Le catholicisme : La confession
Si la pratique de la confession se retrouve dans de nombreuses religions antérieures au christianisme, « aucune religion n’a jamais accordé autant d’importance à la confession détaillée et répétée des péchés, ainsi que le catholicisme s’y est attaché » nous dit jean Delumeau (1990). Quels furent les résultats de cet extraordinaire effort entrepris par l’Eglise pour contrôler les hommes, pour les éduquer et par là pour instaurer ici-bas le Royaume des Cieux ? Quel impact
a pu avoir cette multitude d’examens de conscience, cette recherche permanente du seul bien sur le développement ?
La confession a connu une longue évolution au sein du monde catholique : son histoire montre les multiples difficultés qu’ont rencontrées les théologiens pour cerner l’objet de la confession, le péché. Au cours des temps la même faute apparaîtra tour à tour vénielle ou mortelle et son rachat demandera, selon les époques, quelques années de jeûnes ou quelques Ave Maria. Et cela en dépit des efforts désespérés des théologiens pour analyser chaque péché, le disséquer, en étudier toutes les variantes et tarifer les peines qu’ils méritent.
Théologiquement, la tâche était d’une importance primordiale : il s’agissait d’établir la nette séparation entre le véniel et le mortel, de déterminer le point limite à partir duquel le simple péché devenait condamnation définitive, rupture avec Dieu ; le point limite qui entraînait non plus une éternité de bonheur divin mais une éternité d’horreurs infernales. Malgré tous leurs efforts, les théologiens durent bien reconnaître que ce point limite restait très subjectif suivant les époques, les lieux et les confesseurs, ce qui ne faisait pas très sérieux pour les pauvres pécheurs angoissés : ceux-ci avaient souvent la désagréable impression que le ciel ou l’enfer dépendait davantage du confesseur que de Dieu.
Au cours des siècles le sacrement de confession évolua considérablement. Si Jésus – sans doute trop conscient des inextricables problèmes que pose ce sacrement – ne confessa jamais, l’Église catholique s’appuie sur certaines de ses déclarations pour établir que la confession est un sacrement : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur ] seront retenus ». Aux premiers siècles les péchés graves – idolâtrie, homicide, adultère… – étaient soumis à de lourdes peines publiques et humiliantes tandis que les péchés plus légers étaient rachetés par des prières, par le jeûne ou par la charité. Devant la sévérité i des peines, les pauvres pécheurs renâclèrent de plus en plus à se ^ confesser si bien que vers le Ve siècle, ne se confessèrent plus que les personnes au seuil de la mort. Devant une telle attitude, l’Église fut contrainte de changer la sienne : elle adopta alors la « confession auriculaire » renouvelable à souhait, et qui était « tarifée », c’est-à-dire qu’à chaque péché correspondait une pénitence que le fidèle devait exécuter avant de recevoir l’absolution. Le seul inconvénient de ce système rigoureux était que la durée des peines cumulées dépassait parfois celle de l’existence humaine… S’instaura alors la pratique du rachat des peines par l’argent : la confession devint marché et les prêtres marchands. Ce système disparut vers le XIIIesiècle où le « tarif » se réduisit à une offrande faite à l’Eglise
ou au confesseur, ce qui eut tendance à multiplier le nombre de confessions expéditives… C’est aussi à cette époque qu’apparut la pénitence consistant à partir en pèlerinage. Malheureusement, trop souvent si « les pèlerins pénitents étaient peut-être des pécheurs repentis, ils étaient sûrement des brigands » nous dit C. Vogel (1982).
C’est en 1215, sous Innocent III, que la confession annuelle devint obligatoire. Se répandent alors, parallèlement aux croisades, « les absolutions générales », bases des indulgences monnayées qui furent à l’origine de la Réforme. Les protestants se différencient, en effet, des catholiques au sujet de la conception de la confession et même du péché. Luther affirme que l’homme ne peut être entièrement conscient du mal ; que la contrition parfaite, exigée pour recevoir l’absolution, est impossible ; que la contrition imparfaite ou attrition résultant de la peur de l’enfer n’est qu’hypocrisie et constitue un péché de plus… D’autre part, il nie à l’homme en général et au prêtre en particulier le droit d’accorder le pardon qui relève de Dieu seul. L’Eglise catholique ne pouvait que réagir contre cette remise en question radicale de son pouvoir et, par le concile de Trente, elle réaffirma ses positions traditionnelles sur la confession. De plus, le péché, qui jusqu’alors avait un caractère éminemment social, devint un fait personnel, une offense directe faite à Dieu. « Cet événement culturel se révélera par la suite déterminant pour la formation des différents caractères nationaux ». Chez les catholiques, en effet, le sens de la responsabilité sociale semble moins « essentiel » nous dit Giordano Bruno Guerri (1995) dans son Enquête sur les mystères du confessionnal.
Nous l’avons vu au chapitre précédent, les performances sociales des protestants sont toujours supérieures à celles des catholiques. La clef de ce mystère réside-t-elle dans les mystères du confessionnal ? Pour les connaître, Guerri n’a pas hésité à se « confesser » avec des collègues auprès d’une centaine de prêtres. Les résultats de ces confessions sont très éclairant sur la mentalité des prêtres, en général il est vrai, assez âgés. Dans la plupart des cas, ceux-ci se montrent beaucoup plus sévères pour les péchés relevant de la conduite personnelle, de la sexualité, du mariage, du divorce que pour ceux relevant de la vie sociale tels le vol, la fraude, la pollution ou même l’homicide. Ainsi, les prêtres condamneront certes le trafic de drogue ou l’ajout d’éléments cancérigènes dans les produits alimentaires, mais ils jugeront beaucoup plus sévèrement l’adultère ou la cohabitation avant le mariage. Le pardon sera très (trop ?) facilement donné au fraudeur, au corrompu, au trafiquant, au pollueur mais il sera refusé aux concubins ou aux traducteurs d’œuvres anticléricales. Les confesseurs « sont, en définitive, très préparés et
déterminés à lutter contre les péchés qui heurtent les dix commandements, en revanche, leurs efforts sont moindres lorsqu’il s’agit de dissuader les pénitents de commettre des péchés concernant la société civile. Ils attachent donc davantage d’importance à une éducation morale et à la défense de l’Église qu’à une formation éthique » nous dit Guerri. Les résultats semblent lui donner raison.
Enfin la sexualité a toujours eu et joue toujours un rôle prépondérant dans la confession : la très grande majorité des péchés confessés sont d’origine sexuelle, ce qui n’est pas étonnant si l’on tient compte, d’une part, qu’il est plus courant d’avoir une « pensée impure » que de commettre un homicide et, d’autre part, que depuis deux mille ans l’Église a multiplié les occasions de pécher en multipliant les interdits. Il y a quelques années, dans un hôpital catholique une femme âgée était au seuil de la mort. Lorsqu’une infirmière lui demanda si elle désirait voir un prêtre pour se confesser, elle eut cette réponse étonnante : « Mais que pourrais-je lui dire ? Je suis veuve depuis plus de vingt ans ! » « L’Eglise horrifiée mais fascinée osa décrire, classifier, tarifer toutes les postures, toutes les pratiques, des plus perverses aux plus extravagantes, de l’acte sexuel. Ces renseignements minutieux, incroyablement scabreux, étaient consignés dans les manuels. Ainsi documenté, le confesseur pouvait intervenir dans la vie des fidèles et distribuer les pénitences » nous dit Guy Bechtel (1994) qui attribue en partie l’actuelle désaffection que connaît le christianisme au fait qu’un jour « les catholiques n’ont plus voulu raconter leurs péchés d’amour à de vieux célibataires enfermés dans des cages en bois ».
Vidéo : Le catholicisme : La confession
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