Deux Eglises congrégationalistes : les quakers et les darbystes
Les uns et les autres ont en commun d’être issus du puritanisme, ce courant anglican profondément influencé par l’austérité calviniste. Par crainte de toute trace de cléricalisme, ils ont adopté le système d’organisation congrégationaliste opposé à toute hiérarchie. Les différences entre ces deux mouvements, dont un est ne plus d’un siècle après l’autre, sont cependant fort importantes.
C’est un berger et cordonnier anglais, George Fox (1624-169]) qui est le fondateur de ce mouvement protestant, connu également sous le nom de « Société religieuse des Amis ». A la suite d’une vision qu’il eut en 1652, il centre sa religion sur la parole de saint Jean selon laquelle « la lumière illumine tout homme en ce monde ». Pour lui, l’Ecriture sainte est le témoignage historique de cette lumière ; elle n’a pas d’autorité en elle-même et tout repose sur l’interprétation que l’Esprit-Saint inspire à chacun. C’est pourquoi les quakers n’ont ni dogme ni liturgie, ni prêtres ni pasteurs. Le culte n’est pas dirigé, il consiste surtout en adoration silencieuse.
L’action de George Fox apparaît comme une réaction contre la religion peut-être trop intellectuelle d’un protestantisme centré sur la parole de Dieu et l’étude minutieuse de la Bible. L’agitation causée par sa prédication le fit convoquer devant le juge auquel il conseilla de trembler par crainte du Seigneur, de là le surnom de quakers, « trembleurs » en anglais, donné à ses fidèles. Un de ses disciples, William Penn, émigra aux Etats-Unis et donna son nom à l’Etat de Pennsylvanie (la forêt de Penn). C’est dans ce pays que les quakers sont les plus nombreux, environ 200 000. On en trouve encore en Grande-Bretagne, mais aussi en Afrique orientale, il y en a près de 500 en France.
Résolument opposés à toute violence, les quakers sont des pacifistes convaincus qui combattent vigoureusement l’esclavage, la peine de mort et même toute forme de régime pénitentiaire.
Malgré leur répugnance pour les structures établies, les quakers ont cependant créé en 1937 un comité mondial consultatif de l’ensemble de leur mouvement.
Curieusement, c’est un quaker, un Prussien établi en Ukraine, qui serait à l’origine d’une secte dérivée des « vieux-croyants », les doukhobors (en russe : « lutteurs de l’Esprit ») ‘.
Ce mouvement fondé vers 1740 rejette en bloc la hiérarchie religieuse, la prêtrise, les rites, les sacrements, les icônes et… le service militaire. Fréquemment, leurs protestations contre les lois civiles s’exprimait par des séances collectives de nudisme. Les doukhobors ne croient pas à la Trinité, considèrent que Jésus-Christ n’est qu’un sage, fils de Dieu dans un sens si général que tous les hommes le sont aussi. Selon eux, l’âme du Christ réapparaît périodiquement dans des messies, les leaders du mouvement. Pourtant ces derniers se sont souvent fait remarquer par un autoritarisme et une vie dissolue fort peu évangéliques.
Condamnés et persécutés par le régime tsariste, les doukhobors furent exilés successivement sur la mer d’Azov et en Géorgie. De là, ils émigrèrent au début du XXe siècle au Canada. Ils sont encore aujourd’hui environ 30 000 qui vivent en Colombie britannique et dans l’île du Prince-Edouard. Ils pratiquent toujours un patois slave, sont non-violents, végétariens, non-fumeurs et ne boivent pas d’alcool.
Leur organisation très « anarchiste » avait séduit Tolstoï qui avait facilité leur exil au Canada.
Les darbystes, qu’on appelle aussi frères de Plvmouth (Plymouth Hrethreri) se partagent en multiples tendances. Ils sont au total environ 700 000 dans le monde, dont une vingtaine de milliers en France.
Fondée en 1827 par le pasteur anglican irlandais John Darby (1800-1882), cette Eglise prêche une doctrine proche du calvinisme : le monde est radicalement mauvais et ne peut espérer son salut que du Christ dont le retour est proche ; le pouvoir des apôtres n’est pas transmissible, tous les chrétiens ont le devoir d’annoncer l’Evangile et peuvent administrer les sacrements, ceux-ci n’ont d’ailleurs qu’une valeur symbolique. Le culte de communion hebdomadaire regroupe des effectifs de 30 à 40 personnes, réunies au domicile de l’une d’elles ou dans une salle de location. L’interprétation des écritures est fondamentaliste, c’est-à-dire que les textes sont pris dans un sens très littéral. Le mouvement fait peu d’efforts pour sa propagande, il ne dispose d’aucune organisation nationale ou internationale et n’édite aucune publication. Malgré cette discrétion, les darbystes pensent être l’instrument de la réunification du christianisme, tout en rejetant paradoxalement l’œcuménisme.
Autres courants du protestantisme
Au cours du XVIII siècle, le siècle des Lumières et de la Révolution frunçase’ rationalisme parut en contradiction avec le merveilleux de Histoire sainte. Certains protestants, généralement issus du luthérantsme, imaginèrent de résoudre ce qu’ils ressentaient comme une incompatibilité entre la science et la religion en réduisant celle-ci à une fonction sociale et morale. C’est ce qu’on appelle le protestantisme libéral. Les croyances y deviennent relatives, les faits de la Bible sont interprétés de nombre de symbole et la religion tend à n’être plus qu’un sens moral, une lié !gatlon intérieure de faire le bien. Il en résulte que le salut n’est pas de ne formulation particulière de la foi et que la révélation historique jesusChrist s’efface devant la révélation de la vérité que chacun
découvre dans sa conscience. Selon ce mouvement, « la doctrine div seule l’action unit ».
Ainsi, en dépouillant pratiquement le christianisme de sa dimension surnaturelle et mystique, le protestantisme libéral s’apparente à une losophie, à un rationalisme religieux, où le Christ est, en quelque sorteL le grand prophète de l’entraide sociale. Une telle position dénie, en fait toute transcendance au christianisme, ce qui ne pouvait que susciter des réactions.
Certains, récusant l’intrusion excessive de la science en matière religieuse, se tournèrent, comme bien d’autres avant eux, vers le fondamentalisme, c’est-à-dire une interprétation des Ecritures dans un sens très littéral. La naissance de mouvements comme les adventistes du T jour et les témoins de Jéhovah se rattache pour une large part à ce type de réaction.
Dans une direction opposée, d’autres protestants reviennent à une conception plus traditionnelle, néoorthodoxe, de l’Eglise où le Christ occupe la place centrale. C’est le sens de la théologie de Karl Barth (1886-1968) qui, par bien des côtés, rapproche le protestantisme des expressions modernes du catholicisme.
Cette description des principaux courants du protestantisme, quoique très incomplète, donne inévitablement une impression de grande confusion. Il ne faut pas s’en étonner quand on se souvient qu’il existe des centaines de dénominations chrétiennes distinctes au sein du protestantisme.
Certaines de ces eglises ont une importance ou une originalité telle qu’elles méritent une description particulière. Nous en avons retenu arbitrairement deux :
– les vieux-catholiques ;
– les témoins de Jéhovah qui sont l’objet d’un développement ci-après.
Il ne faudrait cependant pas placer sous l’étiquette commode de protestantisme tous les mouvements religieux qui se réfèrent d’une façon ou d’une autre à Jésus-Christ. Certains d’entre eux s’écartent trop de la Réforme, par leur doctrine ou leur origine, pour qu’on puisse valablement les insérer dans le protestantisme. Nous examinerons ultérieurement les plus importants de ces mouvements à propos des « eglises locales ».
Pour en revenir au protestantisme pris dans son acception la plus classique, il nous reste à voir quelle est son évolution récente. D’une façon surprenante, il semble que ce soient les facteurs géographiques et culturels qui façonnent le plus vigoureusement aujourd’hui le paysage du protestantisme.