L'origine : la décadence de l'Empire ottoman et les revers devant l'impérialisme européen
L’expédition de Napoléon Bonaparte en Egypte (1798) et la restauration de l’Égypte par Méhémet Ali
Les conséquences de l’expédition de Bonaparte
Elle mit d’abord fin sans difficulté au régime des Mamelouks et révéla les faiblesses de l’Empire ottoman, puis elle introduisit en Orient des idées nouvel¬les, parmi lesquelles le fameux principe des nationalités. Cependant, si Bonaparte espérait être accueilli en libérateur, il lui fallut déchanter, car le peuple égyptien n’était pas disposé à se laisser conquérir par une armée de non-musulmans qui évoquait singulièrement les Croisades, même si leur chef se disait musulman. Le peuple égyptien n’était pas en mesure d’apprécier le mot « liberté » dont le drapeau fut accroché au sommet de la Grande Pyramide. Bonaparte lança pourtant des plans : réforme fiscale, écoles, hôpitaux, irrigation ; et la cohorte de savants qui l’accompagnait laissa une œuvre considérable rassemblée dans La description de l’Égypte, publiée entre 1808 et 1825. Le rêve oriental de Bonaparte tourna court et l’aventure égyptienne comptera peu dans son épopée, mais il aura réveillé l’Égypte et réintroduit le monde arabe dans le concert international, car en voulant frapper l’Angleterre en Inde par son expédition, il avait bien senti le rôle de continent intermédiaire constitué par le Proche-Orient.
Méhémet Ali (1805-1849)
L’œuvre de rénovation esquissée par Bonaparte va être reprise par Méhémet Ali, aventurier albanais, ancien marchand de tabac devenu officier. Arrivé en Égypte en 1801 à la tête des troupes albanaises de l’armée turque, il se fait nommer pacha en 1805, élimine les Mamelouks (1804 et 1811) et se rend maître de l’Égypte qu’il gouverne en despote oriental
« éclairé ». Entouré de conseillers étrangers, il veut en effet moderniser l’Égypte. Il donne au pays une administration centralisée et s’attribue un monopole économique. Il fait dresser un cadastre et distribue aux paysans des terres dont ils ont l’usufruit viager. Il dirige la production, développe le système d’irrigation et introduit la culture du coton (Jumel), de la canne à sucre et du riz. Il fait installer des industries textiles par des techniciens français et italiens. Bien qu’il ne
sache pas lire lui-même, il veut développer l’instruction, fonde une imprimerie, fait traduire des livres occidentaux et envoie des missions en Europe. Sa plus grande préoccupation cependant concerne l’armée : pour la première fois l’Égypte a une armée nationale, formée de jeunes conscrits paysans encadrés par des officiers instruits par des Français. Une marine de guerre de grande valeur est également créée.
Succès et échec de Méhémet Ali
Dans sa politique extérieure, Méhémet Ali se mit d’abord au service du sultan d’Istanbul pour écraser la révolte wahhabite d’Arabie ou pour lutter contre les Grecs insurgés (1825-1826). Il conquit le Soudan pour son compte personnel, puis se tourna contre le sultan pour mener, dans la pure tradition égyptienne, son expansion en direction de la Palestine et de la Syrie (1831). En 1832, il battit les Turcs à Konieh et allait marcher vers Istanbul, lorsque les grandes puissances européennes intervinrent pour l’arrêter. Entraîné dans de nouvelles guerres, il battit à nouveau le sultan
en 1839, mais l’Angleterre le fit reculer et lui fit céder toutes ses conquêtes, ne lui laissant que l’Egypte et le Soudan à titre héréditaire. Il meurt en 1849 sans avoir pu donner l’indépendance totale à l’Egypte. Il apparaît comme le premier des « modernistes » musulmans, ceux qui admirateurs de l’Europe, voulaient adopter ses méthodes pour se hisser à son niveau.
L’émancipation des chrétiens des Balkans
Profitant de la faiblesse de l’Empire ottoman, plu¬sieurs minorités chrétiennes se soulevèrent en vue d’obtenir leur indépendance. Ce furent d’abord les Serbes qui se révoltèrent sous la direction de Kara Georges (1808), puis de Miloch Obrenovitch et obtin¬rent leur autonomie (1815).
La Grèce proclama ensuite son indépendance en 1822 et devint le centre d’un jeu diplomatique européen. Menacée d’étouffement par les forces d’Ibrahim (1826-1827), fils de Méhémet Ali, l’indépendance grec¬que fut sauvée par une coalition navale anglo-franco-russe qui écrasa la flotte turco-égyptienne à Navarin (20 octobre 1827). Le traité de Londres de 1832 reconnut l’indépendance grecque.
L’entente provisoire entre les grandes puissances se transforma vite en rivalité à propos du contrôle des détroits du Bosphore et des Dardanelles. Elle aboutit à la guerre de Crimée (1854-1856), au terme de laquelle la Russie dut abandonner ses prétentions sur l’Empire ottoman.
Le recul ottoman De 1875 à 1878, les chrétiens des Balkans se révoltent en Europe à nouveau et menacent Istanbul. Les grandes puissances se réunissent en congrès à Berlin (1878), où elles confirment l’indépendance de la Serbie, du Monté-négro, de la Roumanie, d’une partie de la Bulgarie, accordent à l’Autriche l’administration provisoire de la Bosnie-Herzégovine et laissent l’Angleterre s’installer à Chypre.
Les derniers territoires chrétiens des Balkans échappèrent à l’Empire ottoman lors des crises balkaniques qui précédèrent la guerre de 1914-1918. L’Autriche annexa la Bosnie-Herzégovine en 1908, et en 1912, les États balkaniques, poussés par la Russie, formèrent une ligue pour arracher la Macédoine et la partager entre eux. La guerre fut courte et l’Empire ottoman battu ne conserva plus en Europe que l’arrière-pays d’Istanbul.