L'attente du Messie: Caractéristiques du serviteur
Le transpercé
On se demande par quelle alchimie la souffrance du Serviteur obtient le salut des autres ; salut voulant dire conversion, retour à la paix et à l’harmonie fraternelle qui sont le projet de Dieu depuis toujours. Ce ne peut pas être une affaire d’expiation. A l’époque de l’écriture des chants du Serviteur, on sait déjà très bien que Dieu ne fait pas payer le pécheur pour ses propres fautes ; mais on pourrait être tenté de croire que nos fautes doivent de toute façon être expiées par quelqu’un ; or là, ce texte vient apporter une nouveauté : non, les souffrances du Serviteur ne sont pas une expiation, ni pour ses propres fautes (on le savait déjà), ni (et c’est nouveau) pour celles des autres ! Mais il est vrai que ses souffrances, subies avec acceptation, dans la non- violence et le pardon provoquent la conversion des autres ; là un texte biblique un peu postérieur viendra nous donner la clé : « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé », explique le prophète Zacharie (Zacharie 12, 10). Voulant dire par là que seule la non-violence rompt la spirale de la violence et peut transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, selon une expression du prophète Ezéchiel. Zacharie continue : « Ce jour-là une source jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem en remède au péché et à la souillure » (Zacharie 13, 1). Pour le dire autrement, la conversion des bourreaux est dans la main de leurs victimes.
Le Messie-Serviteur
Evidemment, quand nous entendons que l’esprit de Dieu repose sur le Serviteur, et que sa mission est d’apporter le salut au monde, nous pensons inévitablement qu’il s’agit du Messie promis par Dieu depuis des siècles. Or nous avons dit plus haut que le Serviteur était probablement le petit Reste d’Israël. Ce qui veut dire qu’avec le portrait du Serviteur, nous sommes encore une fois devant la représentation d’un Messie collectif.
Certains parlaient déjà du Reste d’Israël, d’autres du fils d’homme, et maintenant, voici le Serviteur : trois manières de parler du Messie qu’on imagine être non plus un individu isolé mais un peuple. Ce qui évidemment nous posera question quand nous essayerons de comprendre le mystère de Jésus.
L’attente messianique dans les derniers siècles avant la venue de Jésus
Nous l’avons vu, plus que le Messie lui-même, on attend l’ère messianique : à la fin du premier siècle avant J.-C. tout le monde l’attend, mais plus personne ou presque n’en rêve pour tout de suite ; on pense généralement que la venue du Messie coïncidera avec la fin des temps, ce qu’on appelle le « Jour de Dieu ». La description de ce nouveau monde est très riche.