Trouve dieu
Généralement, on parle plutôt de chercher Dieu, comme s’il prenait un malin plaisir à se cacher. Certes, nous n’avons ni la capacité ni la sensibilité suffisantes pour le connaître dans Sa plénitude et Son infini ; disons plutôt que nos moyens limités ne nous permettent pas de Le saisir totalement et chacun en a donc une expérience différente.
Le fait même de pouvoir percevoir imparfaitement Dieu est déjà un don de Sa part qui s’ajoute au don qu’il nous a fait de la vie. Mais, alors que nous n’avons pas demandé nous-mêmes à vivre, nous pouvons demander à Dieu de Le rencontrer. Il ne s’agit pas d’une rencontre que l’on provoquerait par curiosité et Dieu n’est pas une destination touristique. Aller vers Dieu suppose que nous fassions le choix, même implicite, d’adhérer à Sa volonté, à Ses projets, même si nous n’avons qu’une conscience limitée et déformée de ce que cela recouvre. C’est pourquoi il arrive même de trouver Dieu sans l’avoir apparemment cherché.
trouver Dieu est d’ailleurs une expression bien imparfaite. Selon les cas, Dieu est évident, présent, personnel, ou bien II est diffus, inatteignable, mais cependant bien réel. La perception plus ou moins nette de Dieu peut être continue, imprévue ou occasionnelle. Dieu peut faire sentir clairement une volonté ou, au contraire, s’avérer extraordinairement discret. On peut passer toute sa vie à chercher Dieu sans jamais en avoir la perception claire ou en avoir une vision instantanée, éblouissante et définitive au moment le plus inattendu.
La moindre des prudences est de reconnaître qu’il n’y a rien à y comprendre : c’est d’une nature aussi peu intellectuelle que possible, bien que, pour une faible part, un effort de l’intelligence puisse contribuer à créer les conditions d’une telle rencontre. Rien de comparable toutefois à un jeu de hasard. Les croyants ont la certitude d’un échange avec Dieu : l’homme apporte sa disponibilité, sa prière, sa croyance, ses actes, et il reçoit de Dieu une paix, un besoin d’action, la capacité de supporter la souffrance, la joie d’aimer les autres, en fait n’importe quoi mais ce don
est reconnu comme venant de Dieu et il produit toujours un bouleverse¬ment intérieur. Celui qui a eu cette expérience de Dieu en est marqué de façon indélébile : il ne sera pas davantage prêt à renoncer à sa vie spirituelle qu’un iniellectuel n’est prêt à renoncer à penser. Il est très difficile toutefois de communiquer cette expérience à autrui et, plus encore, de la faire partager, tant elle est manifestement un don de Dieu et non le résultat d’une recette.
C’est pourquoi il semble bien qu’on ne puisse comparer l’expérience mystique de Dieu qu’ont eue des fidèles de diverses religions, surtout dans le christianisme et le soufisme musulman, avec les phénomènes de possession par un Dieu que l’on rencontre en particulier dans les religions traditionnelles comme le vaudou. La différence tient au fait qu’une initiation, obtenue par un rite dont un homme est prêtre, n’a rien de commun avec un don libre de Dieu. D’ailleurs le baptême, la circoncision ou la première récitation de la shahada qui marquent respectivement l’entrée dans le christianisme, le judaïsme ou l’Islam ne provoquent généralement pas l’éblouissement d’une rencontre avec Dieu.
Une autre différence importante avec les possessions animistes est que ces dernières sont constatées par des tiers changement temporaire de comportement – alors que les intéressés ne se souviennent de rien une fois le dieu reparti.
Enfin la possession est toujours de même nature et ne se produit jamais à moitié alors qu’une rencontre mystique avec Dieu peut revêtir les formes les plus diverses, être unique ou répétitive, avoir une plus ou moins grande intensité.
C’est pourquoi il est impossible de faire un partage net entre un croyant convaincu de l’existence de Dieu mais qui n’a pas conscience d’avoir été marqué par un événement spirituel spécial et un autre croyant à qui une expérience mystique est arrivée : les uns et les autres ont à vivre avec Dieu.