Le voile se lève
Le voile se lève
On a ainsi relu toute la vie de Jésus à la lumière des textes d’Isaïe sur le Serviteur. Tout s’éclairait : qui dit serviteur dit service pour commencer ; et la mission du Serviteur dont parlait Isaïe était une mission de salut, de guérison : n’était-ce pas précisément l’activité principale de Jésus ? « Il guérit tous les malades pour que s’accomplisse ce qui avait été
dit par le prophète Isaïe : C’est lui qui a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies », note Matthieu (Matthieu 8, 17 citant Isaïe 53, 4). Comme le Serviteur, encore, Jésus était soutenu en permanence, inspiré par l’esprit de Dieu ; voici le souvenir qu’on avait gardé de son baptême par Jean-Baptiste dans le Jourdain : « Dès qu’il fut baptisé, Jésus sortit de l’eau. Voici que les cieux s’ouvrirent et il vit l’esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui » (Matthieu 3,16). Un autre trait de caractère d’un véritable serviteur, c’est le courage : on se souvient qu’Isaïe, à ce propos, avait employé l’expression : « J’ai rendu mon visage dur comme pierre » (Isaïe 50, 7)1.
Luc a si bien fait le rapprochement entre Jésus et le Serviteur d’Isaïe qu’il reprend exactement le même vocabulaire ; quand Jésus entreprend sa montée vers Jérusalem où il va subir sa passion, Luc écrit (en grec) : « Jésus durcit sa face pour se rendre à Jérusalem » (Luc 9, 51). Enfin, le vrai Serviteur de Dieu est en permanence à l’écoute de la parole de Dieu ; là encore, Jésus répondait trait pour trait à la définition : lui aussi avait choisi de mettre sa vie sous l’autorité de la Parole de Dieu, et elle seule ; c’est ainsi qu’il avait résisté aux tentations du diable, en répondant à chaque fois « Il est écrit » ; et ses disciples ont pu témoigner que bien des fois, il fuyait la nuit tout seul dans la montagne, pour prier, et on ne le retrouvait qu’à l’aube ; un jour, il avait même reconnu que la parole de Dieu lui était plus précieuse que la nourriture (Jean 4, 32).
On pourrait multiplier les rapprochements : tout lecteur qui connaît les quatre Chants du Serviteur d’Isaïe en entend des échos dans de très nombreux passages du Nouveau Testament ; les évangiles mais aussi les lettres, les Actes des Apôtres et l’Apocalypse fourmillent de citations et surtout d’allusions au vocabulaire et aux images des Chants du Serviteur.
La conviction des premiers chrétiens était donc faite : oui, Jésus était bien le Messie attendu ! Mais quel chemin pour en arriver là.