L ' Adhi – Buddha
Assez tardivement se développa, probablement au Népal vers le Xe ou XIe siècle, une théorie tendant à faire du bouddhisme du Mahâyâna une religion monothéiste. Cette théorie, répandue parmi les sectateurs de l’Aishvarika, se fondait sur une phrase de la Gunakâranda-vyûha affirmant qu’il y avait un Bouddha « Svayambhû » (existant de par lui- même), aussi appelé Âdi-Buddha (le Bouddha primordial), bien avant toutes choses. Selon l’école népalaise, cet Âdi-Buddha, de toute éternité, est infini, omniscient et peut être considéré comme le véritable créateur de tout ce qui existe. De lui seraient émanés les Cinq Jina ou Dhyâni-Buddha, aussi qualifiés d’Anupapâdaka, « sans parents ». Il serait l’émanation de la syllabe mystique Aum (tib. Om), représentée par une flamme surgissant d’une fleur de lotus. Il résiderait dans le plus haut des cieux, le treizième, selon la cosmologie népalaise. La secte (également népalaise) des Svâbhâvika imagina elle aussi un Âdi-Buddha. Cet Etre suprême prit plusieurs noms, tels que Svayambhû, Ish- vara, Svabhâva, Vajrapâni, Vajrasattva, Vajradhâra, Vairochana… Ces conceptions d’un Bouddha suprême ne furent pas acceptées partout et, au Népal comme au Tibet, ne connurent qu’une relative popularité, chaque secte concevant son Âdi-Buddha différemment, généralement assimilé à l’un ou l’autre des Grands Bouddha de sagesse. Au Tibet, une ancienne secte reconnaissait Manjushrî comme Divinité suprême alors que les « Bonnets rouges » vénéraient Vajrasattva et les « Bonnets jaunes » Vajradhâra. En Chine, ce fut principalement Vajrasattva qui fut considéré comme le Bouddha suprême, et au Japon, Vairochana (Mahâvairochana) en tint lieu pour les sectes ésotériques. Dans le Mahâyâna du Sud-Est asiatique (et principalement à Java), une entité supérieure, principe de toutes choses, appelée Advaya, était vénérée comme Bouddha primordial, invisible, omniscient. Au Japon encore, selon les sectes, divers Jina, tels Amitâbha ou Bhaishajyaguru, tinrent la première place dans le panthéon bouddhique…
Au Nepâl (où il est symbolisé par une flamme sortant d’une fleur de lotus) et au Tibet, l’Âdi-Buddha est représenté comme un Bouddha paré, c’est-à-dire avec tous les ornements d’un Bodhisattva. Sa parèdre ou Shakti est alors Âdi-dharmâ (ou Âdi-prajna). Lorsque cet Âdi-Bud- dha est représenté en Yab-yum avec sa Shakti, il se nomme Yogâmbara, et sa parèdre prend le nom de Digâmbarâ ou Jnaneshvarî. Ils sont représentés comme des Bouddha, sans ornement. Yogâmbara a les mains en Dharmachakra-mudrâ et Jnaneshvarî en Dhyâni-mudrâ.
Vajrasattva (jap. Kongôsatta ; chin. Woziluosazui ; tib. Rdo-rje sems-dpah)
Sous cette forme, cet Âdi-Buddha, vénéré particulièrement au Tibet et en Chine, serait, d’après XAbhidânottara-tantra, le « représentant de tous les Bouddha ». Au Nepâl il est identique à Svabhâva, selon la secte des Svâbhâvika, et il résiderait (ou se serait manifesté) sur le mont Meru. Il est symbolisé par une flamme surgissant d’un croissant de lune posé sur une fleur de lotus, ou par un trident posé sur cette même fleur. Il est, dans le panthéon tardif du Mahâyâna, l’équivalent de la divinité hindoue Brahmâ. Il remplace parfois Akshobhya dans le concert des Cinq Jina, et porte parfois une petite image de ce Dhyâni-Buddha dans sa chevelure (musée de Jakarta).
Généralement représenté en Bouddha paré et assis, il peut prendre plusieurs positions de jambes, Paryankâsana (le pied droit sur la cuisse gauche), Padmâsana, ou alors les jambes croisées aux chevilles. Il est surtout représenté en sculpture au Tibet, à Java et au Siam, alors qu’il apparaît plus fréquemment sur les mandala au Népal et en Chine. Il apparaît également, mais en position debout, sur des stèles, en compagnie des autres Dhyâni-Buddha et d’Akshobhya. Dans ce dernier cas, il a plusieurs têtes et bras. Mais il tient toujours un vajra et une clochette. Au Tibet, il est souvent représenté en Yab-yum avec sa Shakti Ghantapâni, et cette forme appartient au rituel secret.
Au Japon, nous avons vu précédemment que, sous le nom de Kongôsatta, il était souvent représenté non seulement sur les mandala mais également en sculpture. Il est fréquemment montré sur son râhana, un éléphant blanc.
Vajradhâra (tib. Rdo-rje-hchan ; mongol Ochirdara)
Il est souvent confondu avec Vajrasattva par certaines sectes, alors que d’autres lui donnent une existence indépendante. C’est l’Àdi-Buddha des « Bonnets rouges » et des « Bonnets jaunes ». Il est représenté comme un Bodhisattva, paré de tous ses ornements, les mains croisées sur la poitrine avec le vajra et la clochette, et de couleur bleu foncé. Le vajra et la clochette sont parfois supportés par une branche tenue dans ses poings croisés. Lorsqu’il est représenté avec sa Shakti Prajnâpâramitâ en position de Yab-yum, il tient ses deux attributs dans le dos de sa parèdre.
Cet Adi-Buddha peut également être appelé Karmavajra. Dans ce cas sa main gauche tient un lotus et sa main droite est en Vitarka-mudrâ. Lorsqu’il est appelé Dharmavajra, il tient un double vajra sur la poitrine et une clochette sur la hanche.
Cependant ces deux aspects sont rares. Et les formes de Vajrasattva et de Vajradhâra sont parfois peu distinctes l’une de l’autre. Elles sont en fait confondues avec les aspects tantriques de Mahâvairochana.