Avalokiteshvara
Parmi les Bodhisattva, c’est Aryâvalokiteshvara qui possède le plus grand nombre de formes et qui est peut-être la divinité bouddhique la plus vénérée et la plus populaire. Son sexe, à l’origine masculin, est parfois considéré, en Chine ou au Japon, comme féminin, bien qu’aucun texte canonique ne puisse venir à l’appui d’une telle discrimination. On a cependant pris l’habitude, dans le peuple ou dans certaines congrégations religieuses, de qualifier de féminines certaines représentations de ce Bodhisattva. Nous avons donc mis un point d’interrogation après chaque définition considérée comme « féminine », afin de bien marquer ce que cette interprétation peut avoir de douteux (quoique couramment admise en Chine ou au Japon). En théorie, un Bodhisattva ne peut être ni masculin ni féminin ; attribuer un sexe à une divinité transcendantale équivaudrait à renouveler la byzantine querelle du sexe des anges. Dans Je bouddhisme des écoles du Nord cependant, il est admis que les êtres reminins ne peuvent être acceptés dans le paradis d’Amida (ou des antres Bouddha) que sous la forme d’êtres masculins, et nous verrons plusieurs occasions que certaines divinités ont le pouvoir de transformer le sexe des êtres afin de leur permettre l’accès au paradis. Cette reptation est surtout populaire et résulte d’une tendance à affirmer prééminence masculine au sein des sociétés. D’un autre côté, les nés ont souvent été tentés d’attribuer une qualité féminine à toutes ; divinités qui leur paraissaient douées de vertus essentiellement féminines » comme la compassion, la douceur, la mansuétude, la pureté, etc. C’est pourquoi Avalokiteshvara, que l’on a souvent comparé à la vierge Marie du christianisme, fut souvent, en Chine et au Japon, considéré comme la « mère du genre humain » et, à ce titre, vénéré aspect d’une femme…
Avalokiteshvara fut connu du bouddhisme indien très tôt, lors du pement des doctrines du Mahâyâna, et connut une grande faveur jusqu’à la disparition du bouddhisme en Inde. Son culte passa d’Inde dans le Sud-Est asiatique et à Java où il rencontra un grand succès, de qu’au Népal, au Tibet (où il arriva avec le bouddhisme et où le Srong-btsan Sgam-po – 519-650 – fut considéré comme étant son non) et en Chine, d’où il passa en Corée et au Japon. Tous ces |s le conçurent sous des formes différentes selon leur tempérament Ictus besoins spirituels : il prit également autant de noms différents; sectes reconnaissent quelques formes d’Avalokiteshvara cependant que d’autres ne les reconnaissent pas. La plupart des formes sont théoriques et rencontrées seulement sur des mandala particuliers ou des peintures. D’autres sont syncrétiques ou appartiennent plus aux onces populaires qu’au véritable bouddhisme. Car, il faut le rappeler il n’existe pas d’orthodoxie bouddhique, mais des orthodoxies qui varient avec les sectes. Et encore les doctrines de ces dernières varient-elles souvent avec le temps ou les disciples. Ensemble de croyances vivantes, les doctrines bouddhiques sont essentiellement mouvantes, prables transformables au gré des hommes et des temps : rien n’est jamais fixé, sauf dans les textes. Mais ceux-ci, de même que les mandala qui les concrétisent visuellement, ne sont que des supports à la pensée, que des ordonnancements logiques destinés à aider le fidèle dans sa ; représentation personnelle de la Divinité et de la place qu’elle occupe pour lui dans l’univers. Il n’est donc pas étonnant qu’au cours des âges ; tant de représentations différentes aient pu être conçues. Nous ne saurions ici les décrire intégralement, mais nous donnerons seulement les raisons d’être de leurs formes les plus communes. Le bouddhisme japonais ayant vénéré un très grand nombre de ces formes et les ayant représentées car elles firent l’objet de cultes plus ou moins importants, nous avons choisi de décrire, pour Avalokiteshvara, les neuf formes de cette divinité qui furent, à un titre ou à un autre, vénérées. Ces formes sont, à peu de chose près, celles qui furent élaborées en Chine et au Tibet.
Ses premières représentations en Inde (sous le nom d’Avalokita) ressemblaient de près à celles de Brahmâ, le dieu créateur de l’hindouisme, ou même à Shiva dont il emprunta le serpent comme symbole et qui tient sa parèdre, comme ce dernier, non pas en embrassement mais sur son genou. Les formes qu’il assuma sont extrêmement diverses, ainsi que les attributs et les mudrâ qu’on lui prêta. Cependant la mudrâ la plus caractéristique de ce grand Bodhisattva est en Varada, symbole de charité et de don.
Au Tibet, Avalokiteshvara est associé avec les Dalai-lama qui seraient ses réincarnations. Le palais des Dalai-lama, à Lhasa, le Potala, porte d’ailleurs le nom du paradis d’Avalokiteshvara.
Au Viêt-nam et au Cambodge, sous le nom de Lokeshvara, « Seigneur du monde », Avalokiteshvara fut particulièrement honoré, principalement du X au XIII siècle. Et au Siam son culte est également attesté comme ayant joui d’une grande faveur populaire…
Nous étudierons donc tout d’abord les formes japonaises et chinoises, celles qui furent représentées au Tibet et enfin les formes caractéristiques des pays du Sud-Est asiatique.