L'avenir des différentes religions
Avenir de l’animisme
La constatation la plus évidente de l’évolution religieuse au XX siècle est l’effondrement de la plupart des cultes traditionnels africains. Parmi les causes majeures de cette réalité, on peut citer :
– la perte de prestige des sorciers-guérisseurs face à la médecine ;
-l’affaiblissement de l’autorité des anciens dont la sagesse n’impressionne plus les jeunes diplômés ;
– l’effritement du pouvoir traditionnel au profit de celui de l’Etat ;
– le développement de l’émigration rurale vers les villes où se désarticulent et s’estompent les particularismes ethniques, supports de chaque animisme particulier.
Ceci ne signifie pas que les pratiques animistes disparaissent complètement mais, quand elles subsistent, elles ne sont qu’occasionnelles ou accessoires. En outre un certain respect humain conduit à se déclarer plus volontiers musulman ou chrétien qu’animiste.
D’une façon générale, ce sont les pays sahéliens, où ont existé jadis de grands royaumes, qui sont les plus sensibles à l’Islam tandis que l’Afrique de la forêt, aux tribus plus diversifiées, s’accommode mieux du christianisme, plus compatible, semble-t-il, avec une pluralité de cultures.
Mais la situation de détail est plus complexe et ne peut se résoudre en schémas simplistes. Dans certains cas, comme au Nord-Cameroun, les populations animistes, les Kirdis, en pleine zone sahélienne, ont toujours lutté contre les royaumes musulmans avoisinants aussi auraient-ils le sentiment d’une abdication si leur évolution vers le monothéisme passait par l’Islam. Ils se tournent donc plus volontiers vers le christianisme.
Au Tchad, l’opposition culturelle entre pasteurs nomades et agriculteurs se traduit par des conflits de plus en plus aigus au fur et à mesure l’occupation des terres sous la pression de la démographie. Face à l’Islam pratiqué par les pasteurs du Nord, les populations du Sud penchent vers le christianisme, plus susceptible de cohésion que l’animisme.
On pourrait ainsi multiplier les exemples où les conditions sociopolitiques tendent à renforcer une bipolarité Islam-christianisme aux dépens de l’animisme. Il faut toutefois noter qu’en face d’un Islam qui reste globalement monolithique1, le christianisme est émietté en une multitude d’Eglises, ce qui reflète le plus grand particularisme tribal des pays où ces Eglises sont implantées.
Dans les autres continents, Amérique ou Asie, l’animisme est essentiellement le fait des populations rurales et sa pratique recule au fur et à mesure des progrès de l’instruction.
L’animisme dans son ensemble ne peut en effet que souffrir du contact avec la rationalité du monde moderne : on ne peut, sans faire preuve d’un illogisme vraiment excessif, attribuer par exemple une maladie ou la sécheresse simultanément à des causes scientifiques et à de mauvais esprits.
L’animisme à l’état pur, de plus en plus confiné à des zones isolées, paraît donc destiné à s’effriter encore, ce qui ne l’empêchera pas de subsister, aussi longtemps que l’homme existera, sous forme de superstitions ou de pratiques irrationnelles.
Avenir de l’atheisme
La forme la plus organisée de l’athéisme militant était le communisme pratiqué durant quelques décennies par nombre de pays. Il n’y a pas à revenir sur l’émergence au XIX siècle de cette philosophie matérialiste produite en partie par l’exaltation devant les progrès de la science et en partie par l’incapacité des chrétiens de l’époque à proposer leur message dans un langage adapté à la société industrielle naissante.
Il a fallu près d’un demi-siècle pour qu’apparaisse le caractère oppressif, l’inefficacité et l’échec moral des régimes marxistes-léninistes. La croyance en un homme nouveau cède le pas devant la réalité de la combine et du laisser-aller, souvent noyé dans l’alcoolisme.
Quelle que soit la sévérité ou l’indulgence du jugement qu’on peut Porter sur le communisme, porte-drapeau de l’athéisme, il faut bien
conclure qu’on ne peut plus y trouver l’espoir d’une société meilleure qu’ailleurs. Au contraire ce régime a fait la démonstration par l’absurde que le progrès de l’homme passe par la confrontation des idées que précisément il ne permet pas. Ainsi les « lendemains qui chantent » ne sont plus qu’un passé révolu.
Le subit écroulement au cours de l’année 1989 de la plupart des régimes communistes européens a surpris le monde entier, même les observateurs les plus attentifs.
Il est remarquable que ce soit l’armature spirituelle du catholicisme en Pologne et du protestantisme en R.D.A. qui ait été le squelette de la contestation. Cependant, ces événements ne doivent pas être interprétés de façon trop manichéenne, comme une victoire des religions sur l’athéisme.
D’une part en effet, l’athéisme ou l’indifférence religieuse sont fonda-mentalement liés à la liberté de l’homme de croire ou de ne pas croire • comme tels, ils existeront aussi longtemps que l’humanité.
D’autre part, on peut craindre que certains fondamentalismes religieux, par leurs excès, ne provoquent des réactions violemment athées.
En ce qui concerne l’attitude du premier type, celle de l’indifférence religieuse ou de l’athéisme non passionnel, il est probable que l’avenir en verra le développement dans tous les pays où la religion exerce une forte pression sociale, comme les pays arabes par exemple. C’est ce phénomène qu’a constaté l’occident chréden, quand cette même pression sociale a été ébranlée par plus de laïcité. Si l’on se fie à des sondages qui indiquent que, dans les pays industrialisés, un homme sur deux croit d’une façon ou d’une autre en un Dieu, on peut penser que, dans un avenir plus ou moins lointain, la moitié de l’humanité pourrait être « statistiquement » incroyante, au lieu d’environ 30 % aujourd’hui. Dans ce rééquilibrage, il est possible que dans les pays comme la Chine où il n’y a plus que de rares traces des religions, il apparaisse un jour un nouvel intérêt pour la vie spirituelle. Et comme les hommes au pouvoir ont davantage de contacts avec l’étranger, peut-être verra-t-on paradoxalement un jour des membres du parti prôner le retour à des valeurs spintuelles ou religieuses… Ils ont déjà admis l’économie de marché !
En revanche, la résurgence d’un athéisme virulent peut fort bien se produire dans des sociétés bloquées par la religion. A cet égard, un pays comme l’Iran, dont la population, plus nationaliste que religieuse, est excédée par le régime des ayatollahs, pourrait être le terrain privilégie d’une résurgence de l’athéisme.
Avenir de l’hindouisme
Rien n’interdit de penser que l’hindouisme durera autant que l’Inde éternelle. La plus vieille religion du monde est une composante si essentielle de la culture indienne qu’on voit difficilement ce qui pourrait en troubler le destin.
Pourtant tout évolue en ce monde, à un rythme plus ou moins rapide, et il serait étonnant que l’hindouisme échappe à cette loi… Nous avons déjà constaté quelques indices de nouveauté qui sont tous l’effet d’une inévitable ouverture sur l’extérieur :
-Certaines sectes d’inspiration hindouiste s’efforcent de mettre à la portée des Occidentaux une spiritualité, encore largement teintée d’exotisme.
– En revanche, des idées d’inspiration partiellement occidentale pénètrent progressivement la société hindoue. Celle-ci n’est plus exclusivement régie par la religion et l’on voit apparaître une culture scientifique, fort brillante, orientée vers le développement économique. Le sens de l’efficacité se substitue au respect des rites et, contrairement à ce qui se passe au Japon, l’adoption d’un mode de vie de l’ère industrielle ne s’accompagne que rarement du maintien des pratiques traditionnelles. Il y a donc une certaine érosion, encore faible, de l’hindouisme qui voit se détacher de lui les couches les plus instruites de sa population.
– L’institution de la démocratie conduit les dirigeants à une politique favorisant la majorité de la population, c’est-à-dire les castes inférieures et les sans-castes. Le prestige des brahmanes, encore très fort, ne peut qu’en être affecté à terme. Déjà les règles traditionnelles de pureté rituelle ne sont plus aussi scrupuleusement respectées et l’urbanisation accentue cette tendance.
– L’effritement de la société traditionnelle va de pair avec la pénétration de concepts religieux différents. On assiste ainsi à une modification insidieuse des croyances hindouistes qui glissent lentement vers des interprétations plus proches du monothéisme.
Il ne faut pas négliger cependant les capacités de résistance de l’hindouisme traditionnel. Au Madhya Pradesh par exemple, les lois de l’Etat interdisent toute tentative de conversion à une autre religion ; des prêtres des pasteurs sont parfois emprisonnés pour ce motif.
En résumé, l’hindouisme n’a pas lieu de s’inquiéter exagérément de son avenir. Il maintient aisément sa position de troisième religion du monde (900 millions d’adeptes, 15 % de la population du globe), nettement devant le bouddhisme, grâce à une forte natalité.
L usure que le contact avec le monde industriel pourrait provoquer
dans les croyances traditionnelles est grandement limitée par l’interprétation plus souple qui en est désormais donnée. Seuls certains sans-castes sont, en fait, tentés par les religions monothéistes, plus « égalitaires », ce phénomène reste encore marginal.
Avenir du bouddhisme
L’enseignement de Bouddha constitue bien évidemment la trame de fond de toutes les formes de bouddhisme. Cependant les trois courants majeurs de cette religion, Theravada, Mahayana et tantrisme, se caractérisent par des pratiques apparemment très différentes, à quoi s’ajoutent les formes récentes du bouddhisme japonais qui constituent les « nouvelles religions ».
Le bouddhisme présente ainsi la particularité de conserver encore vivantes toutes les formes de spiritualité auxquelles sa longue histoire a donné naissance.
A n’en pas douter, l’avenir ne se dessine pas de la même façon pour ces différents courants. Nul ne peut prédire ce que deviendra le tantrisme tibétain dont l’archaïsme ne résiste vraisemblablement que par l’isole¬ment des régions où il est pratiqué. Quant au bouddhisme Mahayana, il a subi en Chine continentale et au Viêt-nam les assauts victorieux des régimes communistes. Il reste aujourd’hui pratiqué par les Chinois de Hong Kong, de Singapour ou de Malaisie. Il s’y trouve menacé par l’indifférence religieuse, surtout dans les jeunes générations. C’est donc au Japon et, dans une moindre mesure, en Corée, que le bouddhisme Mahayana se porte le mieux grâce aux orientations modernes qu’il prend. Vraisemblablement sous l’influence du christianisme, plus précisément du protestantisme, Bouddha y est parfois présenté comme l’émanation d’un Dieu dont, jusqu’alors, le bouddhisme ne formulait pas l’existence.
Entre ce bouddhisme d’un type nouveau, rapidement évolutif, et les formes archaïques du bouddhisme tibétain ou chinois, le bouddhisme Theravada, tel qu’il est pratiqué par exemple au Sri Lanka ou en Thaïlande, semble constituer le bouddhisme le plus pur, tout au moins le plus conforme à l’idée que s’en font les Occidentaux.
La situation du bouddhisme contemporain étant ainsi rapidement remise en mémoire, quelle évolution peut se dessiner dans l’avenir ?
Par nature non violent et souvent même passif, le bouddhisme paraît mal armé pour la guerre idéologique. Son message de douceur et de paix, révolutionnaire à sa naissance, cinq siècles avant notre ère, a perdu de son originalité depuis l’avènement du christianisme. Le caractère très décentralise de sa hiérarchie le rend également vulnérable par rapport à des religions.
plus vigoureusement structurées. De plus, le bouddhisme est davantage une philosophie qu’une religion et il ne répond qu’insuffisamment à ceux qui sont hantés par la recherche d’un Dieu ou l’explication de l’univers.
Pourtant rien ne laisse penser que le bouddhisme doive continuer à reculer. Sa philosophie imprègne profondément l’Extrême-Orient et sa pratique religieuse y reste très vivante. Le rayonnement spirituel du dalaïlama a contribué à épurer le bouddhisme tibétain pour lui donner une aura de philosophie séduisante pour bon nombre d’Européens.
En fait, si l’on ne s’attache pas trop à quelques incohérences intellectuelles (pourquoi pratiquer le bouddhisme si tout n’est qu’illusion ?) la sagesse à laquelle il conduit, relativement proche de la morale des religions monothéistes, peut être considérée comme un des sommets de la philosophie « athée ». La force et la faiblesse du bouddhisme est en effet de pouvoir se passer de Dieu : c’est sa force parce qu’il séduira toujours ceux qui ne sont pas sensibles à la notion de révélation ; c’est sa faiblesse parce que, précisément, l’aspiration à la connaissance de Dieu est le propre de toute âme religieuse.
Le bouddhisme Theravada (Petit Véhicule) paraît donc plus logique avec lui-même et sa rigueur semble plus susceptible de résister à l’attrait des religions monothéistes. On peut en dire autant du zen, qui est incontestablement une discipline de l’esprit et qui attire la curiosité des Occidentaux. Ce sont toutefois les « nouvelles religions »japonaises, effort de synthèse originale entre le bouddhisme et le concept d’une religion révélée, qui méritent d’être étudiées attentivement. Le poids économique du Japon aidant, elles peuvent prendre une certaine extension dans les milieux de culture bouddhiste. Ce n’est pas un hasard si, après la réunion de prière en commun de différentes religions à Assise, une autre réunion du même type s’est tenue en août 1987 au mont Hiei, près de Kyoto au Japon.
Avenir du judaïsme
Le judaïsme a été la première religion monothéiste clairement affirmée. Il est indubitablement l’ancêtre du christianisme et de l’Islam, les deux religions les plus importantes du monde. En face de près de trois milliards de chrétiens et de musulmans, les treize ou quatorze millions de juifs paraissent ne pas peser lourd. Bien sûr, quantité ne signifie pas qualité et la vocation du peuple juif est peut-être de rester une minorité spirituellement et Intellectuellement forte qui serait comme un ferment dans la pâte de humanité en marche. De nombreux juifs seraient prêts à se satisfaire de et situation, bien dans la ligne de l’histoire du peuple élu de Dieu.
Cependant, en vertu du principe selon lequel qui n’avance pas recule le judaïsme ne risque-t-il pas d’être progressivement marginalisé ? Deux causes de déstabilisation risquent d’y contribuer : l’évolution démographique et le sionisme.
En ce qui concerne la démographie, la situation est alarmante aussi bien en Israël que dans la diaspora. D’après les évaluations statistiques de l’université hébraïque de Jérusalem (rapport Bacchi), le nombre de juifs hors d’Israël diminuera et n’atteindra plus que 5 millions en 2025. La raison en est une faible natalité générale et la multiplication des mariages mixtes. En effet, selon la Torah, seuls sont juifs les enfants d’une mère juive mais les juives épouses de non-juifs ont tendance à perdre leur pratique et à renoncer à leur religion.
En Israël d’autre part, la natalité diminue, les avortements sont nombreux (20 000 par an environ). Même les juifs séfarades, originaires du bassin méditerranéen, jadis plus féconds, voient leur natalité dangereusement fléchir.
Heureusement pour Israël, le mouvement d’immigration, Yalia, s’est brutalement développé avec l’effondrement de FU.R.S.S. et l’arrivée de plusieurs centaines de milliers de juifs soviétiques. Pour un temps, Israël a reçu un renfort exceptionnel de populations techniquement bien formées, mais pas toujours très pratiquantes.
Cela pose la question du sionisme qui est d’une autre nature. L’Etat d’Israël, enfanté dans la guerre en 1948, répond à l’antique aspiration des juifs de vivre sur la Terre promise que Dieu leur a confiée .
Le sionisme se place dans la continuité de l’histoire juive et intègre donc implicitement le fait religieux. Cependant, il est un mouvement essentiellement laïc. Il est le ciment de l’Etat d’Israël, bien plus que la religion.
D’ailleurs certains juifs religieux orthodoxes, qui sont eux-mêmes une petite minorité de 10 % des Israéliens, rejettent le sionisme soit à cause de son caractère laïc, soit encore parce que le retour du peuple juif en Israël ne doit se produire qu’à la fin des temps, sous l’autorité du Messie .
La situation est paradoxale : l’Etat d’Israël fondé sur la notion de peuple juif, c’est-à-dire sur une réalité religieuse, est rejeté par certains de ceux qui sont les plus rigoureux défenseurs de la religion traditionnelle. Pourtant le sionisme revivifie malgré tout la pratique religieuse, considérée comme un facteur supplémentaire d’unité nationale.
L’affirmation musclée d’un nationalisme dans cette partie du monde n’est pas sans risque. L’Etat s’est constitué aux dépens des Arabes, dont près de 800 000 ont la nationalité israélienne La cohabitation avec ces Arabes et avec les Etats environnants est le résultat d’un rapport de forces et non d’un consensus. On vit constamment au bord du drame. Hélas, rien ne permet d’espérer une négociation raisonnable entre les parties concernées, toutes sûres de leur bon droit. L’équilibre précaire existant a pu survivre à plusieurs guerres mais il reste très instable et personne ne peut prédire ce qu’il adviendra un jour de l’Etat d’Israël.
Pour ce qui concerne la religion juive, force est de constater que son avenir s’est lié, bon gré mal gré, à celui du sionisme : si la situation actuelle persiste, la façon de vivre le judaïsme restera majoritairement inspirée par le sionisme avec les blocages que cela implique dans les rapports avec les voisins arabes ; si, au contraire, le sionisme se solde dans l’avenir par un échec politique ou militaire, le judaïsme en sera profondément affecté ; ou bien il se repliera sur ses religieux les plus orthodoxes et perdra le rôle moteur qu’il a encore, ou bien il se diluera en se laissant à nouveau tenter par le judaïsme libéral d’avant-guerre. L’insécurité qui résulte de l’absence de solution du conflit avec les Palestiniens entraîne aussi un ralentissement du mouvement d’immigration, Yalia, de plus en plus compensé par des départs définitifs vers l’étranger.
Ces perspectives ne sont pas très réjouissantes pour les juifs et c’est pourquoi ils hésitent entre une politique de force à l’égard des Palestiniens et l’ouverture de négociations de paix véritables, prenant en compte les besoins vitaux des adversaires.
Peut-être peut-on penser cependant que l’attachement des juifs à la Terre promise sera un jour interprété dans un sens symbolique et spirituel. Seule une telle évolution pourrait, semble-t-il, faciliter la cohabitation des différentes religions dans les Lieux saints du monothéisme.
Après tout quel peuple est capable de comprendre mieux que le peuple juif les vertus de l’internationalisme ?
Avenir de l’islam
Toute recherche de ce que peut être l’avenir de l’Islam bute contre une difficulté fondamentale : pour la grande majorité des musulmans, le Coran étant la parole même de Dieu, la société qu’il institue est parfait« et toute évolution qui s’écarterait de ce modèle ne peut être que néfaste . C’est pourquoi il existe tant de mouvements « intégristes » dont l’objectif est de ramener la société vers une stricte observance des lois de l’Islam en rejetant toute contamination de l’Occident : scientisme, indifférence religieuse, morale permissive…
Pour ces musulmans, toute évolution devrait tendre vers un retour à une société totalement soumise au Coran.
La question qui se pose est de savoir si une telle évolution est crédible ou si, au contraire, d’autres facteurs ne pousseront pas le monde musulman dans un sens différent. Une telle hypothèse est évidemment rejetée pour des raisons de principe, par la majorité des musulmans, mais les faits sont parfois plus têtus que les principes et ce ne serait pas la première fois dans l’Histoire qu’une religion sûre d’elle-même serait amenée à reconsidérer certaines positions sans rien perdre toutefois de sa pureté.
Avec tous les risques que présente cet exercice, efforçons-nous de voir quels sont les facteurs qui risquent de provoquer une évolution involontaire de l’Islam.
Remarquons tout d’abord que les certitudes du catholicisme paraissaient aussi inébranlables jusqu’à la Réforme protestante : la remise en question de certaines d’entre elles n’a pas nui au christianisme, mais l’a, au contraire, conduit à des adaptations jugées aujourd’hui nécessaires. L’Islam n’a pas encore connu son protestantisme, mais il a fallu quinze siècles pour que le christianisme le secrète. Il n’y a donc pas de temps perdu pour l’Islam qui a encore un siècle devant lui pour rester dans les mêmes délais.
Remarquons également qu’est musulman celui qui adhère aux cinq « piliers » de l’Islam – profession de foi, pratique de la prière, de l’aumône, du jeûne du Ramadan et du pèlerinage à La Mecque – L’observation de ces obligations laisse de la place à différents comportements, différentes interprétations ou diverses formes d’organisation de la société. Par exemple, le modèle chiite, avec son clergé, ne ressemble pas, tant s’en faut, à l’Islam sunnite.
Ces préliminaires une fois posés, il faut bien constater que l’Islam est parfois mal à l’aise dans le monde moderne et qu’il n’évitera pas l’alternative consistant soit à rejeter ce qui le gêne, soit à s’y adapter.
Parmi les points de friction, on peut citer :
– la situation de la femme ;
– l’évolution des mœurs et l’extension de « l’hypocrisie » ;
– les problèmes politiques.