Que peut-on penser des fête religieuses ?
On ne peut manquer d’être surpris de l’infinie diversité de l’expression de piété populaire dont elles témoignent : parfois profondément tristes et teintées de fanatisme comme les processions chiites du « 10 de muharram » avec auto-flagellation des fidèles ; guère plus gaies et nimbées d’un inquiétant mystère comme les processions du Vendredi saint en Espagne où les pénitfents se cachent sous de hautes cagoules ; démonstrations de la capacité à supporter la souffrance dans de nombreuses fêtes hindouistes ou taoïstes où la marche pieds nus sur des charbons ardents est l’un des exercices les plus confortables ; fêtes chargées de culture mythologique en Inde ; fêtes autant religieuses que profanes, selon les participants, comme Noël ; fête à dominante familiale, comme les fêtes juives ; fêtes qui se réduisent à des traditions alimentaires ou folkloriques, comme le Mardi gras ; fêtes de recueillement, comme la Toussaint, ou d’espoir spirituel, comme PâÉjues…
La fête, quelle qu’elle soit, répond à des besoins profonds de l’homme, indépendants de la religion et de la culture. C’est l’expression de ces besoins qui est imprégnée par les croyances religieuses. Les religions ont, en quelque sorte, récupéré à leur profit l’instinct de la fête.
C’est la raison pour laquelle on trouve tant de strates successives de religions anciennes dans les fêtes contemporaines : le jour de l’an zoroastrien est célébré dans 1 Iran chiite, le culte des druides survit dans la coutume occidentale du gui, les anciens cultes païens de la fertilité se retrouvent dans l’habitude de jeter du riz aux nouveaux mariés, etc.
En réalité, le besoin de fêtes est plus naturel que religieux : quand on s enfonce dans l’Histoire, on constate que les peuples primitifs dont la nourriture n’était pas assurée avaient besoin de « grandes bouffes » pour compenser l’austérité quotidienne et de grands rassemblements pour échapper à leur environnement limité. En outre, la fête, par la préparation qu’elle requiert, sort l’homme du présent et le projette dans l’avenir. Les peuples les plus pauvres sont les plus soucieux de monter des fêtes somptueuses. Dans les favellas du Brésil, on prépare toute l’année les danses et les costumes étincelants du carnaval.
Compensation aux misères de la condition humaine, la fête se veut richesse, exubérance, joie et espoir. C’est en cela qu’elle se rapproche des religions qui s’efforcent, sur un autre plan, d’apporter consolation et espérance à l’humanité. Les deux plans sont cependant distincts et les fêtes religieuses pourraient se passer de calendrier, d’extériorisation et de faste. C’est le souci des religions de « coller » à l’homme tel qu’il est, qui semble la véritable raison des fêtes religieuses.