Le catholicisme : L'encyclique Humanae vitae
Le changement nécessaire fut hésitant, tâtonnant. Il est vrai que l’évolution des techniques anticonceptionnelles ne facilita pas la tâche des théologiens plus portés sur les écrits de Saint Augustin que sur la physiologie. D’autre part ils prirent sans doute le temps de calculer les conséquences d’une croissance débridée de la popu
lation. Toujours est-il qu’en 1951 Pie XII « réintègre officiellement le plaisir dans la sphère conjugale » et parle de « régulation des naissances ». Mais pour arriver à cette fin, il autorise les seuls moyens qu’en bon célibataire il trouve naturel, à savoir l’utilisation des périodes stériles, définies tout récemment par Ogino. Arrive alors la pilule et, en 1958, Pie XII condamne l’emploi des procédés contraceptifs mécaniques ou chimiques qui créent d’artificielles périodes stériles. L’Eglise va alors débattre en son sein des moyens anticonceptionnels licites ou illicites et de l’influence positive qu’ils peuvent avoir sur la diminution des avortements. Jean XXIII chargera une commission de réexaminer l’attitude de l’Église vis-à-vis de la morale sexuelle et le bruit courut qu’elle allait adopter une attitude plus ouverte. Mais arriva alors Paul VI qui déclara, très embarrassé, au sujet du contrôle des naissances : « Parler est un véritable problème ». Il nomma de nouveaux experts dans la commission dont 64 des 68 membres estimèrent qu’il était possible et souhaitable que l’Église assouplisse sa position sur sa « morale » matrimoniale (Yallop, 1984). Mais sous l’influence de la curie, Paul VI ne tint aucun compte de cet avis. Il décida de prendre en main cet épineux problème et avec quelques hommes de « confiance » parmi lesquels figurait, suivant l’écrivain américain Tad Szulc, un certain Karol Wojtyla (L.B. du 2 mai 1995), il rédigea et publia l’encyclique Humanae vitae.
Dans ces conditions s’explique la curieuse insistance du pape à maintenir les aberrations et les contradictions de cette encyclique : Jean-Paul II ne peut renier Karol Wojtyla. Aberration quand l’encyclique condamne la contraception au même titre que l’avortement, ce qui revient à dire que l’avortement n’est pas plus grave que l’utilisation de la pilule ou du préservatif. Préservatif tellement abominable que, suivant Jean-Paul II, un hémophile contaminé par le virus du sida péchera moins en contaminant son épouse qu’en l’utilisant. Comme le dit la théologienne Ranke-Heinemann (1988) : « La morale sexuelle catholique est devenue une morale de l’horreur ». Mais aussi contradiction quand l’encyclique Humanae vitae parle maintenant de parenté responsable et autorise pour cela les couples à utiliser la méthode Ogino, c’est-à-dire à rechercher, pour s’unir, les périodes où la femme n’est pas féconde. Ceci est tout à fait contraire à l’esprit et à la lettre de l’encyclique Casti connubii qui affirme : « ceux qui (en accomplissant l’acte du mariage) s’appliquent délibérément à lui enlever sa force et son efficacité […] Font une chose honteuse et intrinsèquement déshonnête ». Pour ne pas donner l’impression de contredire leurs prédécesseurs les auteurs de l’encyclique Humanae vitae vont avoir le génie de détourner l’attention du public vers une nouvelle subtilité théologico
sexuelle : sont admises les méthodes contraceptives naturelles souvent inefficaces mais pas les méthodes chimiques ou autres qui, elles, le sont. Et le comble de l’absurde est atteint : précédemment les méthodes anticonceptionnelles étaient logiquement interdites parce que la limitation des naissances était « intrinsèquement dés- honnête » ; maintenant cette limitation est autorisée mais les méthodes anticonceptionnelles efficaces sont toujours interdites !
Jean-Paul II lui même ne semble pas fixé sur les raisons théologiques profondes séparant le naturel de l’artificiel vu qu’il a adressé un appel pressant aux théologiens pour « examiner et approfondir la différence à la fois anthropologique et morale qui existe entre la contraception et l’application de la méthode du rythme » (Ranke- Heinemann, 1988). Les théologiens, pourtant hommes de ressources comme l’ont prouvé leurs théories sur l’usure, auront bien du mal à trouver des explications théologiques à un problème créé de toute pièce pour des raisons politiques et psychologiques : un pape ne peut pas désavouer – trop rapidement – un prédécesseur et encore moins se désavouer.
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