Le secret messianique
Le secret messianique
Cela expliquait pourquoi Jés6s avait obstinément refusé toute publicité au long de sa vie ; c’est ce qu’on appelle parfois le « secret messianique ». Pour le dire autrement, Jésus ne tenait pas à ce qu’on dise partout qu’il était le Messie ; et ce secret, il est clair qu’il a voulu le garder jusqu’au bout : ce n’est qu’au moment même de la Passion qu’il s’est laissé reconnaître ; au grand prêtre qui l’interrogeait : « Es-tu le Messie, le fils du Dieu béni ?» Il a répondu tout simplement « Je le suis » et il a ajouté : « Et vous verrez le fils de l’homme siégeant à la droite du Tout- Puissant et venant avec les nuées du ciel » (Marc 14, 61-62).
Mais pourquoi cette réserve ? S’il était le Messie, c’était une bonne nouvelle, pourquoi donc nous la cacher ? En fait, Jésus lui-même savait trop bien que ses contemporains se trompaient d’attente en quelque sorte ; c’est probablement pour cela qu’il leur interdisait résolument de dire à qui que ce soit qu’il était le Messie ; on avait encore trop d’idées toutes faites sur ce qu’il doit être, on n’était pas prêt à l’accueillir tel qu’il est, tel que Dieu l’a prévu et offert au monde. C’est bien pourquoi, en descendant de la montagne de la Transfiguration, il a ordonné le silence à ses apôtres « jusqu’à ce que le fils de l’homme ressuscite d’entre les morts » (Marc 9, 9). Il fallait bien avoir vécu et médité la passion, la mort et la Résurrection de Jésus pour reconnaître en lui le Christ, le Messie attendu.
Si Jésus a pu obtenir le silence de ses apôtres jusqu’à sa Résurrection, plus rien n’a pu les faire taire à partir du moment où les écailles sont tombées de leurs yeux, comme disait Paul. Alors la joie déferlait sur eux : les évangiles sont irradiés de la lumière de Pâques. Les auteurs du Nouveau Testament ont donc relu tous les événements de la vie de celui qu’ils appelaient désormais Jésus-Christ, c’est-à-dire Jésus- Messie ; ils ont repris toutes ses paroles et quand ils nous les rapportent « pour que nous puissions vérifier la validité des enseignements que nous avons reçus » (comme dit Luc au début de son évangile), ils nous transmettent ce qui est désormais leur certitude profonde : Jésus est bien le Messie qu’on attendait, mais tellement différent de celui qu’on attendait !
L’accomplissement des Écritures
C’est le sens de cette expression qui revient si souvent sous leur plume : « Ainsi s’accomplit l’Écriture » ou bien encore : « Tout cela arriva pour que s’accomplissent les Écritures. » On peut ici remplacer le mot « Écriture » par « Promesse de Dieu » ou « Projet de Dieu ». Les apôtres de Jésus entrent peu à peu dans ce que Luc appelle « l’intelligence des Écritures », une nouvelle compréhension du projet de Dieu. Si bien que tous les écrits du Nouveau Testament sont émaillés de citations, de rappels, d’images, de thèmes familiers aux lecteurs de l’Ancien Testament.
Tout est nouveau pourtant ! Les apôtres ne cherchent pas à gommer l’étrangeté, au contraire ils l’affirment et cherchent à l’assumer.