Le harrisme
Cette religion a été fondé par William Wade Harris Wury, né en 1865 au Libéria. De famille animiste, il fréquenta l’école méthodiste et fut baptisé dans cette confession. Une existence variée au cours de laquelle il fut prêcheur méthodiste et marin de commerce l’amena à prendre des positions politiques telles qu’il fut emprisonné. C’est pendant son incarcération, en 1912, qu’il fut visité par l’archange Gabriel ; celui-ci lui ordonna d’évangéliser ses frères.
Libéré, il s’expatria en Côte-d’Ivoire où sa prédication eut un très grand succès. Il réussit à ne pas inquiéter les autorités coloniales françaises, son message n’ayant rien de subversif. Expulsé cependant en 1915, il recommanda à ses fidèles de se rallier soit au catholicisme, soit au protestantisme. Certaines communautés refusèrent et le mouvement fut relancé en 1929 par John Ahui, modestement d’abord, puis plus vigoureusement en 1954, après une nouvelle autorisation de l’administration.
Les cérémonies du culte ressemblent beaucoup à celles des méthodistes. La doctrine insiste vigoureusement sur la suppression des idoles animistes et rejette tout syncrétisme avec les religï0ris traditionnelles.
Les fidèles s’habillent de blanc pour aller au temple et les femmes s’y couvrent la tête d’un foulard de même couleur. Il n’y a pas de prêtres à proprement parler, mais un prédicateur, en soutane et coiffe blanches avec étole noire. Outre l’office du dimanche, ]es fidèles viennent au temple quatre fois dans la semaine. Il n’y a pas de communion mais des confessions. Les chants sont en langue locale. Les prédicateurs reçoivent une année de formation auprès du « prédicateur suprême », à Grand-Bassam.
Le harrisme est en développement rapide. Il compte largement une centaine de milliers de fidèles, il s’implante déjà au Ghana et au Libéria et, par le biais des travailleurs voltaïques immigrés en Côte-d’Ivoire, atteindra bientôt le Burkina-Faso. Le harrisme est, avec le catholicisme, le protestantisme et l’Islam, l’une des quatre religions reconnues officiellement par le gouvernement de Côte- d’Ivoire.
Si les Eglises locales africaines sont les plus nombreuses, d’autres Eglises d’origines diverses ont déjà pris une importance considérable.
Nous présenterons deux d’entre elles qui n’ont en commun qu’un remarquable sens de l’organisation et de l’efficacité :
– l’Iglesia ni Kristo, originaire des Philippines,
– l’Eglise des saints des derniers jours, plus connue sous le nom d’Eglise des Mormons.
Une église locale : Iglesia ni Kristo
C’est aux Philippines, seul pays d’Asie majoritairement catholique, qu’a été fondée en 1914 par Félix Manalo (mort en 1963) l’originale Iglesia ni Kristo ‘. Cette Eglise est assez puissante pour disposer aujourd’hui d’un lieu de culte dans presque toutes les villes du pays ; Manille en compte 70. Iglesia ni Kristo est également présente là où les communautés philippines sont importantes comme aux Etats-Unis ou chez les travailleurs émigrés au Moyen-Orient. Le nombre de ses fidèles est difficile à déterminer ; ils seraient près de 4 millions, soit 7 % de la population. Le dernier chiffre est plus vraisemblable, peut-être même est-il sous-estimé si l’on n’exclut pas des doubles appartenances possibles avec l’Eglise catholique.
La doctrine d’Iglesia ni Kristo est pourtant fort peu catholique. Elle se rattacherait plutôt à l’hérésie arianiste qui a profondément divisé l’Eglise siècle puisqu’elle nie la divinité du Christ et l’existence de la Trinité. au 1% ..condamnation des idoles dans la Bible est interprétée avec de rigueur que le symbole de la croix lui-même est proscrit. Cette 13111 ( larité rend aisément reconnaissables les églises du mouvement qui d’ailleurs toutes construites sur le même modèle. urne dans de nombreuses Eglises protestantes, le baptême est réservé aux adultes mais se pratique en une seule immersion. En revanche,
le divorce n’est pas admis.
Les services hebdomadaires ont lieu le jeudi et le dimanche soir.
Le culte alterne lectures bibliques et hymnes. Le chœur, placé derrière les officiants, est composé de plusieurs dizaines de chanteurs et chanteuses tous vêtus de blanc. Les chants, très beaux, sont d’une mélancolie solen¬nelle inattendue sous les tropiques. L’assistance fait face au chœur, les hommes à gauche et les femmes à droite.
Les fêtes les plus solennelles sont « Holy supper », la Sainte Cène, célébrée le Jeudi saint et le « Thanks giving », cérémonie d’actions de grâce qui a lieu à la fin de l’année.
La vitalité de l’Eglise est, pour une bonne part, due à la solidarité dont elle témoigne pour ses fidèles. Ceux qui sont dans le besoin reçoivent dons ou prêts, substituts des prestations sociales inexistantes. Pourtant ce service n’est pas gratuit et les contributions des fidèles, fortement sollicités, peuvent attendre 10 % de leurs revenus. Certains estiment que le régime du président Marcos avait soutenu financièrement Iglesia ni Kristo pour combattre l’influence gênante de l’Eglise catholique.
Le plus curieux est le contrôle véritablement disciplinaire exercé par Iglesia ni Kristo sur ses fidèles : chacun d’entre eux doit pointer quand il participe au culte et dispose à cet effet, comme un ouvrier d’usine, d’une fiche individuelle placée sur un tableau à l’entrée du temple.
Dès qu’une absence est constatée, des responsables s’enquièrent de sa raison. Les négligences sont réprimandées et punies d’amendes, quant aux fautes graves, elles entraînent l’expulsion.
Les mormons
Les mormons constituent la plus étonnante des Eglises importantes qui se rattachent, au moins historiquement, au christianisme.
n vérité, si l’inspiration et les références chrétiennes sont évidentes ans cette Eglise dite « Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers on y constate tant d’originalité dans les croyances et les pratiques Le, beaucoup hésitent à la rapprocher du christianisme.Des mormons est puissante, riche, très soudée, et elle déborde un terri tiare des Etats-Unis où elle est née. Les mormons ont esprit missionnaire et sont fort bien organisés. On compte
près de 9 millions de mormons dans le monde dont la moidé aux Etats-Unis, 2,8 millions en Amérique Latine et environ 30 000 en France. Les instances supérieures des mormons sont à Sait Lake City, capitale de l’Etat quasi-désertique de l’Utah qu’ils ont remarquablement développé.
L’Eglise des saints des derniers jours n’a guère plus d’un siècle et demi : la première communauté de mormons a été fondée par Joseph Smith en 1830 dans l’Etat de New York et la naissance de cette religion mérite d’être relatée.
Quatrième des dix enfants d’une famille de paysans pauvres, Joseph Smith est né en 1805 dans le village de Sharon, dans le Vermont, aux Etats- Unis. Il eut une première vision en 1820 qui lui révéla sa vocation de prophète. Trois ans après, le 21 septembre 1823, un ange appelé Moroni lui apparut et lui parla d’un mystérieux livre où est racontée l’histoire des premiers habitants de l’Amérique ainsi que les voies de la vie éternelle. D’après l’ange, ce livre, écrit sur des feuilles d’or en écriture égyptienne antique « réformée », était enterré près du village de Manchester, dans l’Etat de New York, mais l’heure n’était pas encore venue de l’exhumer.
Lors d’une autre vision en 1827, l’ange lui remit enfin le livre et la façon de s’en servir, mais pour une brève période de temps ; Smith trouva des cristaux placés par Dieu à son intention qui lui servirent de lunettes à déchiffrer l’écriture égyptienne. Il put ainsi dicter en anglais à trois de ses compagnons l’ensemble du texte de ce livre extraordinaire que seuls Smith et deux groupes successifs de trois et huit compagnons ont pu voir.
Le texte du Livre de Mormon rappelle l’Ancien Testament dont on trouve près de 400 citations littérales. On y trouve aussi le « sermon sur la montagne », partie centrale de l’Evangile, mais dans un contexte historique différent.
La notion de péché originel est rejetée par les mormons et les enfants de moins de huit ans sont considérés comme sans péchés.
Les mormons n’admettent pas la prédestination ; ils ont, dans leur courte histoire, hésité entre le monothéisme et le polythéisme, car Smith, qui connaissait un peu d’hébreu, était troublé par le mot « elohim » qui signifie Dieu et est grammaticalement un pluriel.
En ce qui concerne la morale sexuelle, si le livre de Mormon considère la polygamie comme un péché grave, Smith changea d’avis et eut entre 27 et 49 épouses, selon les informations. Les éditions ultérieures du Livre de Mormon admirent donc le mariage pluriel. Mais, après que le Congrès américain eut voté en 1862 une loi contre la polygamie, le président de l’Eglise des mormons adopta à nouveau une position officielle contre cette pratique, mais seulement en 1890.
Revenons à la merveilleuse histoire du Livre des Mormons : on y conte qu’à la suite de l’échec de la construction de la tour de Babel, le peuple des Jarédites, dont personne ne connaissait l’existence avant le livre, s’en alla occuper l’Amérique d’où ils furent progressivement repoussés par des Israélites. Ceux-ci atteignirent la côte du Pacifique vers 590 avant notre ère. Ces peuples, devenus américains, se divisèrent en Néphites respectueux de Dieu, et Lamanites, sans foi ni loi. Malheureusement, ces derniers finirent par écraser les Néphites et le dernier prophète de l’Ancien Testament, un Néphite nommé précisément Mormon, écrivit le Livre avec son fils Moroni pour les générations à venir qui redécouvriraient l’Amérique.
On y apprend aussi que le Christ ressuscité est venu pour apporter également son message aux Américains d’avant Colomb. C’est pourquoi le sermon sur la montagne réapparaît dans d’autres circonstances.
Certains historiens se sont demandés si le mouvement mormon n’avait pas été partiellement inspiré par l’exemple de l’Islam où, également, un livre sacré venu du ciel donne à un prophète mission de bâtir une nouvelle société.
Toujours est-il que le Livre de Mormon eut, dès sa parution, un remarquable succès, peut-être en partie causé par le désir refoulé des Américains d’avoir une Histoire ancienne.
Le Livre de Mormon engendra aussi un intérêt pour l’égyptologie Champollion ne vint à bout de la lecture des hiéroglyphes qu’en 1824.
Joseph Smith eut moins de succès que son livre : accusé de petits délits et incarcéré à la prison de Carthage, il en fut extrait par des opposants excités qui l’abattirent. Ce martyre contribua à persuader les Mormons que le destin de leur prophète était semblable à celui de Jésus-Christ.
Sous l’impulsion d’un chef de très forte personnalité, Brigham Young, le peuple des mormons, composé d’environ 12 000 personnes, émigra vers l’ouest et s’enfonça dans des terres inconnues jusqu’au moment où Young s’arrêta au bord du Grand Lac Salé de l’Utah. Ils y construisirent leur temple en granité blanc. Leur esprit d’entreprise et d’abnégation ont fait de ce désert une ville moderne et verdoyante.
L’Eglise des mormons est dirigée par un « président prophète et voyant », assisté de deux conseillers et de douze apôtres. L’organisation est très stricte et compte des évêques, des grands prêtres, des prêtres et des missionnaires. Ceux-ci sont environ 30 000 répartis dans 150 missions du monde ; ils assurent plus de 100 000 conversions par an. L’implantation des mormons en France date de 1866 et en Angleterre de 1837.
Les mormons versent scrupuleusement 10 % de leurs revenus à leur Eglise et acceptent volontiers de passer environ deux ans comme missionnaires dans le monde.
Parmi les activités pieuses remarquables de l’Eglise des mormons, on ne peut manquer de citer le baptême des morts : chaque fidèle peut faire baptiser rétrospectivement des ascendants, aussi lointains soient-ils, sous réserve d’en fournir l’état civil exact à l’Eglise. Les mormons s’évertuent donc à relever dans toutes les villes et localités du monde les noms de tous les êtres humains dont ils peuvent trouver le nom. Ceux-ci sont répertoriés dans le grand ordinateur dont s’est doté l’Eglise. Dieu se souviendra ainsi d’eux le jour de la résurrection des morts.