Divinités donneuses d'enfants
Il existe une forme féminine d’Avalokiteshvara « qui facilite les accouchements et protège les enfants ». Au Japon, c’est un aspect populaire de Juntei Kannon Bosatsu. C’est, nous l’avons vu, Hârîtî, mais une corme douce, « bouddhisée », de cette « mère de démons ». Elle est souvent représentée assise sur une chaise, vêtue à la chinoise et tenant on enfant dans ses bras (certaines images populaires la montrent donnant le sein à un bébé). En raison de cet aspect, elle fut vénérée comme une représentation de la Vierge chrétienne pendant les persécutions contre les Japonais convertis au christianisme qui eurent lieu pendant la période d’Edo, aux XVIIe et XVIII siècles surtout. C’est peut- être d’ailleurs des chrétiens japonais qui créèrent cette forme d’Avalokiteshvara donnant le sein, cet aspect n’étant pas d’origine bouddhique. On pense que cette forme fut élaborée tardivement par le bouddhisme populaire afin de supplanter la divinité (Kami) shintô ces accouchements aisés, Koyasu-sama ou Koyasu-gami, de même qu’en Chine les effigies de Guanyin montrées avec un enfant sur les genoux ne sont probablement que des transpositions bouddhiques populaires des divinités taoïques « donneuses d’enfants » telles que Tianxian Songzi ou Zhangxian… En Chine, au Tonkin et au Japon, elle est née dans un groupe de vingt divinités, y tenant une place seconda! Au Japon, les sanctuaires shintô dédiés à Koyasu-sama le seraient réalité à Konohana Sakuya Hime, la légende assurant que cette prine mythique (qui est également la déesse du mont Fuji et des cerisiers fleurs) aurait accouché d’un fils pendant que sa maison était développé par un incendie (peut-être est-ce là une allusion à la création des lors d’une éruption du mont Fuji ?). Koyasu-sama était surtout venté dans les provinces du Kantô (environs de Tôkyô) et de Chiba, où femmes avaient coutume de venir lui demander, contre des offran de riz, un bon allaitement après leurs couches. Cette Koyasu-sama vint par la suite à être confondue soit avec Avalokiteshvara, soit avec Kshitigarbha. La Koyasu-Kannon (ou Avalokiteshvara donneuse d’enfants) est parfois elle-même confondue avec une forme « complémentaire », identique de forme et d’aspect, appelée Kishimojin et qui la représentation (terrible à l’origine car son image se trouva grande ment modifiée au cours des siècles) d’une ogresse convertie au bouddhisme, Hârîtî, et devenue par la suite protectrice des enfants image aurait été popularisée à l’époque de Kamakura par Nichiren Dans la secte Shingon, elle se nomme Karitei-mo. On la représente assise sur une chaise, tenant une grenade (jap. zakurom) dans la main droite (la grenade est, on le sait, en Asie comme en Europe, le symbole d’une progéniture, sans doute en raison de ses très nombreux garçons et entourée d’enfants nus ou à demi nus (en général au nombre trois, cinq, sept ou neuf). Lorsqu’elle est représentée debout, elle tientun lotus dans la main droite (attribut d’Avalokiteshvara). En peinture, elle est parfois assise sous un dais octogonal sommé d’un joyau. Elle tient alors un chasse-mouches et a deux petites filles comme acolytes .Les temples les plus célèbres où elle est vénérée sont ceux de Meguro et Zôshigaya à Tôkyô. Ses fidèles croient qu’elle possède également le; pouvoir de guérir les enfants malades. On la fête en novembre.
La tradition raconte qu’une statue de Koyasu Kannon aurait été réalisée au VIIIe siècle à l’image de l’impératrice Kômyô (ou Kômei. 701-760), veuve de l’empereur Shômu et mère de l’impératrice Kôken qui se fit nonne en 749. Nul doute que l’aspect féminin d’Avalokiteshvara, symbole d’abnégation et d’amour, n’ait contribué puissamment à répandre son culte dans le peuple. Cependant au Japon ce ne serait qu’à partir du XIV siècle (peut-être sous l’influence de la secte de Nichiren) que le peuple aurait vénéré ses statues en tant que « donneuses d’enfants». Certaines statues de Kshitigarbha sont, au Japon, vénérées au même titre ; elles ne diffèrent aucunement des images normales représentant ce Bodhisattva, si ce n’est qu’on le nomme, en raison des pouvoirs qu’on leur attribue, Koyasu Jizô Bosatsu.
Au Tibet, où son culte semble assez ancien, elle est représentée tenant un enfant sur son sein et une mangouste (nakula). Elle est également une « dispensatrice de richesses ». Son image fut, semble-t-il, créée au Gandhâra, où elle est montrée comme un Bodhisattva, mais avec des crocs apparents. Elle fut également représentée à Ajantâ, dans la grotte n 2, assise en Râjalîlâsana, au-dessus d’une frise composée de nombreux enfants nus. On trouve également certaines de ses représentations à Java (Chandi Mendut) et en Asie centrale. Souvent son effigie est accompagnée de celle d’un Yaksha, Panchikha, réputé être le père de ses enfants et un général de l’armée de Vaishravana.