Mentalité catholique et mentalité protestante
Les trois pays baltes situés dans un même environnement géographique et ayant tous subi les mêmes aléas de l’histoire, illustrent bien les différences de « mentalité » existant entre catholiques et protestants et les conséquences induites par ces différences. Les données qui suivent, concernant la composition ethnique et l’appartenance religieuse, sont données par Le Monde au Présent (Encyclopaedia Universalis, 1994).
En Estonie, pays le plus septentrional des trois, comprenant 62 % d’Estoniens et 30 % de Russes, les croyants sont en majorité luthériens évangéliques avec une minorité orthodoxe et baptiste. Suite aux élections de 1992, basée sur une nouvelle constitution, la Ligue de la Patrie, anticommuniste, l’emporta d’une courte majorité. Le jeune dirigeant de ce parti devint premier ministre et appliqua une politique d’économie de marché, de privatisation, de libéralisation de la loi sur la citoyenneté et alla jusqu’à réintroduire la prière au début de chaque session du parlement.
La Lettonie, coincée entre l’Estonie et le Lituanie, comprend 50 % de Lettons, 34 % de Russes, et 13 % de diverses nationalités : Biélorusses, Ukrainiens, Polonais, etc. Les croyants sont principalement luthériens évangéliques, orthodoxes russes et catholiques. Les élections de 1993 donnèrent le pouvoir à un parti de centre droit, nationaliste modéré, favorable à une économie de marché.
Enfin, la Lituanie, plus méridionale, comprend 80 % de Lituaniens, 10 % de Russes et 7 % de Polonais ; les croyants sont en majorité catholiques mais il y a une minorité d’orthodoxes et de luthé
riens évangéliques. En 1992, suite aux élections à deux tours, le Parti démocratique du Travail, formé d’anciens communistes, l’emporta avec une faible majorité absolue.
Un premier constat s’impose : seul le pays majoritairement catholique a maintenu au pouvoir les communistes, reconvertis à la démocratie, il est vrai. D’autre part, ces trois pays, a priori si semblables, gardent des caractéristiques typiquement liées à la religion et que nous rend bien John Noble (1994) même si son analyse ne porte pas sur l’appartenance religieuse. Il déclare en effet : « Les Estoniens et les Lituaniens se situent généralement aux deux extrêmes, les Lettons plus ou moins entre les deux. L’Estonien stéréotypé est réservé, efficace, avare de louanges et poli. Le Lituanien se montre plus sociable, plus accueillant et sensible. Il accorde une plus grande importance aux contacts et aux appuis qu’à la méthode et au calcul. Deux épisodes récents illustrent parfaitement ces contrastes. Le premier concerne la campagne pour l’indépendance menée entre la fin des années 80 et le début des années 90. En Lituanie, cette campagne fut romantique, téméraire, périlleuse et entraîna la mort d’au moins vingt personnes. En Estonie, elle se caractérisa par une froideur, une méthode, une détermination qui amenèrent cette remarque : les Estoniens -jusqu’au dernier – sont prêts à mourir pour leur liberté. Quant à la Lettonie, elle adopta, comme toujours, une attitude entre ces deux extrêmes. L’autre épisode significatif a trait à l’introduction par les trois États baltes d’une nouvelle monnaie pour remplacer le rouble, après l’obtention de leur indépendance. L’Estonie ne rencontra qu’un minimum de difficultés et émit le kroon en un seul week-end, mi-1992. La Lettonie introduisit progressivement le latsen 1993, après une phase de transition pendant laquelle eut cours une monnaie intermédiaire, le rouble letton. Quant à la Lituanie, elle connut deux phases de monnaies intermédiaires, une succession d’ajournements et le renvoi du directeur de la Banque nationale (il fallut faire réimprimer les billets à l’étranger, les premiers étant trop facilement imitables) avant que le litas ne voie enfin le jour, en juin 1993 ».
Ces différences de comportement – rigueur, froideur, efficacité protestante d’un côté et fantaisie, chaleur et relative inefficacité catholique – se retrouvent aussi bien entre les protestants Scandinaves et les catholiques méditerranéens qu’entre les protestants des Etats-Unis et les catholiques latino-américains.
D’un côté la religion de l’amour, de l’autre la religion de la justice ? Le philosophe italien Luciano De Crescenzo déclare : « De la confrontation entre le Nord et le Sud, j’ai tiré une théorie, la théorie de l’amour et de la liberté. Ce sont deux désirs présents dans le cœur de l’homme, mais qui s’excluent : il faut choisir. Les peuples
aussi se divisent en peuples d’amour et peuples de liberté ». Pour le philosophe, la culture méditerranéenne est une culture d’amour, une culture où l’homme recherche le contact avec ses voisins pour le plaisir de la rencontre, pour le plaisir de parler. Mais cette culture a aussi ses défauts : c’est celle des copinages et malheureusement de la corruption engendrée par une structure pyramidale de la société ayant au sommet le père ou le parrain. Les sociétés nordiques sont, au contraire, des sociétés horizontales : « tous les citoyens sont égaux devant une loi démocratiquement décidée et, en principe, les privilèges y sont exclus ». Dans ces sociétés, l’individu privilégie sa liberté, sa privacy aux dépends des relations, de l’amour.
Le philosophe reconnaît que, même dans un pays comme l’Italie, l’interpénétration des deux cultures est telle qu’il est malaisé de faire des distinctions très nettes. « Le système fonctionne tant bien que mal, mais s’il devait s’enrichir des qualités des deux types de sociétés plutôt que d’additionner leurs défauts, il aboutirait à la formation d’un monde, ma foi, fort agréable… » (L.B. 27 mai 1993). En attendant la fusion de ces deux mondes, il est plus agréable d’aller à Rio pour le carnaval et plus sûr d’aller à Genève pour y développer ses talents !
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