Entre la philosophie et la religion
Taoïsme,bouddhisme,confucianisme
C’est peut-être parce que les Occidentaux n’imaginent pas aisément une spiritualité sans religion que les grands courants de pensée de l’Extrême-Orient et de la Chine sont habituellement classés parmi les religions.
Aucun d’entre eux cependant ne s’appuie explicitement sur l’existence d’un Dieu, mais aucun ne la nie non plus.
D’une façon très révélatrice, Confucius conseille de respecter les dieux mais de s’en tenir éloigné. Ainsi, il n’y a aucune raison de se battre pour des querelles de théologie.
En fait, le bouddhisme insiste plutôt sur une morale individuelle, le confucianisme sur les règles de la vie en société et le taoïsme sur une conception générale du monde. Il n’y a donc aucune incompatibilité entre ces trois systèmes et tout l’Extrême-Orient, Chine, Corée et Japon, s’accommode fort bien d’un judicieux dosage de plusieurs courants de pensée.
Il peut aussi s’y superposer des survivances de rites animistes. Au Japon par exemple, on pratique un rite shintoïste, c’est-à-dire animiste, à la naissance ; on célèbre une cérémonie bouddhiste pour la mort et l’on suit, la vie durant, une morale confucianiste.
Il n’y a pas d’incompatibilité non plus entre ces mouvements et des options politiques, même très extrêmes. Le respect du pouvoir confucéen comme la résignation bouddhiste, poussée jusqu’à la recherche de l’anéantissement, sont capables d’accepter sans se révolter des régimes aussi durs que celui des exterminateurs Khmers rouges.
Rien n’interdit que s’ajoute à tout cela une religion révélée. C’est bien ce qu’avait compris la remarquable équipe du père Ricci, qui aurait vrai-semblablement converti l’empereur de Chine au XVI siècle si les instances de Rome n’avaient vu là un affreux amalgame dénaturant le christianisme. Les rivalités entre les dominicains et les jésuites ne sont pas étrangères à
l’échec historique de cette exceptionnelle tentative d’intercompréhension entre l’Occident et l’Orient.
Aujourd’hui, où nous sommes appelés à fréquenter les peuples les plus divers, il faut bien constater que l’Extrême-Orient est particulièrement dépaysant, car il ne s’accommode pas de nos habitudes cartésiennes de tout ordonner en catégories. Au contraire, nous verrons plus loin que le taoïsme va jusqu’à récuser explicitement l’idée même de classifier et considère que chaque chose comprend en elle-même son contraire.
Pour nous retrouver dans ce que l’on appelle généralement, à défaut de meilleure expression, les « religions » d’Asie orientale, nous serons amenés à décrire chacune d’elles comme si elle était indépendante des autres. Souvenons-nous cependant que la réalité est très différente et que les relations d’interdépendance sont aussi importantes que le contenu des doctrines.