Langue et religion
Si Dieu parle aux hommes comme le disent les religions révélées, quelle langue emploie-t-il ? La question prête un peu à sourire, car on imagine mal un Dieu tout-puissant qui n’arriverait pas à se faire comprendre faute de bons traducteurs ou encore un Dieu qui privilégierait les adeptes d’une langue particulière.
On pourrait donc penser que la langue tienne dans les religions la même place, et pas davantage, que dans toute autre activité humaine: celle d’un indispensable moyen de communication.
En fait, les rapports entre langues et religions se révèlent bien plus complexes, ce qui mérite d’en approfondir l’exploration.Selon le mythe biblique de Babel, la diversité des langues serait la réplique divine à l’orgueil des hommes désireux d’élever l’orgueil des hommes désireux d’élever une tour jusqu’au ciel. Bien plus tard, dans l’Evangile, le Saint-Esprit répare partiellement les dégâts en donnant aux apôtres la faculté de s’exprimer soudainement dans une multitude de langues.
Parmi tant de langues véhiculant les cultures des peuples de la terre, la vanité humaine – à moins que ce ne soit la volonté de Dieu ? – a promu certaines d’entre elles au rang de langues sacrées.
Parfois ceci est pris dans un sens figuré : la langue jouit d’une vénération particulière, car elle est celle de textes religieux antiques. Par respect de la tradition, la religion s’attache à préserver cette langue. Il en est ainsi de l’hébreu pour la Bible, du sanscrit pour les classiques de l’hindouisme, du pali pour ceux du bouddhisme Theravada, du guèze pour la liturgie éthiopienne, du slavon pour l’orthodoxie slave et, jusqu’à une date récente, du latin pour l’Eglise catholique.
En revanche, l’arabe dans lequel est écrit le Coran est, pour un musulman, la langue de la parole même de Dieu. Toute traduction du Coran en une langue étrangère n’est donc qu’une pâle tentative d’imitation qui ne peut remplacer l’accès direct à la lecture du texte divin. C’est pourquoi les prières de l’Islam sont toujours dites en arabe, même par les musulmans qui ne parlent pas cette langue. Ainsi, les peuples de langue arabe, langue du prophète Mahomet, ont-ils une position de peuple élu sur le
plan linguistique qui n’a pas d’équivalent dans l’Histoire.
Cette situation leur permet parfois de brimer, en toute bonne conscience, les minorités linguistiques au nom de la religion. Les Berberes et Kabyles d’Afrique du Nord en savent quelque chose, mais, puisqu ils sont musulmans, peuvent-ils valablement résister à l’emprise de la langue orières liturgiques et du peuple d’où la religion juive est issue. La diffé-
rence avec l’arabe tient au fait que l’Islam témoigne d’un prosélytisme lui touche aussi la langue tandis que le judaïsme ne cherche pas à s’étendre En Israël, l’hébreu est un ciment puissant du peuple juif, au même titre que la religion ou le sionisme
Le latin, quant à lui, n’a jamais été plus qu’un instrument de communication. Il était la langue passe-partout de la chrétienté et a longtemps tenu dans les relations internationales le rôle que cherche à jouer aujourd’hui l’anglais. Mais le latin n’a jamais bénéficié d’une exclusivité :
les rites catholiques orientaux n’ont jamais employé le latin mais des langues diverses telles que le grec, l’arménien, le géorgien, le syriaque et même l’arabe. Au vu de l’importance grandissante de peuples divers de culture non européenne au sein de l’Eglise catholique, la décision a été prise au concile de Vatican II (1962-1965) de célébrer la messe dans la
langue des fidèles. Cette mesure a suscité l’opposition de certains chrétiens attachés sentimentalement au latin de leur enfance, quoique la langue de Jésus-Christ ait été l’araméen et celle des Evangiles, le grec.
En avance sur le concile, la Vierge Marie donne l’exemple de l’usage des langues locales lors de ses apparitions : elle parlait le patois gascon à
Lourdes et portugais à Fatima ; elle continue de nos jours et s’exprime en croate à Medjugorje et en kinyarwanda à Kibeho…
Curieusement cependant, le latin s’est maintenu longtemps en Chine dans l’Eglise catholique, faute de moyens financiers pour changer les livres de prières.
Le protestantisme, qui est d’ailleurs à l’origine de l’usage des langues vulgaires dans le christianisme, est toujours très soucieux de rendre accessibles les Saintes Ecritures aux peuples des diverses langues. L’association des Gédéons, comme l’institut catholique des presses missionnaires, s’est fait une spécialité de leur traduction en nombreuses langues.
En revanche, l’orthodoxie est davantage attachée à la tradition. Bien qu’à l’origine chaque Eglise orthodoxe ait employé la langue commune de son territoire, la liturgie s’est souvent figée dans la langue de l’époque ou elle a été constituée. Le cas est particulièrement net en Afrique orientale où l’on conserve le copte en Egypte et le guèze en Ethiopie, langues aujourd’hui incompréhensibles pour les fidèles.
tribales du Pacifique, certains mots deviennent tabous, c’est-à-dire sacrés à la suite d’un événement particulier ; leur usage est alors prohibé et ifo sont remplacés par d’autres. En Inde, les brahmanes emploient davantage de mots sanscrits que les membres des autres castes, au point que le vocabulaire de deux brahmanes de langues très différentes, comme le hindi et le tamoul, ont parfois plus de facilité à communiquer qu’un brahmane et un hors-caste. Ta Ceci nous amène à aborder la question du vocabulaire propre aux religions.
De nombreuses religions animistes africaines emploient des langages secrets réservés aux sorciers et aux initiés. Dans d’autres cas, comme au bet ou au Cambodge, certains mots diffèrent selon qu’on s’adresse à Un Prêtre ou à un quelconque mortel. Ailleurs, comme dans les religions B C est le sionisme qui, à la fin du XIX siècle, a redonné vigueur à l’hébreu. Celui-ci de s’stait que dans la liturgie, les juifs en exil parlant yiddish, ladino ou la langue eur pays d’adoption. L’hébreu moderne compte 55 000 mots alors que la Bible
en contient que 7 704.