Les attributs et accessoires des divinités
Dans la catégorie traditionnelle des mudrâ avec forme (jap. ugyô-in), les mains des divinités sont pourvues d’attributs divers qui symbolisent les vertus et les pouvoirs (aussi bien matériels que spirituels) de ces divinités. Ces attributs ou accessoires, lakshana (jap. jimotsu ) ou chihna, « emblèmes » (aussi appelés dhvaja, « étendard »), peuvent, pour la commodité de notre description, être rangés en plusieurs catégories, tout au moins pour les plus importants d’entre eux : les lotus (padma), les foudres (vajra), les clochettes (ghanta), les roues (chakra), les armes (âyudha), les vases (kalasha), les bâtons ou massues (gada), les instruments et accessoires de culte typiques de certaines sectes. La liste que nous donnons ici ne saurait cependant être exhaustive, ces attributs étant extrêmement nombreux et variant selon les sectes et les régions. L’art du bouddhisme des écoles du Sud n’utilise qu’un nombre restreint de ces attributs. En effet, les effigies du Bouddha n’en comportent aucun. Celles des Bodhisattva se réduisent en général à une fleur de lotus, et parfois, dans le cas de Bhaishajyaguru, à une branche de saule ou un pot à onguent. En revanche, les sectes du Mahâyâna ont utilisé une grande quantité de ces « signes ».
Les Lotus (padma ; jap. renge ; chin. lianhua)
Les lotus sont des symboles de régénération « spontanée » (svâyambhû) et symbolisent à ce titre la naissance divine. Selon le Lalîtavistara, « l’esprit du meilleur des hommes […] est sans tache, comme le lotus nouveau dans l’eau boueuse qui n’adhère pas à lui », et, selon Tajima Ryôju, « dans le bouddhisme ésotérique, le cœur des êtres est comme un lotus non ouvert : quand s’y développent les vertus du Bouddha, le lotus s’épanouit ; c’est pourquoi le Bouddha siège sur un lotus bien épanoui ». Dans le tantrisme, il est le symbole du principe féminin et, dans le shaktisme, il représente le sexe féminin car, selon le Shatapatha Brâhmana, la feuille de lotus symbolise la matrice. Les lotus sont généralement différenciés par leur couleur et par leur groupement, en trois ou cinq fleurs, associées ou non avec des feuilles.
Le lotus blanc (pundarîka ; jap. byakurenge)
Il symbolise la pacification de notre nature et la Bodhi, l’état de pureté mentale totale et de perfection spirituelle. Il a généralement huit pétales correspondant au Noble Octuple Sentier de la Doctrine. C’est lui qui se trouve au cœur du mandala du Garbhadhâtu, étant la matrice ou l’embryon du monde. C’est donc le lotus des Bouddha.
Le lotus rouge (kamala ; jap. gurenge)
Il symbolise la nature originelle du cœur (hridaya). C’est le lotus de l’amour, de la compassion, de la passion, de l’activité et de toutes les qualités du cœur ; c’est le lotus d’Avalokiteshvara.
Le lotus bleu (utpâla, nîlotpâla ; jap. seirenge, shôrenge)
C’est le symbole de la victoire de l’esprit sur les sens, de l’intelligence et de la sagesse, de la Connaissance. C’est celui qu’arbore Manjushrî. Il est également Un des attributs de Prajnâpâramitâ, la « Toute Sagesse ». Ce lotus bleu est toujours représenté en bouton plus ou moins épanoui, et on ne voit jamais son centre, contrairement au lotus rouge.
Le lotus rose (padma ; jap. renge ; chin. lianhua)
C’est le lotus suprême, en général réservé à la plus haute divinité, parfois confondu avec le lotus blanc (bien que ce dernier soit caractéristique des sectes ésotériques). C’est le lotus du Bouddha historique.
Le lotus pourpre (kamala ?; jap. shirenge)
C’est le lotus mystique, uniquement représenté dans les images appartenant à quelques sectes ésotériques.
Ces fleurs de lotus peuvent être largement épanouies et montrer leur cœur (jap. kairenge), ou en bouton (jap. jirenge). Elles peuvent être supportées par une tige simple, triple (symbolisant les trois divisions du Garbhadhâtu : Vairochana, lotus et vajra) ou quintuple (symbolisant les Cinq Connaissances du Vajradhâtu). Les huit pétales représentent le Noble Octuple Sentier et les huit principales divinités acolytes de la divinité centrale sur les mandala. Les fleurs de lotus peuvent également être présentées sur une coupe ou un plateau, en symbole d’hommage (jap. rengedaï). A la place d’une fleur de lotus, il arrive que certaines divinités, comme Bhaishajyaguru ou Avalokiteshvara, tiennent à la main une branche de saule (représentant la médecine) ou une grappe de raisins, ou encore une autre fleur (ce qui est rare). Les plantes et les fleurs autres que celles-ci ne sont pas attribuées aux divinités mais aux saints personnages et acolytes.
Les foudres (vajra ; tib. rdo-rje ; jap. kongô-sbo ; chin. jingangchü)
Les vajra ou « foudres » ont une origine lointaine (on les rencontre sur des effigies mésopotamiennes) et mal définie. On ignore comment ils en sont venus à symboliser, dans le bouddhisme, les forces spirituelles et la fermeté de l’esprit. Peu utilisés en Inde même, ils furent surtout employés par le bouddhisme tantrique au Tibet, et dans les sectes ésotériques chinoises et japonaises. Peut-être peut-on les rapprocher des tridents, souvent utilisés en Inde pour symboliser la puissance. C’est l’arme favorite d’Indra dans le panthéon hindou, grâce à laquelle, suivant la tradition bouddhique, il pourfend les ennemis de la Loi bouddhique. Le vajra représente dans nombre de sectes tantriques (et notamment dans le shaktisme) l’organe mâle, géniteur, et est alors souvent associé à la fleur de lotus et à la clochette (gantha), contreparties bouddhiques du linga et de la yoni hindous. C’est le diamant des sectes ésotériques, la Vérité qui ne peut être détruite par aucune force ni par aucune arme. Il symbolise (en tant qu’arme absolue) la puissance victorieuse de la Connaissance sur l’ignorance, celle de l’esprit sur les passions. « Le vajra symbolise la Connaissance comme la fleur de lotus la raison innée. » Il est censé annihiler les poisons spirituels et être une arme efficace contre les mauvaises pensées et les désirs. Les vajra sont presque toujours doubles. Ils sont alors placés de part et d’autre d’un manche court et ouvragé. Dans quelques cas, le vajra est simple et monté en manche de clochette ou au bout d’une corde. Objets de culte, les vajra sont souvent utilisés dans le rituel des sectes ésotériques, et sont l’attribut principal de nombre de divinités.
Parmi les vajra utilisés comme accessoires du culte, on distingue plusieurs sortes :
Le vajra à une pointe (jap. tokkosho)
Il possède une pointe seulement de chaque côté d’un manche court. La pointe est de section carrée, courte et peu effilée. Ce vajra symboliserait l’axe vertical de l’univers et l’union du monde matériel avec le monde spirituel, ainsi que celle des deux grands mandala, le Vajradhâtu et le Garbhadhâtu.
Dans les sectes tantriques, cet instrument n’est utilisé que par les religieux d’un rang inférieur il représenterait l’Unique Réalité du Dharma.
Le vajra à deux pointes (jap. nikosho)
Il ressemble aux pinces du perce-oreille et représenterait la dualité des apparences. Il est très rarement utilisé ou représenté.
Le vajra à trois pointes (jap. sankosho)
C’est le plus courant, auquel s’applique le plus souvent le terme de vajra. Il comporte trois pointes de chaque côté, les deux pointes extérieures se recourbant vers la pointe droite du centre, ou bien trois pointes recourbées vers le milieu. Ces trois pointes représenteraient, dans les univers matériel et spirituel, le Triratna, les Trois Trésors du bouddhisme qui sont le Bouddha, le Dharma et le Samgha, ainsi que les Trois Mystères de la parole, de la pensée et de l’acte. Le karmavajra (jap. katsumasho) est formé de deux doubles vajra à trois pointes mis en croix. Il symboliserait les Quatre Connaissances et correspondrait à la roue de la Loi (dharmachakra). Il est également appelé vishvavarna- vajra (jap. jûji kongôsho).
Le vajra à quatre pointes (jap. shikosho)
C’est une forme assez rare. Il symboliserait les quatre « moments » de la vie du Bouddha Shâkyamuni, les quatre périodes bouddhiques, les Quatre Grands Bouddha, etc.
Le vajra à cinq pointes (jap. gokosho)
Les pointes de ce vajra sont disposées soit en couronne, soit en groupes de quatre disposés autour d’un axe. Il en existe de nombreuses variétés selon leur forme ou leur décoration. Nombre de ces quintuples vajra décorent le manche de clochettes (ghanta). Ils symboliseraient les cinq éléments, les Cinq Jina (les Gochi Nyorai au Japon), les cinq sortes de sagesse, etc.
Le vajra à neuf pointes (jap. kyûkosho, kukoshn)
Ce vajra, assez rare, est pourvu de neuf pointes de chaque côté, en général groupées en couronne. Sa signification est imprécise. Peut-être symbolise-t-il les Cinq Jina et les quatre grands Bodhisattva ? Il est surtout utilisé au Tibet. On trouve souvent ce vajra dans la main opposée à celle qui tient une clochette dont il formerait le pendant, ou serait le complément d’un ensemble.
Les clochettes (ghanta ; jap. kmgôrei, kane ; chin. zhong ; tib. dril-bü)
Les clochettes se trouvent souvent, comme nous venons de le voir, en opposition (ou en complément) des vajra dans les représentations des divinités ésotériques. Elles servent également, tout comme les vajra, d’instrument de culte dans ces mêmes sectes. Elles sont en général de petites dimensions et possèdent un manche court terminé soit par un vajra, soit par un petit stûpa ou un triple joyau (chintâmani). Elles symboliseraient le son, le verbe créateur, la vibration engendrée par la répétition d’un mantrâ et du bîja, et auraient ainsi une fonction créatrice, invocatrice. Elles seraient également destinées à appeler les cœurs à l’Eveil. Lorsque vajra et ghanta sont associés, ils représenteraient les deux grands mandala du Vajradhâtu et du Garbhadhâtu. Dans les sectes tantriques, si le vajra symbolise le principe masculin, la clochette représenterait le principe féminin. Le son étant généralement assez bref, la cloche représente à travers son tintement tout ce qui dure peu, ce qui est éphémère. On trouve au moins sept sortes de clochettes, selon la forme de leur manche : avec vajra à une pointe (jap. tokkorei), avec vajra à trois pointes (jap. sankoreï), avec vajra à quatre pointes (jap. shikorei), avec vajra à cinq pointes (jap. gokorei, godai myô-ô-rei), avec vajra à neuf pointes (jap. kyûkoreî), avec manche terminé par un triple joyau (jap. hôshureï), avec manche terminé par un petit stûpa (jap. tôreï).
Les roues (chakra, dharmachakra ; jap. rinbô, hôrin)
Les roues symbolisent la roue de la Loi bouddhique, le cycle (Samsara) sans fin des naissances et renaissances. Elles sont rondes, à quatre ou huit rayons, ou octogonales. Dans ce dernier cas, elles symbolisent le Noble Octuple Sentier. Dans le premier cas, elles symbolisent les Quatre Jina ou les quatre « moments » de la vie du Bouddha. Les rayons parfois dépassent le cercle, en pointes. Ces roues, représentées dans l’art de l’Inde dès avant la période du roi Ashoka, étaient en général posées sur quatre lions adossés et regardant les quatre points du compas. Elles sont également la contrepartie bouddhique du « disque » de Vishnu et représentent, tout comme le vajra, l’arme absolue qui vainc les passions et anéantit les désirs. Les vajra entrecroisés (Karmavajra) sont parfois considérés comme des roues.
Les armes (âyudha ; jap. bukï)
Les armes tenues par les divinités servent à symboliser les combats livrés par celles-ci aux forces adverses et aux démons, à l’ignorance, à la sottise, et à protéger le Bouddha et la Loi bouddhique. Elles représentent aussi, dans certains cas, des vertus et des pouvoirs. Ces armes ne se trouvent jamais sur les représentations appartenant aux sectes du Hînayâna. Elles furent au contraire largement employées pour les représentations des divinités appartenant au tantrisme et aux sectes ésotériques, tant au Tibet qu’en Chine et au Japon. On peut les diviser en quatre grands groupes (mis à part les vajra et les chakra que nous venons de passer en revue) : les glaives (khadga) ; les lances et tridents (kunta, trishula, shula) ; les haches (parasu, tanka) ; les arcs et les flèches (châpa, shara).
Les glaives (khadga ; jap. ken, tsurugi, katana ; chin. jiari)
Ils servent à trancher l’ignorance et à attaquer les puissances du mal. Ils sont aussi un signe de commandement et de sagesse, de Connaissance suprême, d’intelligence parfaite. On en compte de nombreuses variétés :
Les glaives droits à deux tranchants
Ils ont une poignée dont la garde est constituée soit par un vajra à trois pointes (la lame formant la pointe centrale du vajra), soit par un vajra à cinq pointes (jap. sankotsuka-no-ken, gokotsuka-no-ken). Le glaive de la Connaissance que tient souvent, verticalement, Achalanâtha, est souvent représenté entouré de flammes ou d’un dragon. Ces glaives sont également appelés au Japon gomagatana ou shibauchi.
Les sabres courbes à un seul tranchant. Typiquement japonais (jap. kataha, tachî)
Ils ne sont guère utilisés que par des personnages mineurs ou des Chaturmahârâja ou Dharmapâla, au Japon.
Les lances et tridents (kunta, trishula, shula ; jap. sho, kô, boko, sankogeki ; chin. mou, sanguji)
Les lances, associées à l’idée du feu et de la virilité, symbolisent la puissance mâle de pénétration des forces du Bien et de la Vérité sur l’ignorance. Elles sont simples, terminées par un vajra à une pointe, ou bien par un trident. Ces derniers sont des symboles du Triratna et du Tripitaka. Elles sont très anciennes, et on peut les voir sur au moins un sceau de la vallée de l’Indus, couronnant une divinité assise. Dès les premiers témoins de l’art bouddhique, elles sont représentées couronnant des roues de la Loi (comme à Sânchî). Un « triple bâton » qui pourrait être assimilé à un trident, appelé tridanda, est, selon M.-Th. de Mallmann, un des attributs d’Avalokiteshvara en Inde, qui devait servir à l’origine de support à un vase. Les tridents sont nommés au Japon sankogeki, sansageki ou sansabô. Lorsque les lances comportent à leur extrémité deux vajra à trois pointes fixés à angle droit, on les nomme ko (chin. ge), ou encore hôko. Lorsqu’elles comportent en bout de pique trois vajra, elles se nomment au Japon katsuma-sho.
Les haches (parashu, tanka ; jap. ono ; chin.)
Elles symbolisent l’acte d’abattre les arbres, donc de commencer une tâche, de débroussailler le chemin qui conduit à la Connaissance. Elles servent également aux divinités mineures (ou à celles aux bras multiples) pour indiquer leur rôle de protection (du Bouddha ou de la Loi). Au Japon, elles sont également nommées etsufu, eppu.
Les arcs et les flèches (châpa, shara ; jap. yumi, sen, ya ; chin. gong, shï)
En même temps que ces armes servent à abattre les passions, elles symbolisent la concentration et la sagesse. Leur union (arc et flèche) peut également symboliser l’amour. Ces armes sont tenues chacune dans une main correspondante par les divinités à plusieurs bras (certaines divinités tiennent arc et flèche dans une seule main). Quelques flèches sont terminées par une pointe à trois dents (trishulashara) ou bien par des fleurs, comme c’est le cas pour Aizen Myô-ô au Japon, où on nomme également ces armes hôkyô et hôsen. La flèche de Kâma, la divinité de l’amour charnel, est constituée par cinq fleurs mises bout à bout.
Les vases (kalasha, kamandalu ; jap. byô ; chin. ping)
Les vases symbolisent les offrandes faites à la divinité et parfois l’offrande de trésors : « Les fleurs du vase représentent les innombrables vertus dont l’épanouissement résulte de l’union de la raison innée et de la Connaissance. » On en distingue plusieurs sortes :
Les vases à fleurs (kalasha, bhadraghata ; jap. kebyô)
À panse rebondie et à col large, ils sont souvent utilisés dans le rituel des sectes ésotériques. Le vase à fleurs de lotus est un des attributs d’Avalokiteshvara, certains textes ésotériques assurant que l’union du lotus et du vase est symbolique de l’union des deux grands mandala. Le vase à fleurs a une origine très ancienne, et on le retrouve en Inde dès les débuts de l’art bouddhique, soit en base de pilier, soit en chapiteau, ou encore en décoration, symbolisant la terre et ses richesses (pûrnagatba, ou « vases fastes » ; jap. honnôgata, hichijôbyo).
Les vases à eau ou à nectar (anrita-kalasha, kundikâ)
Ils sont également divers et peuvent avoir plusieurs formes. Ils ont en général un long col et sont souvent munis d’un bec verseur (jap. suibyô, gunji, sôbyô, suikari), ou bien sont ornés d’une tête d’oiseau (jap. hôbyô, kôbyô). Cependant, la forme traditionnelle de la kundikâ comporte un couvercle soudé, au centre duquel se trouve un col étroit. Ces vases à eau sont également anciens et servaient en Inde au rituel de consécration des rois. Ils jouent un rôle très important dans tous les cultes ésotériques, étant presque toujours associés au lotus, qui symbolise l’intelligence suprême. Dans le cas d’Avalokiteshvara, le vase est censé contenir le nectar de sa Compassion : il apaise la soif de ceux qui l’implorent. Kalasha (Kundikâ) .Les vases représentent aussi les Cinq Jina, et sont à ce titre généralement placés aux quatre angles et au centre des autels. Ils sont censés contenir toutes les médecines, toutes les nourritures, toutes les bonnes choses et l’eau parfumée. Tout l’art du Mahâyâna a utilisé cet instrument-symbole.
Les bâtons (danda) et les massues (gada)
On distingue plusieurs types de ces accessoires :
Le bâton de Sagesse (ou du Trésor) (jap. hôbô)
Il symbolise la possession par celui qui le porte du Trésor infini de la Sagesse du Bouddha. Il est aussi appelé khatvângha.
Le sceptre de religieux (jap. nyo-i ; chin. ruyî)
Celui-ci possède une spatule recourbée en grattoir. Il est censé contenir un joyau (mani) et est également appelé sekaki au Japon.
Le khakkhara (jap. shakujô ; chin. xizhang)
Ce bâton de pèlerin ou d’alarme, orné à son extrémité supérieure d’anneaux libres en métal, au nombre de six pour les Boddhisattva (symbolisant les Six Voies – Gâti – de l’existence) et de deux pour les Arahant et les sages mortels, est distinctif de certaines divinités (Bodhisattva) et des saints du bouddhisme. Il semblerait que son origine soit en Asie centrale, car les plus anciennes représentations de ce type de bâton furent retrouvées sur les peintures murales de Dunhuang (vers le V siècle) et à Turfân. Il ne semble pas avoir été utilisé en Inde. En revanche, il le fut souvent en Chine, au Tibet et au Japon. Ce bâton de religieux, destiné à avertir les animaux du passage d’un saint homme, à prévenir les villageois qu’un religieux arrive pour quêter sa nourriture, fut utilisé au Tibet pour chasser les démons. En Chine, il fait partie des dix-huit objets qu’un moine doit posséder. Sa hampe est généralement en bois, de section hexagonale (ou ronde), et les anneaux sont en métal afin de faire du bruit en s’entrechoquant. Le nombre de ces anneaux varie sur les représentations. Théoriquement, le Bouddha Lui- même a droit à un khakkhara avec douze anneaux. Les autres personnages peuvent avoir quatre, six ou huit anneaux selon les contrées et les époques, des symbolismes différents étant attachés à ces nombres. Il est l’attribut typique de Kshitigarbha (jap. Jizô Bosatsu ; chin. Di- zang) mais peut être tenu par Amoghapâsha ou Bhaishajyaguru en Chine, notamment (monté sur un éléphant). Ce bâton est également appelé au Japon chi-jô (bâton de la Connaissance), tokujô (bâton de la Vertu), ou encore yûshôjô.
Les bâtons terminés par un crâne (jap. dokurojô)
Ils peuvent être aussi terminés par une tête humaine posée sur un croissant de lune (jap. jintôjô), ou encore par une tête posée sur un miroir, ou enfin par deux têtes humaines (attribut de Yamarâja) et symbolisent l’impermanence ici-bas. Ce sont des accessoires magiques utilisés pour chasser les démons.
Autres instruments et accessoires
Le bol à aumônes (pâtra ; jap. hachi ; chin. bo)
Le bol à aumônes, que tous les moines bouddhistes doivent posséder et qui leur sert à collecter la nourriture offerte par les fidèles, tire son origine de la légende selon laquelle le Bouddha, ayant reçu de la nourriture de marchands et n’ayant rien pour la contenir, réunit magiquement en un seul quatre bols de pierre qui leur avaient été offerts par les quatre rois-gardiens. Il devint par la suite symbole de la Loi (Dhar- ma), c’est-à-dire du Bouddha Lui-même. Son origine est indiscutablement indienne : on trouve des images du Bouddha tenant à la main le bol dans l’art du Gandhâra. Les représentations du Bouddha historique (ou parfois d’Amitâbha, plus rarement d’Avalokiteshvara) montrent ces divinités tenant le bol soit dans une main, soit avec les deux mains. Bhaishajyaguru est également représenté portant un pot à onguent dans ses deux mains (ou plus souvent dans la main gauche).
Le rosaire (rnâlâ ; jap. nenju ; chin. nianzhu)
Probablement une adoption par le bouddhisme du rosaire hindou, la mâlâ prit une grande importance dans les rites tantriques, au Tibet et au Japon surtout. Ce rosaire a ordinairement cent huit grains (de même d’ailleurs que le rosaire hindou) plus quatre grains de séparation (destinés à un compte plus aisé) appelés Chaturmahârâja. Les rosaires peuvent cependant différer légèrement suivant les régions. Au Tibet ils sont généralement terminés par trois gros grains censés représenter le Triratna. Au Japon, le symbolisme du Shingon compliqua sa forme, les cent huit grains étant partagés en deux séries de cinquante-quatre par une ou deux grosses perles (bindu ; jap. odome et oyadamâ). C’est en Inde, depuis l’époque Gupta, un attribut constant d’Avalokiteshvara ; les cent huit grains doivent théoriquement symboliser les cent huit passions humaines qu’Avalokiteshvara assume en égrenant le chapelet. Amitâbha est également représenté tenant un rosaire, ainsi que quelques autres divinités et, bien entendu, les représentations des saints hommes. Cependant on rencontre, bien que très rarement, des rosaires à neuf, dix-huit, vingt et un, quarante-deux ou cinquante-quatre grains. En Chine, celui de dix-huit grains représenterait les dix-huit Arahant.
Le « Joyau qui exauce tous les désirs » (çbintâmani, mani ; jap. bôshu, nyo-i-shu ; chin. ruyizhu)
C’est le Joyau (perle ?) ou « gemme de la pensée » qui « permet d’exaucer tous les désirs » (peut-être une schématisation du fruit du myrobolam ?), en forme de boule pointue vers le haut. C’est l’un des Saptaratna, les « sept joyaux » (jap. shippô, sbicbibô). Il a le pouvoir de clarifier l’eau trouble, c’est-à-dire le cœur”. Ce joyau est tantôt représenté seul, tantôt triple ou entouré de flammes. Les triples joyaux placés au bout d’un court manche, à la manière d’un vajra, constituent un instrument utilisé dans les rituels ésotériques et sont appelés au Japon hôsbusbo. Le çbintâmani symbolise le Bouddha et Sa doctrine ; c’est un emblème de la pureté de l’esprit. De nombreuses légendes racontent l’origine de cette « perle magique ». Elle représente tous les trésors, et plus particulièrement celui qui est constitué par la Connaissance de la Loi bouddhique. Celui qui connaît cette Loi, étant affranchi de tous les désirs, voit évidemment ceux-ci comblés.
Le chasse-mouches (cbâmara ; jap. bossu ; chin. fuzï)
Il symbolise l’obéissance à la Loi bouddhique. Il est théoriquement formé de poils blancs (de yak ou de cheval) ou de fines cordelettes fixés sur un manche court. Certains textes le disent fait de poils de daim. En Inde brahmanique, il était l’insigne des courtisans. Dans l’art bouddhique indien, l’effigie du Bouddha est souvent accompagnée de deux porteurs de cbâmara. En fait, il devint l’accessoire type de toutes les représentations de saints hommes. Le chasse-mouches, évitant de tuer les insectes, est devenu un symbole de la Compassion d’Avalokiteshvara envers tous les êtres, fussent-ils aussi minuscules que des mouches.
La conque marine (dbarmasbankba ; jap. bôra ; chin. faluo ; tib. dung- dkar)
Utilisée comme trompe en Inde lors des cérémonies religieuses et par les armées, la conque marine, par son son grave et prolongé, symbolise le Son de la Loi bouddhique. Ce symbole, d’origine indienne (il est l’un des quatre attributs majeurs de Vishnu), fut adopté par le bouddhisme pour symboliser la diffusion de la Loi par la voix du Bouddha.
Le miroir (adarsha ; jap. kagami ; chin-jing)
Il symbolise la vacuité, ce qui est « idée » et opposé à ce qui est « phénomène ». Reflétant les choses matérielles, il ne donne d’elles que des idées et leur ôte toute réalité. C’est donc un symbole de l’illusion de l’existence. Mais il peut également représenter le disque du soleil comme pour la divinité japonaise Nichi-ten.
Les cordes (pâsha ; jap. saku, kensaku, ryûsaku ; chin. luoso)
Les cordes peuvent être simples, chaque bout étant terminé par un nœud, un vajra ou un crochet, ou bien être des nœuds coulants (terminés ou non par une tête de dragon). Elles symbolisent l’instrument avec lequel les âmes sont liées, accrochées et attirées par la Loi bouddhique. Dans les mains de quelques divinités, elles sont les liens qui empêchent les démons de nuire. Mais elles symbolisent également les liens qui enchaînent l’âme au monde matériel des désirs.
Le livre des Écritures (pushtaka ; jap. kyô, ô-kyô ; chin. jing)
Il représente le Canon bouddhique qui détient la Loi, le Tripitaka. Il est parfois associé au pinceau, et parfois remplacé par un rouleau.
Le reliquaire (stûpa ; jap. sotoba, tô ; chin. shuaidupo, ta ; tib. mchod-rten, chorten)
Tenu à la main par certaines divinités, ou bien posé sur leur tête, le stûpa en réduction (aussi considéré comme un reliquaire) participe du même symbolisme que le stûpa, et représente le corps du Bouddha et Sa Loi. Il symbolise également la personne du Bouddha historique, ainsi que le « corps spirituel » (Dharmakâya) de Celui-ci. Dans le symbolisme ésotérique, sa forme fut schématisée en une succession de figures géométriques simples (du bas vers le haut : carré, cercle, triangle, demi-cercle, mani ou flamme) superposées et censées représenter le cosmos. Le carré pour la matière, le cercle pour la Connaissance, le triangle pour l’Esprit, le demi-cercle pour la Loi et la flamme pour le Principe suprême. Cependant, d’autres interprétations de ces symboles ont été données qui diffèrent suivant les sectes et les auteurs. Il symbolise la Divinité suprême. C’est le Gorintô (stûpa des cinq sens) japonais. En pratique, si la forme originelle du stûpa se maintint en Inde, elle se modifia légèrement dans le Gandhâra et au Tibet, pour devenir des « pagodes » en Chine et au Japon. Dans ces derniers pays, la forme originale du stûpa ne se conserva que dans les reliquaires et dans certaines pagodes appelées tahô-tô au Japon. En Inde, il est un attribut de Maitreya, le futur Bouddha, alors qu’en Chine et au Japon il est distinctif des effigies de Vaishravana, l’un des quatre rois-gardiens (Loka- pâla, Chaturmahârâja). Dans le mandala du Garbhadhâtu, il est l’attribut particulier de Mahâvairochana.
Attributs et accessoires divers
Ils sont tenus par les divinités à multiples bras, afin de symboliser leurs pouvoirs matériels et spirituels, surtout dans le cas d’Avalokiteshvara à mille bras. Ils varient également avec les divinités mineures, indiquant leur nature, ésotérique ou non.
Parmi les plus communs de ces accessoires (voir liste à Avaloki- teshvara), on notera :
le crochet à éléphants (angkusha ; jap. ko) ; la clé (kunchikâ ; jap. kagi ou hôyaku) ; l’éventail, généralement non pliant (appelé au Japon uchiwa ou tensen, et jôsen s’il est en plumes de paon), ou Sgi s’il peut être plié ; les sandales de paille (jap. warajt) ; la boîte à sûtra (jap. kyôkyô) ; les cassolettes à encens, à manche (jap. egôrô) ou sans manche (jap. gôrô), qui sont également des accessoires de culte ; le bouclier (khetaka ; jap. bôhai), parfois orné d’une tête de monstre ; le sceau (ou cachet), appelé hô-in en japonais ; le « nuage de cinq couleurs » (jap. goshiki-un), etc.