Les rois de compassion
Au nombre des divinités gardiennes, on peut compter, au Japon, les Ni-ô (bons rois, ou rois de compassion), appelés aussi autrefois Shû- kongô-jin (Ceux qui tiennent un vajra à la main). Ces deux rois-gardiens sont des Vajradhâra, des « porteurs de vajra », ou plutôt des sortes de Râkshasa (démons anthropophages du folklore brahmanique récupérés par le bouddhisme). Ce sont des gardiens, mais également, dans les doctrines ésotériques, deux aspects de la Réalité unique de Vairochana. A ce titre ils sont parfois confondus avec des formes terribles de Râgarâja et d’Achalanâtha. Ils symbolisent en quelque sorte l’alpha et l’omega de toute chose. On les représente principalement en
Dvârapâla (gardiens de porte), seulement vêtus d’un pagne (comme en Inde, à Sâflchî), mais également comme des guerriers en armure (bien que plus rarement). Ils sont alors placés de chaque côté de la porte principale des monastères et temples où ils sont chargés d’écarter les mauvais esprits, les voleurs, et de protéger les enfants. On ne leur rend aucun véritable culte, bien que le peuple les considère souvent comme des exauceurs de vœux : une croyance très répandue dans tout le monde bouddhique (et non bouddhique ailleurs en Asie) veut que l’on projette sur leurs statues des boulettes de papier mâché tout en faisant un vœu ; si elles restent collées un certain temps que l’on a fixé à l’avance, le vœu sera exaucé. On opère de même avec d’autres sculp¬tures de divinités (au Japon avec les effigies de Binzuru Sonja, de Fûjin et Raijin – divinités shintô du vent et du tonnerre) et les gardiens des sanctuaires shintô appelés Zuishin (ou Yadaijin) et qui représentent des ministres militaires de l’ancien temps.
Les Ni-ô sont représentés comme des géants à la musculature très développée, à demi nus ou avec des écharpes célestes , la tête rasée, parfois ornée d’un chignon ou d’un toupet sur le sommet du crâne, avec une expression menaçante. Ils se tiennent debout, les jambes écartées, sur des rochers. Leurs images sont extrêmement nombreuses car on les trouve à l’entrée de presque tous les temples. Au Japon, les portes de chaque côté desquelles ils se trouvent placés portent parfois le nom de Ni-ô-mon. Ces deux rois, bien qu’apparemment semblables, sont cependant distincts : on les nomme Misshaku-Kongô et Kongô Rikishi.
Misshaku Kongô
Misshaku Kongô, aussi appelé Misshaku Rikishi, le « Vajra aux traces secrètes », correspondrait à la forme sanskrite Garbhavîra, le gardien du Garbhadhâtu Mandata, et symboliserait la puissance exprimée, l’exotérisme : il a la bouche ouverte et son corps est rouge. Il est toujours situé à l’est de la porte dite « Sanmon », c’est-à-dire à droite en entrant. Son attitude est dynamique : il a la main droite abaissée, doigts écartés, la main gauche fermée tenant un long bâton terminé par un vajra à chaque extrémité. Lorsqu’il est revêtu d’une armure, il tient à la main droite un trident ou un court glaive. Ses cheveux sont alors peignés en chignon et on lui donne le nom de Shû-misshaku-shin Kongô-ô.
Kongô Rikishi
Il se trouve à l’ouest des portes Sanmon et correspondrait à la forme sanskrite de Vahjravîra (Vajrapâni), « porteur de vajra ». Il est le gardien du Vajradhâtu Mandata et symbolise la puissance latente de l’ésotérisme. On le nomme parfois Sôkô ou Bazara-un Kongô. Il est semblable à Misshaku, mais a le corps de couleur verte et la bouche fermée. Sa main gauche est abaissée, fermée, et il tient dans la main droite un bâton terminé par un vajra à chaque extrémité. Lorsqu’il est revêtu d’une armure, il tient dans la main droite un trident ou un court glaive. Ses cheveux sont alors peignés en chignon et on lui donne le nom de Shû-kongô-shin-ô (ou Shitsu-kongô-shin). Il serait une des formes d’Achalanâtha.