travailla au Caire, où le calife Al Hakim lui fit construire un observatoire.
Omar Khayyam fut chargé de faire une réforme du calendrier persan. Au XIIe siècle, Al Bitroudji établit la théorie du mouvement spiral des planètes et ouvrit ainsi la voie à l’astronomie moderne. En trigonométrie, considérée d’abord comme une branche de l’astronomie, puis constituée en science indépendante, les Arabes ont de beaucoup surpassé les Grecs et les Indiens. Les Arabes ont emprunté le sinus et le cosinus, mais découvert la tangente et la cotangente.
L’astrolabe, qui permet de déterminer la hauteur des astres et de calculer l’heure, fut perfectionné par les Arabes. Ils en firent d’ailleurs des objets d’art. Ils utilisèrent aussi pour la navigation dans l’océan Indien la boussole, inventée par les Chinois et la transmettront aux Occidentaux à l’époque des Croisades.