Dieu, roi suprême d’Israël: Les titres du roi
Puisque la monarchie naît au creux même de l’idéal de l’Alliance, les titres donnés au roi à partir du jour de son sacre traduisent cet idéal de l’Alliance : à commencer par le titre de « fils de Dieu ». « Je serai pour lui un Père, il sera pour moi un fils », avait dit Dieu à David, en lui promettant de maintenir toujours un descendant sur son trône (2 Samuel 7, 14) ; et le psaume 2 s’en fait l’écho quand il dit : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » Fait très important, donc, à retenir : le titre « fils de Dieu », primitivement, était seulement synonyme de roi ; il était donné à chaque nouveau roi le jour de son sacre.
Il est vrai que, bien souvent, les rois des autres peuples se faisaient également appeler « fils de Dieu » (par exemple en Égypte), quand ils ne se prenaient pas pour « Dieu » eux-mêmes, mais la particularité d’Israël reste la stricte distinction entre le créateur et les créatures : il y a un seul Dieu, roi du ciel et de la terre ; les rois humains ne sont que ses lieutenants : à travers le roi donné par Dieu, c’est Dieu lui-même qui est roi. D’ailleurs, l’alliance entre Dieu et David s’exprime dans les mêmes termes que les traités de l’époque entre un suzerain et son vassal : ici « père » veut dire « suzerain », « fils » veut dire « vassal ». On ne rêve pas encore d’autre relation à Dieu que celle-là ; mais c’est déjà l’assurance de la fidélité sans faille d’un tel suzerain. Quand c’est Dieu qui s’engage par serment, David ne craint plus rien ni personne.
En contrepartie, il est bien précisé qu’il s’agit d’une relation de soumission : Dieu avait dit à David : « Si le roi commet une faute, je le corrigerai… » (2 Samuel 7, 14 b) ; et c’est bien ainsi que le roi Saül a été désavoué. On ne se prive pas de le notifier à ses successeurs.
La mission du roi au service du peuple est comparée à la garde du berger ; là encore, nous allons retrouver la même articulation : le vrai berger, c’est Dieu lui-même (« Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer » dit le psaume 23/22) et le roi est en quelque sorte le berger délégué. Les prophètes Jérémie et Ezéchiel développeront volontiers plus tard ce thème du berger : est un bon berger le roi qui se soucie du bien-être de ses brebis, traduisez le peuple ; est un mauvais berger celui qui n’assure pas la sécurité du peuple et ne se soucie pas, ou trop peu, de justice sociale. Pour faire passer leur message de reproche aux mauvais rois-mauvais bergers, les prophètes utilisent donc un langage très imagé, un peu surprenant pour nous à première lecture, mais très clair ! On sait bien qu’on peut dire beaucoup de choses avec des images et ils ne se privent pas de dire leurs quatre vérités aux rois qui se soucient plus d’eux-mêmes que du peuple qui leur est confié.
Ezéchiel, par exemple, nous transporte dans une bergerie pendant des chapitres entiers. Mais tout le monde comprend qu’il s’agit du peuple et de ses rois : « C’est le troupeau que les bergers doivent paître… mais les bergers d’Israël se paissent eux-mêmes… Vous n’avez pas fortifié les bêtes débiles, vous n’avez pas guéri la malade, vous n’avez pas fait de bandage à celle qui avait une patte cassée, vous n’avez pas ramené celle qui s’écartait, vous n’avez pas recherché celle qui était perdue, mais vous avez exercé votre autorité par la violence et l’oppression » (Ézéchiel 34, 2-4).