le confucianisme : le maître a dit
Plutôt qu’une religion, le confucianisme est une morale, une voie de perfectionnement lancée consciemment et volontairement par « Maître Kong » un demi millénaire avant Jésus-Christ afin d’assurer « l’ordre social, la paix et la prospérité » dans une société majoritairement constituée de paysans illettrés travaillant pour le compte de leur seigneur. Les rares marchands et artisans étaient carrément méprisés tandis que la femme était bien peu considérée : « De l’eunuque, de la femme, n’attendez ni leçons, ni conseils ».
Contrairement aux fondateurs des grandes et moins grandes religion
inspiré, ni un habile tribun mais simplement un homme se voulant éducateur, aimant la musique et les rites, connaissant le désespoir mais pratiquant l’humour et étant à ses heures de loisirs « l’homme le plus détendu et le plus souriant du monde ». Le livre fondamental du confucianisme, les Entretiens (Cheng, 1981), est constitué de brefs dialogues entre le Maître et ses disciples aux personnalités variées et tranchées. Le ton est plutôt badin, sans envolées lyriques de type prophétique ou apocalyptique. Pas non plus de condamnation définitive, d’enfers éternels ni d’ailleurs de paradis céleste. Au plus y a-t-il une Voie à suivre, non pas celle taoïste consistant à retrouver la communion originelle entre les êtres et les choses, mais bien plus simplement la Voie des anciens, c’est-à-dire la sagesse des grands rois plus ou moins mythiques de l’antiquité.
L’enseignement de Confucius se veut pratique, efficace. 11 attache une grande importance à l’étude. Les Entretiens commencent même par « Etudier une règle de vie pour l’appliquer au bon moment, n’est-ce-pas source de grand plaisir ?» (I, 1). Confucius s’occupe du politique, du bon gouvernement sans se soucier de questions métaphysiques : « Tant que l’on ne sait pas ce qu’est la vie, comment peut-on savoir ce qu’est la mort ? » (XI, 11). Mais cela ne l’empêche pas de croire à la puissance de l’esprit : pour le Maître, le politique trouve son fondement dans la morale. Le chef, le prince, l’empereur doivent être des hommes de haute valeur morale, des hommes qui tendent vers le Souverain Bien, vers le Ren. Ce mot indéfinissable revient souvent dans les Entretiens. Il est à la base de l’éthique confucianiste ; on pourrait le traduire par le bien que l’on peut faire à autrui. « Ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse, ne l’inflige pas aux autres (XV, 23) et « Puise en toi l’idée de ce que tu peux faire pour les autres – voilà qui te mettra sur la voie du Ren ! » (VI, 28). Enfin, à la question « Qu’est-ce que le Ren », le Maître répond « C’est aimer les hommes » (XII, 22) ; mais il est vrai qu’il n’en donne pas toujours la même définition.
Sans doute cet amour humain doit-il être quelque peu organisé pour engendrer une société harmonieuse. Pour Confucius les relations de la société se conçoivent à partir du modèle familial : le fils doit respecter son père, la femme son mari, l’élève son maître, le chef de famille doit allégeance au représentant local de l’autorité et celui-ci la doit à l’Empereur : « Rares sont ceux qui, exemplaires à l’égard de leurs parents et de leurs aînés, tendent à se monter contre leurs supérieurs, et à plus forte raison à fomenter des rébellions » (I, 2).
Pour Confucius « L’homme de bien a souci de neuf choses :
- il s’applique à bien voir ce qu’il regarde ;
- et à bien entendre ce qu’il écoute ;
occidentales, Confucius n’est ni un dieu, ni un prophète
- il a le souci de respirer la bienveillance dans son expression ;
- la déférence dans ses manières ;
- l’honnêteté dans ses paroles ;
- le sérieux dans son travail ;
- dans le doute, il demande conseil ;
- dans un accès de colère, il pense aux conséquences ;
- dans la perspective d’un profit, il garde le souci du Juste. » (XVI, 10).
Si certaines des qualités demandées à « l’homme de bien » se retrouvent dans la plupart des religions – honnêteté, sérieux… — il est remarquable que Confucius commence son énumération par deux qualités souvent ignorées des religions prophétiques qui ont plutôt tendance à demander à leurs fidèles de prêcher que d’écouter : « O toi Apôtre ! Prêche ce qui t’a été révélé par ton Seigneur » (Coran 5, 71) ; « Et si l’on refuse de vous accueillir et d’écouter vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville en secouant la poussière de vos pieds » (Mt. 10, 14). Regarder et écouter : ces qualités n’ont pas été oubliées dans le monde confucianiste et ont joué un rôle important dans ses capacités à copier l’Occident, parfois même dans ses défauts.
Le Maître insiste aussi sur la nécessité de respecter les rites, ce qui lui a souvent valu, à différentes époques et encore aujourd’hui, d’être considéré comme un conservateur invétéré. Pourtant la lecture des Entretiens révèle plutôt un Confucius non dogmatique : «Je ne suis jamais inconditionnel sur ce qu’il est possible ou impossible de faire » (IV, 10). Pour le Maître, les rites sont importants uniquement parce qu’ils imposent un certain ordre dans la société en hiérarchisant les rapports entre individus. Mais il est davantage préoccupé par l’esprit du rituel que par la lettre et le dit d’ailleurs clairement : « Dans les affaires du monde, l’homme de bien n’a pas une attitude rigide de refus ou d’acceptation. Le juste est sa règle » (IV, 10). Mais, pour Confucius, le «juste » change suivant les circonstances : il n’y a pas de critères absolus, de divines lois définitives gravées dans la pierre. Ainsi le rituel doit s’adapter aux circonstances et le Maître cite lui-même des rites qu’il estime devoir garder et d’autres qu’il convient de modifier.
Les recommandations des Entretiens se veulent sages, raisonnables : le Maître craint les solutions extrêmes. Pour lui, il n’est pas question de rendre le bien pour le mal sinon « Comment répondrez-vous alors à la vertu même ? » (XIV, 36). Dans son époque troublée, Confucius s’est efforcé de donner le pouvoir aux sages, aux hommes de bien afin qu’ils gouvernent dans l’intérêt du peuple et avec sa collaboration.
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